Je cherche des mots qui soient l’équivalent du tremblement de la lumière dans la bruyère violette des derniers jours d’août, qui présentent la même souplesse que les chaumes flexueux des bambous que le vent agite, ou qui offrent les éclats argentés des écailles d’eaux dans le cours naissant des rivières.
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Il n’y a pas de message, pas de leçons, pas de vérité… à chercher sur le chemin; simplement la vibration pure et nue de la vie. L’évidence de l’existence, de sa beauté aussi. Une émotion contenue, une passion calme et féconde : la marche est une monotonie créatrice, dit Jérémy Roumian (Bouts du monde n° 11) auquel fait écho "Le mouvement alterné des jambes suffisait à contenter l’âme(…) une totale liberté de départ" de Marguerite Yourcenar dans l’œuvre au noir.
La marche est une rêverie en action, mieux encore, une activité rêveuse. Un loisir qui concilie l’action, la contemplation, une activité dont se nourrissent l’imaginaire et toute notre vie intérieure. Marcher, faire l’expérience du voyage vers le "lointain intérieur" comme disait Michaux. " Vivre c’est vivre à l’affût" , nous dit le poète Philippe Delaveau.
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C’est ainsi ; marcher, c’est faire provision d’images, de parfums, de sensations… pour le temps où il nous sera difficile de mettre le nez dehors. Nous n’avons pas – nous n’avons plus – à nous soucier d’accumuler de la nourriture pour passer les mois d’hiver sans connaitre la faim. C’est un luxe relativement récent en Europe ; ce n’est pas le lot de toute l’humanité hélas. Mais nous avons peut-être à nous soucier d’engranger un autre genre de nourriture, de richesses démonétisées, tout ce qui constitue la beauté des paysages, et plus largement, de notre environnement : l’ombre des haies, le chant persistant du coucou au printemps, le parfum de l’ajonc mêlé aux odeurs de bord de mer, l’architecture des sous-bois… Nous en aurons besoin pour affronter les moments de tristesse et les jours de réclusion. Au fond, nous savons peu de choses de la beauté. Elle circule dans nos corps et dans nos esprits (une fausse distinction), d’une manière différente du sang mais ses effets sont tout aussi mystérieux. Elle se rappelle à nous au moment où l’on s’y attend le moins. Elle nous fait « du bien ». Comment ? Pourquoi ? Nous n’en savons rien, ou si peu, mais pour une fois, à vrai dire, nous nous en fichons un peu. Ses effets sont là, indéniables, parfois troublants. Attendue, espérée…
Rien cependant qui ne la fasse advenir sur commande : elle nous visite, la beauté, quand elle veut.
C’est une définition de la liberté. Elle tient en un mot, un seul parfois et tout à coup l’univers s’agrandit, change de couleurs, le voile d’opacité qui entourait notre existence s’est déchiré.
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Jean-Luc Le Cléac’h "Poétique de la marche" La Part Commune 2017
extraits pages 142, 140, 132-133.
Bio : Jean-Luc Le Cléac’h est un auteur "marcheur-lecteur". Il vit dans le Finistère sud.
Association des écrivains bretons (voir le site)
Article Pierre Tanguy Bretagne actuelle (voir le site)
Editions La Part Commune (voir le site)
"Jean-Luc Le Cléac'h sera l' invité des Rendez-vous de Max le 1er février"