À Madame Claude Seyse,
ancienne vice-présidente du Conseil général et porte-parole de l’Association pour la valorisation et le soutien de la région des Pays de la Loire (AVSPL).
Madame,
Après avoir lu votre courrier défendant l'identité de la région dite des "Pays de la Loire" ou parfois "Pays de Loire", j'ai pu assister à une émission sur le sujet, diffusée par Télénantes le 3 mars 2023 dernier, débat contradictoire en présence de M. Christophe Prugne, Président de l'association À la Bretonne.
Je me permets de contredire la totalité de vos propos, et ce notamment parce que vous semblez ignorer le fond de ce dont vous parlez.
En effet, il me semble avoir plus de pertinence et de légitimité que vous sur le sujet :
Je suis Nantais d'origine angevine, né dans les Mauges, et d'une famille paternelle d'Ingrandes-sur-Loire depuis de nombreux siècles. Ce gros bourg de frontière avec la Bretagne qui s'est enrichi de son activité douanière jusqu'à la fin de l'Ancien Régime est devenu un no man's land depuis l'installation de la région factice dite des "Pays de (la) Loire", une virgule sous autoroute qui a perdu toute son activité & ses commerces. Son âme de frontière et d'échanges humains. Je tiens donc à la remercier sans réserve pour tous ses "bienfaits".
Personnellement, pour y avoir passé toute mon enfance et mon adolescence, je pense savoir mieux savoir que vous où commence la Bretagne ainsi que l'Anjou : de l'autre côté de la rue sur la commune du Fresne (Le Fresne-sur-Loire) où travaillait mon grand-père vigneron, et ou fut arrêté l'un de mes ancêtres faux-saunier pour être jeté en prison. La mémoire en ces lieux est aussi tenace que les Bretons d'à côté sont têtus.
Voire en venant des Mauges, mon ascendance maternelle, en passant la Loire après l'Èvre, de Saint-Florent-le-Vieil, bourg du vénérable Julien Gracq, pour Varades. Ou de Liré, patrie de Joachim du Bellay, vers Ancenis.
Au point de frontière entre les deux bourgs, il existait jusqu'à la Révolution une pierre dite "de Bretagne" posée par le duc Erispoë en l'an 851 et Charles le Chauve, roi des Francs. Elle a disparu pendant la Révolution (1792), vraisemblablement vendue, mais elle était encore indiquée par une pancarte jusque dans les années 80. Dite pancarte qui a été sciemment escamotée.
Quant au toponyme gaulois equorandam d'origine, il signifie partage et frontière, et figure dans nombre de toponymes de l'ancienne Gaule.
Quant à la dénomination "de Loire", en dehors d'un bassin hydrographique, il me semble usurper le simple bon sens : ne n'ai, malgré toute mon attention, point vu la Loire couler à Laval, au Mans, et encore moins à La Roche-sur-Yon, anciennement Napoléonville. Cette entité administrative n'est que la réunion artificielle et forcée du Maine, de l'Anjou, du Bas-Poitou, et du Pays Nantais, moins quelques marches.
Ça c'est la "vérité vraie !", dit-on chez moi. Tout le reste n'est même pas littérature mais propagande bourrage de crâne sur le dos des fonds publics depuis des décennies.
A des fins scandaleuses de tenter de refaire l'histoire et d'éradiquer les consciences pendant plusieurs générations. Ce qui n'est pas dans rappeler les périodes les plus sombres de l'histoire. Jusqu'à aujourd'hui dans quelque pays d'Extrême Orient...
Chez nous, on est Angevins ou Bretons. Et ça nous va très bien. Mais jamais "Ligériens". Un terme qui n'a aucun sens encore dans les consciences collectives, jusqu'à aujourd'hui. La terre, sa géographie est du domaine du sensible qui fait l'Humain. Bien loin des considérations administratives "hors sol". Si le département a fini au bout de 350 ans par représenter un référent imaginaire relativement viable, c'est aussi parce qu'il s'est appuyé sur des réalités plus éprouvées par le temps.
Tout le monde sur place sait en Charente qu'il passe de l'Aunis à la Saintonge. Et en 44 qu'il est du Pays de la Mée qui n'est pas le Nantais, ou de Retz qui n'est pas le Vignoble. Tout le monde sait et surtout sent ces frontières intérieures qui font le territoire et les Hommes plus que la carte. Cela demande un peu plus de sensibilité qu'une vision administrative con-descendante. Gênant pour "administrer', j'en conviens.
Mais je vous réfute le droit d' "administrer'" mon passé sensible d'Homme, ni celui de ma famille et de mes enfants et petits-enfants. Ma conscience d'exister quelque part même si mes pas me mènent aux autres et au divers du Monde, qui n'est Monde que parce qu'il est justement différent. De faire du passé "table rase".
La "frontière" n'est justement pas un prétexte à conflits. Mais bien, vécue de chacun son intérieur, un prétexte de rencontre et de partage. Comme la peau appelle à la caresse.
Quant au Gwenn ha Du, il n'est en rien comme certains voudraient vous le souffler un symbole issu du fascisme largement partagé à l'époque de sa création. Bien au contraire il est "pluriel". Bandes blanches & noires & fond d'hermines signifiant une forme d'unité dans la diversité. Et sa présence sur les frontons de mairies ou autres édifices publics me conforte dans l'idée que toutes nos différences nous unissent en humanité. Bien plus que le "bleu-blanc-rouge" qui n'est que la manifestation d'une concession républico-royaliste. "Plutôt mourir que de se salir" n'empêche pas d'être républicains dans l'âme et de revendiquer au quotidien la "Liberté-Égalité-Fraternité" bien mises à mal en cette fin de règne. N'oubliez jamais que la Révolution "Française" est en partie née de députés bretons. Et occitans.
Et non seulement je ne vous félicite pas de vouloir reprendre a votre compte cette tentative encore infructueuse de fomenter une amnésie collective, mais je vous plains de n'en avoir ni conscience ni intelligence.
Je me tiens donc à votre disposition pour quelques leçons de littérature, d'histoire ou de géographie...
Pour mémoire.
Jean BOIDRON
24 | 31 | Tweet |
|