L'UNESCO récemment a fait état d'une étude sur le devenir possible de nos langues et réalisée par Colette Grinevald chercheur au laboratoire dynamique du langage de l'Institut des sciences de l'homme Lyon-II. Spécialiste du monde amérindien.
L'auteur de l'étude estime qu'il y a un risque de disparition de 3000 langues dans le siècle en cours et explique les conséquences sociologiques de la perte des langues en comparant ce phénomène à celui de la tendance à l'uniformité biologique. Cette uniformisation qui conduit à l'appauvrissement de notre pharmacopée a alerté suffisamment l'opinion mondiale pour que tout soit mis en œuvre pour maintenir la diversité biologique sur notre planète puisqu'il est admis que la survie de l'humanité passe par la sauvegarde de cette diversité .
Qu'en est-il de la diversité des langues? Selon l'Atlas publié par l'Unesco, le franco-provençal, le poitevin saintongeais le breton, sont des langues qualifiées de "sérieusement en danger". Inversement il n'y aurait pas de risques pour le français étant admis qu'il faudra que la population se mette aux langues étrangères.
Voilà pour le décor. Maintenant comment cette étude fut commentée par France Inter, radio de service public. Dans une émission du matin le 1er janvier entre 8 H et 8 H15 l'étude fut commentée, selon nos correspondants sur un ton "badin un peu sarcastique" et encore le lendemain sur un ton "ironique". Cette affaire de disparition de langues n'étant perçue comme un vrai problème puisque le français lui par contre est assuré de survie.
De telles déclarations sur une radio financée par tous donc y compris par ceux qui consacrent leur vie à lutter contre la disparition des langues n'est pas acceptable et Bretons du Monde – OBE s'associe par avance dans leur protestation avec toutes les communautés linguistiques de France et du Monde pour qui cette façon d'annoncer des malheurs tient plus de la provocation que de l'information.
Au delà d'une quelconque intention de polémique, la publication de l'UNESCO est une occasion pour l'organisation des Bretons du Monde de rappeler certaines questions qu'on ne manque pas de se poser: • D'année en année des commentateurs prédisent ainsi avec une joie non dissimulée la mort de nos langues pour la prochaine décennie. Presque un siècle que la chose est annoncée. • Nous sommes bien conscients qu'à force d'annoncer la mort de nos langues, la prédiction sera vérifiée surtout quand tous les moyens sont mis par les autorités pour introduire des obstacles à leur enseignement et à leur usage dans la vie publique et ceci hélas avec la complicité de certains médias publics que nous finançons par nos redevances • Quid de la langue française. Qu'adviendrait-il si on y mettait les mêmes obstacles à son enseignement et à son usage ? • La langue française devra t-elle être pour les historiens du futur celle qui aura eu raison des plus petites langues en raison de son statut d'exclusivité dans la vie publique avec la complicité des médias publics ? • Comment comprendre que la collectivité admette de payer des surcoûts d'infrastructure pour sauvegarder un crapaud menacé et que personne ne s'émeuve de la menace qui pèse sur la survie d'une langue ? L'avenir de crapauds est-il mieux assuré que celui du breton ? • Comment peut-on militer pour la biodiversité et prédire l'uniformité des langues sans en être plus inquiet de la diversité des sociétés humaines du futur. Qu'en pensent les mouvements écologistes de cette contradiction ? • La diversité biologique est la chance de survie de l'espèce humaine. Le diversité linguistique serait-elle une menace pour que l'exclusivité du français dans la vie publique en France soit une situation jugée tolérable par la majorité des intellectuels de la "patrie des droits de l'Homme" ?
R ALLAIN Vice-Président Bretons du Monde