La manifestation de Nantes du 24 septembre pour la réunification n’a sans doute pas réuni autant de monde qu’espéré. Elle n’en a pas moins eu le mérite d’exister et mettre 5.000 personnes dans la rue pour cette juste cause reste parfaitement honorable et validerait dans n’importe quel autre pays européen - surtout après des années d’autres manifestations - une consultation démocratique. Mais pas ici.
Des conclusions doivent alors être tirées puisque ces manifestations sont supposées, au-delà de la surdité du pouvoir central, a minima de faire connaître la revendication bretonne. Or, en termes d’écho dans les média, caisse de résonance incontournable dans ce genre de démarche, nous avons pu remarquer deux aspects très négatifs quant au traitement de cette manifestation.
D’abord les média parisiens ont préféré évoquer la manifestation de Belfort qui n’a pourtant pas réuni plus de monde. Tout simplement parce que ces média ayant leur source à Paris ne s’intéressent pas du tout aux problèmes structurels de la Bretagne. Sans doute aussi parce qu’on les invite dans les rédactions à ne pas en faire l’écho. Mais nous y reviendrons.
L’autre versant est que les média ayant leur source en Bretagne ont, eux, essentiellement chroniqué la manifestation pour évoquer la présence d’une centaine d’éléments d’extrême-droite dans le cortège, et les déchirements qui en ont découlé.
Au final, le bilan en termes médiatiques est plutôt négatif, alors que la manifestation n’en restait pas moins importante en termes d’effectif. Il est donc important de mettre certaines choses au clair.
Tout d’abord, en ce qui concerne la présence de l’extrême-droite bretonne et l’écho extrêmement important qui en a été fait, rappelons que partout où l’extrême-droite se développe, tel un champignon, une sorte de mérule sociétale, c’est en réaction à la manière dont certaines personnes se sentent - à tort ou à raison - bernées, oubliées ou maltraitées par les gens qui les gouvernent. Face à ce phénomène de nature souvent paranoïaque, nous rappellerons ici qu’aucun mouvement politique démocratique breton n’a le pouvoir en Bretagne.
Ainsi, s’il est évident pour Breizh Europa qu’il ne faut pas avoir le moindre échange avec cette mouvance, aussi bretonne soit-elle, nous maintenons que nous n’avons absolument pas les moyens politiques ou sociaux pour la combattre dans l’état actuel des choses.
Et nous pensons que la meilleure manière de minimiser et de contrer leur présence est d’être cent fois plus nombreux qu’eux lors des manifestations et surtout ne pas quitter le cortège quand ils sont présents.
N’oublions pas non plus que si une centaine de ces énergumènes arrivent à mettre en émoi ou en déroute des milliers d’autres, il sera de plus en plus tentant pour des officines diverses de les financer et de les aider à croître. En résumé, en ce qui concerne l’extrême-droite bretonne, nous pensons à Breizh Europa que ce n’est pas aux mouvements démocratiques bretons d’en assumer la responsabilité.
Si cette extrême-droite locale existe, c’est parce qu’elle existe partout, et elle ne nous fera jamais dévier de notre objectif : l’émergence d’une Bretagne autonome et profondément démocratique, dans une Europe fédérale plus conforme aux attentes des citoyens européens.
Pour en revenir à l’écho tiède ou nul des média parisiens sur ce genre de manifestation, il doit nous rappeler, puisque ces média sont toujours très proches de la pensée dominante, qu’aucun gouvernement français, qu’il soit de droite ou de gauche, ne satisfera jamais à la demande de la réunification de la Bretagne.
On nous fera miroiter ci et ça, au moment de telle ou telle élection, mais la France que nous connaissons et ses vassaux locaux ne satisferont jamais à cette demande. Il est important d’avoir cela en tête. Et si un jour un référendum finissait par être arraché, il serait, comme celui concernant l’aéroport de NDDL, organisé sur un périmètre dans lequel nous serions sûrs de perdre (incluant l’ensemble des PDL par exemple).
En attendant, si manifester permet au moins aux Nantais de se rappeler que la Bretagne est toujours leur, la seule manière de faire vivre cette Bretagne à cinq départements est d’agir comme si ce découpage inique n’existait pas. Le seul moyen intelligent de procéder est bien celui du passage par la société civile et du contournement des textes officiels, à la manière de Produit en Bretagne, des écoles Diwan, ou encore du comité du tourisme de Bretagne qui tous ont pris pied sur tout ou partie de la Loire-Atlantique.
La Bretagne à 5 ne viendra pas par la loi de cette république, c’est une certitude. C’est donc à nous de la faire vivre tous les jours. En combattant le révisionnisme institutionnel de la région Pays de Loire ou de la mairie de Nantes, en passant par les associations, les démarches citoyennes, en utilisant chaque occasion d’irriguer le 44 de la sève de notre vieux mais solide pays, et ce sans tenir compte d’un découpage imbécile et mortifère. Le salut de la Bretagne ne viendra pas de Paris, il est là aussi entre nos mains.
Caroline Ollivro, présidente Breizh Europa