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François de Beaulieu est bien connu dans les cinq départements bretons comme auteur naturaliste, et des livres portant son nom apparaissent régulièrement dans les devantures des librairies : "Nature en Bretagne"(1991), "Mammifères marins" (1994), "Les Bretons et leurs animaux domestiques" (2000), "Quand on parle du loup en Bretagne" (2005), "Le ciel des Bretons" (2005), "Îles de Bretagne" (2006) et bien d'autres. Le catalogue de la Bibliothèque Nationale de France donne déjà 39 références à son nom et il n'a certainement pas fini d'écrire des livres d'autant plus qu'il est maintenant en retraite de l'enseignement !
Militant de l'environnement, François de Beaulieu a participé au combat contre les projets de centrales nucléaires sur les côtes bretonnes dans les années 1970 et s'est même présenté à des élections dans un temps qui paraît bien lointain. Depuis dix ans, il est le secrétaire général de Bretagne Vivante (ex-Société d'étude et de protection de la nature en Bretagne) qui compte plus de 3 000 adhérents et gère un certain nombre de réserves naturelles en Bretagne. Tous ceux qui le côtoient, savent que c'est un grand travailleur, un homme de caractère, pas toujours commode, mais fiable, rigoureux et non dénué d'humour. Beaucoup de gens savaient aussi, parce qu'il ne l'avait jamais caché, et que la presse s'en était fait l'écho, que ses ancêtres, huguenots bretons contraints à quitter la France pour sauvegarder leur foi, avaient vécu pendant plus de deux siècles en Allemagne.
Il n'empêche que le dernier livre de François de Beaulieu, paru aux éditions Ouest-France au deuxième trimestre, "Mon père, Hitler et moi", a surpris beaucoup de monde. Le titre accrocheur, sans doute imposé par l'éditeur, est un peu abusif, le maître du Troisième Reich n'ayant évidemment jamais rencontré François de Beaulieu, né en novembre 1947, ni son père... La couverture présente un soldat de la Wehrmacht qui n'est autre que Franz Chales de Beaulieu, né à Brème, en Allemagne du nord en 1913, et père de François de Beaulieu. De nombreuses photos, dont beaucoup probablement issues d'albums de famille, présentent des personnes, des maisons et d'autres lieux qui renvoient au passé allemand.
Ce livre, bien différent de tous ceux que François de Beaulieu avait écrits jusqu'ici, est un livre très intime dans lequel il nous fait partager l'histoire de sa famille et principalement celle de son père né dans une famille bourgeoise allemande en 1913, orphelin de père en 1914 et mort en octobre 2007 à Port-Miquel, dans l'Île-aux-Moines, où il s'était retiré en 1979. Franz/François de Beaulieu avait 94 ans.
Ce livre inattendu se révèle être un livre passionnant du début à la fin, un livre qui traverse tout le XXe siècle et qui nous fait découvrir l'histoire des deux guerres mondiales, vue du côté allemand. Le père de François de Beaulieu avait décidé de devenir pasteur et entrepris des études en vue d'exercer cette vocation, mais la guerre allait les interrompre avant qu'il ait pu achever et soutenir sa thèse de doctorat. Franz de Beaulieu avait eu le privilège de rencontrer un homme admirable, le pasteur Dietrich Bonhoeffer (1906-1945), une des grandes voix de la résistance chrétienne au nazisme, ce qui allait l'entraîner lui-même dans une dissidence morale, amenant son arrestation et son jugement en 1943 pour atteinte au moral de l'armée. Dégradé, condamné à sept mois de prison, puis à l'envoi en bataillon disciplinaire, il allait être expédié sur le front de l'est et participer au recul de la Wehrmacht jusqu'en Autriche. Arrêté par les Américains, il allait leur fausser compagnie avec un Alsacien (un Malgré-nous) et passer avec lui en France où allait commencer pour lui une nouvelle vie également difficile et mouvementée.
Le récit de François de Beaulieu est émaillé de nombreux faits et données (ainsi que de références à nombre de livres importants) ce qui donne à ce livre une portée bien plus large que la seule histoire d'un homme et d'une famille. Aboutissement d'un long travail de recherche sur sa famille et ses origines, ce bel hommage à un père remarquable, ce livre est aussi un ouvrage riche et captivant dont on ne peut que recommander la lecture notamment à tous ceux qui veulent essayer de comprendre comment un pays de grande et ancienne culture a pu tomber si rapidement, si complètement et avec si peu de résistance entre les mains d'un monstre et sombrer avec lui dans la barbarie.
(Éditions Ouest-France, 2008, 202 pages, 18 euros)
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