Ainsi va le temps. La saison revient, la mer revient, le vent tourne, les oiseaux partent et reviennent. Le temps coule, porosité sableuse, fuite immobile. Qui a vu passer le temps ? Est-il tranquille, inquiet, s'arrête t-il ou bien suit-il toujours son cours imperturbable ? S'arrête t-il pour respirer l'air iodé sur la mer éclatante et jeune ? S'enroule t-il sur lui-même ? Mais les astres s'éloignent, le temps s'évanouit dans l'espace, l'épine noire se revêt de splendeur immaculée près des ajoncs au-dessus de l'écume. Le temps ne s'écoule pas. Il passe très loin, très vite : nous restons immobiles, tournant dans nos routines.
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A nouveau donc l’été. Il vient, il s’annonce. Le lotier est en fleur. Les herbes montent avec les ravenelles et les giroflées. La mer est couleur pâle, presque du marbre un peu teinté si calme. On s’aperçoit qu’elle descend par la bande de goémons qu’elle laisse sur le sable. Les pieux sont là, les canots colorés. Un homme lave des poissons, tire son bateau sur le quai. La lumière change, la mer devient verte, bleue presque noire selon le regard, l’endroit le moment. (…) Le soleil, comme une lune, couvert et découvert par le vent nuageux. La mer chante, montant doucement dans le vieux port, parmi les bateaux et les pieux enfouis dans les rochers. Une alouette tombe, un peu plus loin, sur son nid. Quelques ombres de mouettes planent. Nous dormons tranquilles écoutant le chant du monde.
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Merveilleux moments où l’été s’affirme, encore fragile, jusqu’à la stabilité future, royale. Bruissement des feuilles se retroussant au vent. Jeune frondaison, multiple et vivace. Le goût de vivre, à nouveau ! L’impatience ou la patience, hivernale, enfin récompensée. Verdure frémissante, ramure ployées. Chants et trilles dans le feuillage. Et, devant les petites maisons, les jardins remplis de roses. Le splendide ciel se dérobe et se dévoile sous les longs nuages qui filent. La vie circule librement. Volontiers on laisserait tomber les peurs, les précautions et on partirait, voile au vent, vers le non-fini du monde, aux risques de l’aventure.
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René Le Corre « Les saisons » La Part Commune 2011, 80 pages 12€
René le Corre, poète et professeur de philosophie, est né en 1923 à Pouldreuzic.
Editions La Part Commune (voir le site)
Les ouvrages de René Le Corre parus aux éditions La Part Commune (voir le site)