Quels droits pour les enfants pratiquant une langue régionale ?
Le 20 novembre sera célébré le 26e anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant. Faute de ratification complète, la Convention internationale des droits de l'enfant ne s'applique pas quand les enfants sont locuteurs d'une langue régionale. Réunis à Quimper, le 19 novembre, Kevre Breizh, Diwan, Div Yezh, Divskouarn, l'Ubapar, An Oaled, Sked, Mervent demandent que soient pris en compte leurs droits en matière d'accès à l'éducation, aux médias et à la culture.
Transposé en droit français, la Convention internationale des droits de l'enfant a fait progresser leur protection en matière d'adoption, de justice pénale, d'éducation et aussi dans les situations de handicap ou d'immigration. Les droits des enfants sont renforcés, mais en France, la Convention connaît une limite : cette limite est linguistique car la France refuse d'appliquer ses principes aux enfants locuteurs des langues régionales et de prendre en compte la diversité culturelle des territoires au regard des principes d'indivisibilité, d'égalité et d'unicité de la République. Chaque année, des enfants subissent des conditions d'enseignement déplorables, d'autres ne peuvent même plus suivre une scolarité bilingue, des élus locaux doivent se battre contre l'administration pour ouvrir une classe bilingue. En permanence, nos associations doivent batailler pour permettre la transmission de la langue bretonne.
C'est pourquoi nous alertons sur cet état de fait. Nous demandons que, conformément aux multiples recommandations des Nations Unies, la France ratifie l'article 30 de la Convention internationale des droits de l'enfant.
Kevre Breizh dénonce le mépris du Défenseur des droits, Jacques Toubon et la Défenseure des enfants, Geneviève Avenardqui n'ont même pas pris la peine de répondre à la demande d'entretretien sollicitée en novembre 2014.
Alors que la Charte européenne des langues régionales vient d'être rejetée au Sénat, nous demandons que le gouvernement mette en place les moyens juridiques et financiers pour assurer le droit des enfants à suivre un enseignement en langue bretonne, qu'il soit immersif, bilingue à parité horaire ou d'initiation.
En période de crise économique, le respect de ces droits ne représente aucune charge financière supplémentaire pour l'Etat ou les collectivités : la scolarisation d'un enfant dans une filière bilingue n'est pas plus onéreuse que dans une filière monolingue. Au contraire, le bilinguisme en langue régionale est une ouverture d'esprit et un atout pour renforcer les capacités d'adaptation de la jeunesse dans un contexte mondialisé.
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Ce que subissent les enfants qui parlent breton en 2015
Voici une liste de situations concrètes et récentes où la France a délibérément refusé de tenir compte de l'intérêt supérieur des enfants en raison d'une expression en langue bretonne.
Septembre 2015 – A Paimpol, la mairie décide de fermer l'école de Kerity et de déménager les classes bilingues publiques. Les effectifs passent de trois à une classe. A Redon, le rectorat ferme la filière bilingue publique après l'avoir mise en sommeil en 2013.
Mai 2015 – Appel à l'aide dans les journaux de l'école Diwan de Châteaulin à laquelle il manque 5 000 euros pour réparer une fuite dans le toit et aménager la cour d'école, boueuse par temps de pluie.
Décembre 2014 – Le ministère de la Jeunesse habilite les formations d'animateurs BAFA-BAFD, déposée par l'Union bretonne pour l'animation des pays ruraux (UBAPAR), après un refus, en 2013, dont l'une des raisons était qu'une partie des sessions se déroule en langue bretonne.
Septembre 2014 – Lily C.-B. n'a pas fait sa rentrée de CP dans l'école publique bilingue à Landerneau (Finistère) car la commune de résidence de l'enfant et la commune de son école ne s'entendent pas pour assumer les frais de scolarité ; le maire refuse son inscription.
Juin 2014 – Les élèves de terminale des sections technologiques du lycée public Fulgence Bienvenüe de Loudéac ne sont pas autorisés à passer les épreuves facultatives en gallo alors qu'ils ont suivi un enseignement dans cette langue depuis plusieurs années. Selon une note de service ministérielle du 18 octobre 2012, « il n'y aura plus d'épreuves facultatives de langues vivantes étrangères ou régionales ».
Mai 2014 – Le rectorat de Rennes refuse l'ouverture d'une classe bilingue dans l'école publique de Coray, invoquant le manque d'enseignants. La pénurie d'enseignants et les insuffisances en formation sont des problèmes récurrents. Le rectorat reviendra sur sa décision et la classe sera ouverte en septembre. Cependant la mairie prétend ne pas avoir les moyens de financer un poste d'assistante maternelle pour la vingtaine d'enfants concernés par cette classe.
Mai 2014 – Le tribunal administratif de Rennes rejette la demande de l'école Diwan de Guingamp pour contraindre les communes de résidence des élèves, hors de la commune d'accueil, à participer aux frais de scolarisation. L'école Diwan de Guingamp scolarise en breton 80 enfants ; les écoles Diwan sont gratuites et laïques.
Novembre 2013 – Nolwenn C. a étudié pendant 14 ans le breton. A l'heure de s'inscrire pour le baccalauréat STMG (management et gestion), le rectorat de Rennes refuse qu'elle passe l'option « breton » dans le cadre de ses épreuves facultatives. Selon une note de service ministérielle du 18 octobre 2012, « il n'y aura plus d'épreuves facultatives de langues vivantes étrangères ou régionales ».
Octobre 2013 – Le recteur de l'académie de Rennes interdit d'inscrire la devise nationale en breton, à côté du français, dans les lycées publics.
Juillet 2013 – Le rapport sur les langues régionales, adressé à la ministre de la Culture préconise de « rechercher une solution pour le financement des écoles associatives » qui « contribuent à la politique de développement des langues régionales ». Il souligne que « ces écoles sont laïques, ouvertes à tous, qu'elles respectent les programmes de l'Éducation nationale, et forment des locuteurs de langues régionales qui maîtrisent parfaitement la langue française » et déplore que la situation des écoles concernées (ABCM Zweisprachigkeit, la Bressola, Calandreta, Diwan, Seaska) « n'est satisfaisante, ni pour l'État, ni pour les collectivités territoriales, ni pour les associations elles-mêmes ». Depuis juillet 2013, rien n'a été entrepris pour résoudre ce problème.