L'Afrique et la littérature policière ne réussissent pas à Loïk Le Floch-Prigent, 69 ans, qui semble condamné à des rencontres avec les forces de l'ordre, moins agréables que celles qu'il a prêtées à Ernestine, de Trébeurden, dans son roman policier "Granit rosse". Voir sur ABP (voir le site)
Aller signer des dédicaces pour ce livre à Abidjan (elles ont été annoncées sur ABP) et se faire interpeller à l'aéroport, le vendredi 14 septembre et transférer le lendemain au Togo, c'est presque être comme le "méchant" du roman qui se croyait à l'abri.
Loïk Le Floc'h-Prigent a ses habitudes dans la capitale de la Côte-d'Ivoire, au restaurant "Le Pichet" tenu par un ancien légionnaire.
Sous le coup d'un mandat d'arrêt international émis par le Togo en juin 2011, il a supposé qu'une plainte serait d'abord déposée contre lui et a toujours nié que le mandat lui ait été notifié. Gentillesse par omission du gouvernement français ?
C'était sous-estimer le danger que présentent les pays instables qui peuvent se rendre des services sur le dos d'un Français peu protégé, car, mal considéré pour ses dérives payées de prison et de déchéance sociale. Il a, cependant, eu des contacts avec les services des consuls de France locaux.
Les deux pays en question, le Togo et la Côte d'Ivoire ont astucieusement joué des circonstances : ils ont mis en application le principe du mandat international qui admet de se passer d'une procédure d'extradition et ont profité du fait que des policiers togolais étaient présents à Abidjan pour une conférence des polices de la sous-région.
Le point ignoré par Le Floch-Prigent, est que la Côte-d'Ivoire devait un retour d'ascenseur au Togo qui s'apprêtait à lui remettre un ex-ministre de l'ancien président ivoirien, Laurent Gbagbo, actuellement en attente de jugement par le Tribunal pénal international, à La Haye.
L'accusation de complicité d'escroquerie tient dans les déclarations d'un riche homme d'affaire de Dubaï, Abbas El Youssef, président de la société pétrolière Pilatus,qui accuse Loïk Le Floch-Prigent d'avoir aidé des Ivoiriens dans une arnaque "à la nigériane" qui lui aurait fait perdre 48 millions de dollars.
La prétendue veuve d'un ancien dictateur ivoirien disait avoir besoin d'argent pour débloquer 275 millions de dollars sur un compte de la Banque du Togo et elle aurait fait présenter Abbas El Yousseff à un ex-ministre togolais et à un autre citoyen Togolais, tous deux emprisonnés juste avant Le Floch-Prigent.
Selon l'homme d'affaires, c'est Loïk Le Floch-Prigent qui aurait assuré que l'argent était bien présent sur le compte au Togo, ce que notre Breton nie en faisant remarquer que c'est à Dubaï, en 2008, et en son absence, qu'a eu lieu la première rencontre.
Il explique qu'il a eu des relations avec El Youssef, principalement pour faire des affaires pétrolières en Russie et, marginalement, sur le Golfe du Bénin, où se situe le Togo.
Il a été entendu à huis clos, trois jours de suite, au tribunal de Lomé, mais n'est pas sous mandat de dépôt et est simplement retenu dans le camp principal de la gendarmerie nationale.
Assisté d'un avocat, il a pu normalement donner ses explications et il a déposé une demande de mise en libération qui ne sera examinée que le 24 septembre.
Il doit subir une intervention chirurgicale à Paris, le 26. et on ne sait pas s'il sera relâché à temps.
Le Togo est, en ce moment, dans une phase politique délicate, car le président Faure Gnassimgbé est contesté dans la rue par un collectif des partis d'opposition appelé "Sauvons le Togo !" (CST).
Dans un contexte de crise économique et de fragilité des régimes autoritaires en Afrique, il n'est pas étonnant de voir un règlement de comptes avec un ancien ministre être utilisé dans une autre affaire qui, comme par hasard, touche au pétrole.
Selon Ivoire.business.net, Loïk Le Floch-Prigent a des relations suffisamment étroites avec le président du Congo-Brazza, Denis Sassou-Nguesso, d'une part, et le président de l'Angola, Eduardo Dos Santos, d'autre part, pour que ceux-ci s'entremettent en sa faveur.
Élevé en Bretagne (il a fréquenté le Lycée Notre-Dame, à Guingamp), il est membre d'une nombreuse famille trégorroise, dont deux cousins qui l'ont aidé à dépeindre le Trébeurden des années 60 où ils passaient leurs vacances, et un neveu, Erwan Chartier qui l'a fait éditer par la Coop Breizh.
Sa mère, âgée de 90 ans, habite toujours Guingamp.
Christian Rogel