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- Tribune libre -
Le rejet des partis politiques peut-il être un argument électoral ?
La liste aux élections régionales Bretagne ma Vie fait du rejet des partis politiques un argument électoral. L'article, au contraire, donne des arguments pour valoriser le rôle des partis politiques comme outils citoyens de régulation de l'économie et d'organisation de la société, et plaide pour l'émergence d'une force politique issu du mouvement breton.
Par Émile Granville pour Action Pays de Redon le 18/03/21 7:15

Il n’y aura pas pour les élections régionales de 2021 une coalition bretonne, associant partis politiques, personnalités et coordinations de terrain, indépendante des partis politiques parisiens. La liste Bretagne ma Vie est indépendante des partis politiques parisiens certes, mais elle rejette catégoriquement tout parti politique. Elle fait valoir, comme première différence vis-à-vis des listes concurrentes, qu’elle est une liste politique sans parti politique.

On peut lire dans son manifeste : « Nous ne voulons pas nous enfermer dans des discussions politiciennes. La liste que nous présentons sera donc sans partis et n’a pas pour objet de créer un nouveau parti. » Faire une liste uniquement citoyenne est tout-à-fait légitime. Cela peut être une stratégie. Mais une stratégie à court terme. Cette posture nous amène à faire quelques remarques. Nous nous placerons dans la perspective du mouvement politique breton tout en sachant que cette liste ne se revendique pas forcément du mouvement breton.

- Le fait qu’une liste soit sans parti politique peut-il être un argument électoral ? Pour certaines personnes sans doute. Est-ce un progrès ? Non. Il faut plutôt s’en inquiéter, car cette offre politique est la conséquence de la faiblesse du mouvement politique breton.

- Un mouvement politique breton fort peut très bien envisager des alliances avec d’autres partis politiques, même parisiens. A partir du moment où les termes du contrat sont clairs et publics. Il n’y a pas lieu de voir ces accords comme des discussions politiciennes ni de parler d’enfermement. Avant tout accord de ce type, il faut que ce mouvement politique soit vraiment breton et se présente sur ses propres couleurs et atteigne un score significatif de plus de 10 %. Les élections régionales ont toujours été une chance donnée au mouvement politique breton d’atteindre ces 10 %. Chance toujours ratée !

- Les partis politiques sont par nature aussi des organisations citoyennes. Etre membre d’un parti politique est exigeant, difficile et demande beaucoup de courage et de rigueur. Les partis politiques ne sont pas en soi responsables de tous les maux. Un parti politique est une offre politique organisée sur le long terme. C’est une chance et une garantie de clarté pour les citoyens. Saluons plutôt le travail de fond réalisé par les partis politiques. Ils ont le mérite de mettre en exergue les différents courants politiques qui traversent la société. Ils sont nécessaires pour réguler l’économie et organiser la vie sociale.

- Les coordinations, quant à elles, sont ponctuelles. Elles tournent toujours autour d’une personnalité et d’une tête de liste plus ou moins autoproclamée. La démocratie participative a ses limites. La politique est aussi une affaire d’expertise et demande une représentativité collective et durable.

- Les élus issus d’une coordination, sans support politique, ne représentent au final qu’eux-mêmes. Le mouvement de soutien enthousiaste et nécessaire au moment de la campagne électorale s’estompe au cours des années. Le charisme d’une tête de liste est sans doute nécessaire mais insuffisant pour définir une politique claire pour les années suivantes tout au long du mandat.

- Rejeter les partis politiques est une démarche facile. C’est une attitude qui est dans l’air du temps. Elle relève d’une forme de populisme - ce terme n’est pas utilisé ici de manière négative mais de manière descriptive - c'est-à-dire qu’il n’y a plus de structure politique intermédiaire entre le leader et la population. Ici, en l’occurrence, entre la tête de liste et ses électeurs. Il est de bon ton de critiquer les « politiciens ». Mais cette critique populaire est désormais attribuée aux simples « élus ». Et par extension, tous ceux qui exercent un pouvoir politique quelconque deviennent suspects. Inutile donc de jouer à ce petit jeu destructeur de la démocratie !

Bonne chance à la liste Bretagne ma Vie et à toutes les listes qui défendront sincèrement la Bretagne. Mais le cru 2021, ne permettra sans doute pas, une fois de plus, d’assoir un mouvement politique breton fort et indépendant. Pour cela, nous avons besoin d’un parti politique breton ou de partis politiques bretons qui travaillent en profondeur et s’accordent le moment venu sur l’essentiel.

Emile GRANVILLE

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