Après l'aberrant refus de compléter un livret de famille bilingue
Contre l'intolérance et la négation d'un autre âge
Pour Kevre Breizh, coordination des grandes fédérations culturelles bretonnes, membre du Réseau Européen pour l'Égalité des Langues, interdire légalement la langue propre d'un peuple ou d'une minorité,c'est du fascisme : en Europe, si l'on exclut le cas de la Grèce et de la Turquie, il faut remonter à l'Italie de Mussolini, et à l'Espagne franquiste pour voir appliquer de telles législations. C'est pourquoi il est ahurissant de voir que, dans la France de 2012, le Ministère des Affaires étrangères se réfère au Décret de la Terreur et de Robespierre du 2 Thermidor An II (20 juillet 1794) pour refuser l'usage d'un livret de famille bilingue qui, dans l'hypothèse farfelue où il serait appliqué, enverrait directement le maire de Carhaix en prison et le destituerait de ses fonctions. Il faudrait aussi mettre en prison et destituer les préfets qui délivrent systématiquement des passeports bilingues français/anglais, comportant une dizaine d'autres langues, puisque selon ce même décret «nul acte public ne pourra, dans quelque partie que ce soit du territoire de la République, être écrit qu'en langue française ». Ajoutons que Robespierre et ses amis ont été guillotinés 8 jours après avoir publié ce décret qui a ensuite été suspendu jusqu'à nouvel ordre par un autre décret du 16 Fructidor An II (2 septembre 1794).
Il est d'autant plus surprenant de voir le Parquet du Tribunal de Grande Instance de Brest affirmer dans son courrier au Maire de Carhaix que « la législation actuelle s'oppose à la délivrance de tels livrets », sans autre forme de procès, alors que, par exemple, la Cour administrative d'appel de Marseille a jugé parfaitement légale la signalétique officielle bilingue et vient de débouter, en le condamnant aux dépends, le « Mouvement républicain de salut public » qui avait fait un recours contre cette pratique dans la commune occitane de Villeneuve-les-Maguelone (jugement du 24 mai 2012). Le Conseil constitutionnel lui-même, n'a-t-il pas considéré, dans sa décision du 15 juin 1999 concernant la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires que l'obligation du français « n'interdit pas l'utilisation de traductions » ?
Ce qui en reste, n'est qu'une tentative d'intimidation et un combat d'arrière-garde de jacobins jaloux de leur pouvoir arrogant contre la construction d'une société démocratique et les droits fondamentaux de la personne humaine que la France se refuse toujours à reconnaître pleinement, malgré ses belles déclarations sur la diversité. Or, nier sa langue, c'est bien plus qu'une question linguistique, c'est une atteinte intolérable à l'humanité de la personne.
Pour sortir des ambiguïtés et mettre fin aux atteintes structurelles aux droits de l'homme en France,régulièrement dénoncées par les instances internationales (Conseil des droits de l'homme de l'ONU, Conseil de l'Europe), il appartient au Président de la République et à la majorité élue de concrétiser très rapidement leurs engagements de campagne en mettant en route le processus de ratification de la Charte européenne des langues, en modifiant la Constitution et en prenant les dispositions légales reconnaissant clairement le droit aux langues des peuples de France et à leur expression dans la vie privée comme dans la vie publique.