L’ouvrage « Le Nouveau défi armoricain » est paru depuis le 1er septembre. C’est le travail d’un collectif d’auteurs sous la direction de Claude Champaud et Pierre François Gouiffès.
Claude Champaud , agrégé de droit privé, a été président de l’Université de Rennes et ancien premier vice-président de la Conférence des présidents d’université. Il est actuellement président honoraire de l’université de Rennes 1. Dans le domaine politique, il a été conseiller général, conseiller régional (RPR) et a fait partie du Conseil d’état. En Bretagne, il faisait partie du CELIB (Comité d’Etude et de Liaison des Intérêts Bretons) et est membre fondateur du Club des Trente. Il est l’auteur de plusieurs publications dont « A jamais la Bretagne » en 1998 et « Le manifeste pour la doctrine de l’entreprise » en 2011.
Pierre-François Gouiffès est membre du directoire du groupe immobilier SNI et maître de conférences à Sciences-Po dans le champ des politiques publiques. Ancien Inspecteur général des finances, il est issu de l’ENA et l’ESSEC. Dans le domaine politique, il a été directeur adjoint du cabinet ministériel de Jean-louis Borloo de 2004 à 2007. Il est l’auteur de « L’âge d’or des déficits – 40 ans de politique budgétaire française » en 2013.
Le collectif se compose également de : Alain Glon, entrepreneur et président de l’Institut de Locarn, Jean-Pierre Coïc, avocat et président de l’association Redéo, Jean Debois, avocat honoraire et président d’ETI bretonnes, Yves Brun, expert-comptable, et Guy Tartière, expert dans le domaine secteur coopératif agricole et dans la Banque.
Le livre est à l’image du collectif. Il conjugue l’exercice de l’estimation du déficit public à l’étude de l’application de « la doctrine de l’entreprise » en Bretagne. Claude Champaud est un des tenants les plus connus de cette doctrine parfois dénommée, de façon un peu réductrice, Ecole de Rennes. Elle recherche une troisième voie « face aux thèses opposées mais tout aussi mortifères que sont le financialisme et le collectivisme ». Elle s’inscrit dans le courant de pensée du « Skateholderisme » qui considère l’entreprise comme « une collectivité sociétale productrice de richesses profitant à différentes catégories de parties prenantes ». L’ouvrage indique que « les entreprises sont devenues des cellules sociétales de base, génératrices de richesses partageables et motrices des développements régionaux et locaux », « elles apparaissent désormais comme les actrices principales de l’épanouissement individuel, des solidarités intra sociales et intergénérationnelles ». Cette démarche s’oppose à une vision de l’entreprise comme simple objet de propriété des actionnaires.
Malgré un souci de clarté évident, l’ouvrage demande un petit effort de lecture aux non-initiés. Pour dénoncer les méfaits de la financiarisation de l’économie et du financialisme, l’exemple des LBO (Leveraged buy-out alias prise de contrôle par endettement), et de leurs conséquences néfastes, mêmes si limitées sur les entreprises bretonnes à transmettre, peut demander un peu de concentration.
La référence « armoricaine » interpelle un peu. Elle se rajoute aux références claires à la Bretagne. Certes cela permet de ne pas répéter Bretagne et breton trop souvent. Cela permet également de désigner la Bretagne à 5 départements (B5). Mais on peut s’interroger sur l’efficacité mobilisatrice d’une telle référence, plutôt géographique et peu utilisée. Les lecteurs potentiels en Bretagne semblent se penser surtout à partir des identités bretonnes et françaises. Combien se définissent également comme armoricains ? Par contre, la notion d’Armorique peut permettre de transcender les clivages irrationnels français vs bretons et d’éviter que la réflexion ne s’y engloutisse.
Par certains aspects, « Le Nouveau défi armoricain » rappelle le livre-programme de Marc Le Fur pour les dernières régionales. Une parution trois mois avant ces élections visait peut-être à influencer les acteurs politiques et économiques. Malgré un petit manque de relecture, c’est cette population de gens d’influence qui semble visée en premier lieu par ce livre.
Face aux difficultés rencontrées par la Bretagne, et la France, l’ouvrage expose les constats et les propositions d’une droite humaniste bretonne en vue d’un nouveau « contrat social ». Il prône la nécessité de s’inspirer de la démarche fédératrice du CELIB des années 50 en regroupant, à nouveau, des acteurs de tous bords en Bretagne. La différence serait qu’il ne s’agirait plus de faire les bonnes propositions et d’exiger les actions adéquates de l’Etat français, aujourd’hui financièrement à bout de souffle et sans solutions. Il faut ne compter que sur les forces vives de la Bretagne.
Parmi de nombreux constats intéressants, et malgré d’inévitables extrapolations, on note une tentative crédible de calcul du déficit public. En Bretagne comme ailleurs, l’état dépense plus qu’il ne gagne. Le problème, c’est qu’il ne se rattrape plus nulle part et que les perspectives d’équilibre budgétaire sont toujours repoussées. L’insuffisance de décentralisation empêche les Bretons de mettre en œuvre leurs qualités spécifiques au bénéfice de leur région et, au-delà, du redressement budgétaire français. Les membres du collectif demandent le droit d’expérimenter des mesures propres à « l’Armorique ».
Le lecteur appréciera, ou pas, l’angle de vue adopté et les propositions faites. Par exemple, les auteurs sont résolument pour l’aéroport de Notre Dame des landes. Ils n’hésitent pas à attaquer le principe des routes sans péages ou à évoquer un aménagement de la législation sur le travail. Sans prétendre à l’exhaustivité dans les constats ou les mesures, ils visent à refonder une dynamique entrepreneuriale régionale et à relancer une économie de production. Les entreprises de taille intermédiaires (ETI) sont au cœur de la démarche. Expression naturelle du dynamise local à dimension humaine, elles sont le domaine de prédilection de la Doctrine de l’Entreprise. Ils proposent la création d’un fonds breton d’investissement. Cela préserverait les entreprises d’une prise de contrôle « déshumanisante » des entreprises par des fonds nationaux ou étrangers lors de leurs transmissions. Dans l’éducation, ils proposent d’inséminer « l’esprit d’entreprise et les valeurs d’un entrepreneuriat humaniste ». L’autonomie d’action est primordiale. Elle mène à la proposition d'expérimenter en Bretagne un statut inspiré de celui du pays basque espagnol.
Le collectif StatBreizh reconnaît, dans son introduction, le caractère « apparemment utopique des propositions dans un état aussi hyper-centralisé que la France ». Mais il analyse le système actuel comme non viable. Il conclut par « Nous ne pouvons plus compter que sur nos propres forces ». Dans une démarche réfléchie et intéressante, il milite efficacement pour l’expérimentation en Bretagne d’une voie de renaissance économique qui refuserait à la fois l’utopie collectiviste et les dérives du capitalisme.
« LE NOUVEAU DEFI ARMORICAIN »
STATBREIZH
Paru le 1er septembre 2015 chez LOCARN EDITIONS
DIFFUSION COOP BREIZH
282 pages
15 euros.