Qu’ils soient séparés en deux formations (PNV et EH-Bildu en Euskadi) ou représentés par une seule (Bloque Nacionalista Gallego, BNG, en Galice), qu’ils soient à la tête des institutions comme le PNV à Gasteiz, ou dans l’opposition, les forces nationalistes ont atteint des scores sans précédent lors des élections qui ont eu lieu il y a une semaine pour renouveler les assemblées autonomes de ces deux nations inclues dans l’Etat espagnol.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, entre 2016 et 2020.
Le PNV passe de 37,60 % des voix, ce qui était déjà un score historique qui lui avait assuré vingt-huit sièges et la présidence de la Communauté Autonome du Pays Basque, à 39,14% et trente-et-un sièges.
La gauche abertzale, à travers EH-Bildu qui s’est formée au lendemain de l’abandon de la lutte armée par ETA, progresse de façon spectaculaire et atteint un score historique de 27,84% et vingt-deux sièges contre 21,26% et dix-huit sièges quatre ans auparavant.
Désormais le mouvement nationaliste rassemble plus de deux voix sur trois du Pays Basque- Communauté autonome, 71,71% en Gipuzkoa (contre 63,16% il y a quatre ans), 66,54% en Biskaia (contre 59,63% il y a quatre ans) et 57,32% en Alava (contre 46,15% il y a quatre ans).
La progression se fait principalement au détriment de Podemos qui avait capté une partie de l’électorat basque de gauche à sa création suite aux mouvements sociaux qui avaient secoué toute la péninsule ibérique suite à la crise économique de 2008. Ce qui explique que ce soit la « gauche basque », EH-Bildu, qui fasse la progression la plus forte.
En Galice, Bloque Nacionalista Gallego fait aussi une percée historique dans ce qui est encore un territoire dominé par la droite espagnole. L’autre dimanche, le BNG a recueilli 23,80% des voix et dix-neuf sièges contre 8,33% et six sièges seulement quatre ans auparavant. Les nationalistes sont devenus la première force d’opposition et dépassent désormais le Parti Socialiste, tandis que le Partido Popular reste largement majoritaire avec près de 50% des voix et une encore confortable majorité absolue des sièges.
Il y a quatre ans, le succès de l’alliance entre Podemos et une scission du BNG à travers Marea Galeguista avait beaucoup affaibli le parti nationaliste historique. Mais cette construction politique n’a pas tenu, elle s’est effondrée électoralement et n’a plus ni électeurs ni élu, tandis que Podemos seul a rassemblé moins de 4% des voix et n’obtient pas d’élu non plus.
Les élections en Catalogne sont programmées pour 2021. Elles auraient dû être anticipées d’une année, avant que la crise épidémique ne remette en cause la décision de les convoquer avant terme.
Mais le message est déjà suffisamment clair envers le gouvernement socialiste espagnol de Pedro Sanchez dont l’investiture a tenu au soutien implicite de toutes ces formations, PNV, EH-Bildu comme BNG, en accord avec les députés catalans d’ERC, de façon à ménager une possibilité de dialogue au sommet de l’Etat espagnol à propos de la situation en Catalogne.
Ou l’Espagne, comme elle l’a fait il y a quarante ans au sortir de la dictature franquiste, sait remettre en cause son modèle idéologique espagnoliste et engager un nouveau dialogue avec les nations sans Etat qui en font encore partie (celles que la Constitution espagnole actuelle appelle des « nationalités »), ou elle ira au devant d’une crise politique majeure dans les années à venir. En tous les cas, en Galice comme au Pays Basque, les forces espagnolistes (le parti Vox, proche du Front National) sont tombées au plus bas (2%), alors qu’elles avaient flambé dans le reste de l’Espagne, notamment à Madrid.
En Espagne se joue désormais une part importante du débat sur l’avenir de l’Europe, à travers la question des nations sans Etat et de leur aspiration croissante à la reconnaissance de leurs droits. Ce communiqué est paru sur Le blog de François Alfonsi