La gauche a remporté hier une victoire historique aux élections sénatoriales, remportant une courte majorité, estimée à deux voix.
Dans cette élection complexe aux modes de désignations pluriels et aléatoires (voir le site) la part belle est faite aux collectivités rurales de faible taille et rurales, traditionnellement plus à droite. Les forces de gauche ont gagné de 20 à 25 sièges, en remportant notamment des départements depuis toujours tenus par la droite, comme la Lozère. Pour la première fois depuis la création de la Ve République, le Sénat bascule à gauche.
La Bretagne connaît la conséquence logique des dernières municipales qui voient la gauche gagner lentement mais sûrement du terrain. Elle gagne ainsi deux sièges dans le Morbihan, qui est perdu par la droite et un siège en Loire-Atlantique où les forces politiques sont maintenant à l'équilibre. Au niveau local, il apparaît que la campagne a été très mal gérée par la droite, qui a péché par excès de confiance dans ses bastions (voir le site) .
En France, la droite coule partout, sauf en Moselle et en Nouvelle-Calédonie, où elle grignote un siège. Dans le fief naguère centriste du Loir-et-Cher, la gauche grignote un siège, tout comme dans les Yvelines. La droite perd un bastion conservateur, la Lozère, recule plus encore dans le Sud-Ouest, n'arrive pas à se reprendre dans l'Est où le rapport des forces reste sensiblement le même. A Paris, la liste conduite par Chantal Jouanno est battue à plate couture, mais le dissident Pierre Charon est élu.
Les collectivités rurales ont exprimé hier leur ras-le-bol. Pour un maire du centre de la France, il y en a « marre, marre, marre ». Suppression de la taxe professionnelle, réforme des collectivités menée au pas de charge, reformation des communautés de communes pilotée au cordeau par les préfectures, autant de sujets de discordes où les maires n'ont cesse de dénoncer « l'État jacobin », d'autant plus que se sont ajoutées des restructurations (suppressions de casernes, de tribunaux, de classes) qui ont contribué à rendre les collectivités rurales plus exsangues encore. On peut ajouter aussi au cahier de doléances « les annonces permanentes du gouvernement, sur des projets de lois, des objectifs chiffrés, etc. qui sont surtout pour nous source d'insécurité législative, car on ne sait plus à quoi nous serons astreints demain ». Des milliers d'annonces depuis 2007, certaines restées des vœux pieux et d'autres détournés par la coterie présidentielle au service de la destruction constante du service public en France et de la protection du patrimoine, notamment.
La majorité est de gauche est relativement faible, l’élection du président du Sénat se jouera donc au centre. Le groupe centriste du Sénat, qui compte des élus de gauche comme de droite, compte 26 sénateurs, assez donc pour sauver la mise du gouvernement en réélisant Larcher ou achever le travail en donnant la présidence aux socialistes. Il pourrait toutefois y avoir un énième remaniement au gouvernement, puisque deux ministres sont élus sénateurs, mais cela est un non-événement. Quoi qu'il en soit, et même si la gauche s'est emballée, l’élection ne changera pas grand-chose au quotidien, compliquant juste un peu plus le travail législatif dans une période où la situation de crise oblige à des prises de position claires. Il est consternant de constater d'ailleurs à quel point l'intérêt politique prime dans la lecture du scrutin et de ses conséquences.
La lecture du scrutin se fait donc à moyen terme : c'est le dernier avertissement qu'adressent à l'exécutif des maires et conseillers municipaux énervés au-delà de toute limite par l'amateurisme de l'exécutif. Maintenant, la présidence a le choix entre deux voies : soit Sarkozy croit encore à sa réélection et d'ici 2012 il ne se passera plus rien, soit Sarkozy pense que les ponts sont brûlés et tous les chantiers prévus et non prévus sont mis en route rapidement, quitte à ce que la coterie sarkozienne soit balayée par la bronca des députés et des soutiens locaux de la droite.
Depuis 2007, la gestion « rigoureuse » du gouvernement dont « les caisses sont vides » a eu comme résultat d'augmenter la dette de 41 % ; le déficit va dépasser les 6 % du PIB à la fin 2011. Le gouvernement, qui a déjà raclé les fonds de tiroir en saccageant le service public, compte trouver les milliards qui manquent en les prélevant sur tous les Français, et surtout ceux qui sont déjà sortis de la crise ou s'en sortent. Ainsi, 22 milliards doivent être gagnés en ponctionnant plus encore les Français de plus en plus pauvres et chômeurs.
Aucun changement pour la Bretagne donc. L’État qui freine nos entreprises, massacre nos services publics, piétine notre identité et notre langue, vit toujours, même noyé sous des scandales du passé et du présent, que la justice dévoile à raison de deux par jour. Maintenant il s'apprête à faire payer le prix de sa gestion aux Bretons. « Ensemble, tout est possible ».
Louis Bouveron