Au Festival de Lorient, le grand théâtre accueille, ce premier dimanche, une superstar bretonne, qui mène sa route entre théâtre (La chaise de paille, de Sue Glover, Marilyn enchantée) et musique.
Elle joue, elle crie, elle essaie des nouveaux chemins en parlant "deux langues étrangères", comme elle se plaît à le souligner, le français une fois et l'anglais à de nombreuses reprises. Elle explore des chemins nouveaux avec Didier Dréau, le guitariste qui retrouve enfin une véritable place sur la scène bretonne après les trois superbes CD de Kern (duo avec Kristen Nikolas). Ses talents de comédienne emportent le spectateur dans ses histoires de femmes qui veulent être aimées, d'amours déçus, en allant souvent crescendo, s'arrêtant épuisée, d'un seul coup, dans le noir ...
Le blues de la penn sardin, habilement illustré par une vidéo signée Yann-Erle Gourvès, montre combien “il était agréable de se promener le soir, aux Plomarc'h, et d'aller se baigner sur la plage du Ris”. Ce titre s'appelle Tremen a ra an amzer, baby .. Nostalgie, déception de devoir toujours se battre pour une langue qui devrait tout naturellement avoir sa place, humour aussi avec le tonton Ram : dans la vie, il y a toujours un profiteur et un autre qu'on plume, qui se fait avoir...
Ambassadrice de la langue bretonne
Elle chante surtout les titres de son nouveau disque, même si la chanson qu'elle interprète après le rappel, est celle qu'elle a composée à son retour en Bretagne : glav,glav,glav. Les percussions sont assurées par Jean-Christophe Boccou qui mêle subtilement des batteries rock et des sons tirés de son ordinateur.
Un spectacle à voir et à vivre, la langue bretonne est bien servie par cette auteure-compositeure-interprète, ambassadrice interceltique de cette petite langue bretonne si malmenée. Hir, hir an hent ... (long, long, le chemin : titre qu'elle avait d'abord écrit pour être à l'intérieur du témoin que se sont passés des milliers de coureurs lors de la première redadeg, en 2008). La course pour la langue bretonne a pris de l'ampleur. La colère monte de ce petit bout de femme en robe noire et en jean's, avec ses talons hauts, une Joan Baez à la guitare en bandoulière, un poète “on the road”.
En attendant Laurent Jouin
Ils ne sont pas nombreux à composer en breton, les artistes contemporains : Mona Jaouen, Dom Duff, Louis-Jacques Suignard, Arvest, Bernez Tangi (sa source), Lors Jouin, Kristian Duro, Marie-Hélène Poupon-Tonnerre, Youenn Guillanton, Denez Abernot, Jean-Luc Roudaut, Jakez ar Born, ... et il faut les soutenir.
Après le spectacle au Grand Théâtre, au pavillon Bretagne, un spectateur dans la foule aurait dû être sur scène avec ses collègues de Pennoù skoulm. Il aurait dû faire rire le public avec son humour caustique. Il aurait dû chanter avec Soig et Nolwenn (création à Amzer Nevez l'hiver dernier), ou au fest-noz avec un compère. Il aurait dû jouer avec le groupe qu'il a créé, dont le disque est une météore (Toud'sames) ...
Laurent Jouin n'aura pas fait profiter au public du festival de ses splendides chansons en breton, de son répertoire, de ses capacités de chanteur polyglotte (anglais, allemand, breton évidemment)... Le festival est passé à côté d'un de nos rares grands chanteurs. Dommage !
Pour en savoir plus :
Nolwenn Korbell (voir le site)
Pour écouter Didier Dréau (voir le site)
Pour écouter Laurent Jouin (voir le site)