Dans le monde de la culture, de la langue, de la musique bretonnes, qui ne connaît pas Alan Le Buhé ? Ce sonneur depuis l'âge de 9 ans, fondateur des bagadoù de Carnac et de Locoal-Mendon, devenu président de Bodadeg ar Sonerion de 1991 à 1998, vous pouvez le rencontrer régulièrement ici ou là avec son impressionnante exposition de cornemuses et de bombardes de Bretagne et d'ailleurs.
Car Alan Le Buhé est le créateur en 2009 de l'association Dasson an Awel qui s'est donné pour but de promouvoir et d'expliquer ces instruments bretons mais aussi universels que sont la cornemuse et la bombarde. Grâce aux dons de particuliers et de collectionneurs, Dasson an Awel possède désormais près de 120 instruments de Bretagne, d'Europe et d'au-delà.
C'est au rez-de-chaussée du Palais des Congrès de Lorient qu'Alan Le Buhé a expliqué pendant dix jours de FIL aux nombreux visiteurs tous les secrets et petites et grandes histoires de ces instruments.
Au détour de la conversation, c'est ainsi que j'ai appris la fermeture en 2005 du Musée national des Arts Populaires de Paris ( ce qui m'avait échappé ...) et dont toutes les collections se retrouvent au MUCEM (Musée des Civilisations de l'Europe et de la Méditerranée) de Marseille... Problème, les collections de cornemuses se trouvent donc désormais dans les réserves du dit MUCEM , dont la collection d'Yves Moreau de Bellaing, fils du capitaine Léopold de Bellaing, officier du 73e régiment d'infanterie de Guingamp pendant la première guerre mondiale célèbre pour sa "clique" de binious-bombardes..... Tout ça enterré à 1000 kms de la Bretagne ...
Dans le même genre lamentable mais plus près de nous puisqu'une collection de cornemuses séjourne dans les caves du Musée de Brest... Cette collection rassemblée par Polig Monjarret à l'époque du Festival des Cornemuses qui se tenait alors à Brest, appartient à la Ville de Brest depuis les années 60 mais semble enterrée ad vitam aeternam dans les sous-sols du musée en attendant sans doute sa transformation en poussières ..
Et j'en viens donc au sujet principal de ces quelques lignes, l'absence surprenante et de mon point de vue tout à fait regrettable, de lieu consacré à l'histoire et l'actualité de la musique bretonne. Tout le monde, vraiment tout le monde se félicite du dynamisme de la musique bretonne, chacun souligne l'existence de dizaines de festivals et fêtes qui émaillent l'été breton, les uns et les autres louent la vitalité associative, le nombre de bagadoù, de groupes musicaux, etc... Notre musique est utilisée pour la promotion de la Bretagne, dans les clips de telle ou telle marque, etc. Bref, unanimité autour de cette richesse musicale qui est la nôtre. Mais, alors comment se fait-il qu'il n'y ait aucun lieu ouvert au grand public où tout un chacun, écolier ou touriste, pourrait comprendre l'histoire de cette musique, découvrir chaque instrument, suivre l'actualité de notre musique, bref un véritable centre d'interprétation qui pourrait d'un côté exposer les collections dont nous avons parlé plus haut, et d'un autre côté offrir en utilisant les dernières technologies une découverte interactive de notre musique, de nos instruments, de nos musiciens.
On ne peut pas continuer à se gargariser régulièrement du "succès" de la culture bretonne sans donner les moyens de la mieux faire connaître tant aux habitants des cinq départements qu'à nos visiteurs. Cette musique est l'un des principaux marqueurs de la culture bretonne actuelle mais nulle part on ne propose de façon cohérente, moderne et ludique de la comprendre. Certes ce genre de centre d'interprétation a un coût mais il est anormal que ce type de projet ne puisse voir le jour ou soit remisé à plus tard alors que le besoin est là, besoin culturel évidemment mais aussi économique car à nos visiteurs il faut aussi pouvoir proposer des lieux de découverte de notre culture. Les musées jouent leur rôle, des sites comme Océanopolis aussi, mais il manque de façon criante ce type de centres d'interprétation. Sur la musique évidemment d'autant que les collections sont là, la demande est là (voir Dasson an Awel) mais aussi sur les costumes de Bretagne (vous savez où les voir, vous ? un peu ici, un peu là, mais aucun lieu qui propose une vision globale), la danse, l'histoire, etc...
Pour en revenir à la musique et son centre d'interprétation, deux lieux semblent être possibles pour l'accueillir, Gourin et son château de Tronjoly, haut-lieu du Championnat national des Sonneurs chaque mois de septembre ; certes le château est un peu alambiqué pour abriter un tel centre mais pourquoi ne pas y rajouter un espace dédié ? Autre site possible et cohérent, Lorient avec son Championnat national des bagadoù et son Festival interceltique. Encore faudrait-il que les élus sortent de leur torpeur et portent un tel projet.
Bon, on attend quoi ?
Voir le site de Dasson an Awel (voir le site)