Le Conseil de la région administrative de Bretagne a officiellement reconnu, aux côtés du français, le breton et le gallo comme langues de la Bretagne historique. Il a assorti cette reconnaissance d'un plan volontariste pour leur sauvegarde, leur transmission et leur développement. L'enjeu : les revitaliser et promouvoir leur usage dans tous les domaines.
La Bretagne deviendrait-elle comme la Suisse, la Belgique, la Bosnie-Herzégovine un pays trilingue? C’est en effet la seule région trilingue (français, breton et gallo) de France. 100 % de la population parle le français, langue officielle. 5,5% parle le breton, principalement en Basse-Bretagne, partie occidentale de la région et 3% parle le gallo, principalement en Haute-Bretagne, partie orientale de la région. Ce multilinguisme de juxtaposition soulève des questions politiques et sociales.
Premier constat, les deux aires linguistiques non-francophones s’interpénètrent très peu. Les relations entre les deux ensembles peuvent même être assez crispées, dans la mesure où les habitants brittophones font preuve d’un certain impérialisme à l’égard de leurs compatriotes gallophones. Les deux grandes villes de Haute-Bretagne, Rennes et Nantes, voient ainsi leur nom traduit en breton mais pas en gallo (Renn et Nauntt). Les noms des villes de Basse-Bretagne comme Brest et Lorient ne connaissent pas non plus de traduction gallèse (Brèst et L’Orient). Toutefois depuis 2012, gallophones et brittophones peuvent désormais chanter d’une seule voix l’hymne national Breton grâce à la traduction du Bro Gozh ma Zadoù en langue gallèse Le vieû païz de mes peres. Comme francophones, ils peuvent aussi le chanter en français!
De la même façon, la présence de ces deux langues dans l’espace public est inégalitaire. Les panneaux indicateurs sont le plus souvent bilingues français-breton et non trilingues. Aucune commune n’est officiellement trilingue. Rares sont les individus qui pratiquent les 3 langues.
Ceci concourt à corroborer l’hypothèse d’une claire séparation entre trois espaces “monolingues”, l’espace fédérateur et dominateur étant l’espace francophone. La non-officialité des langues bretonne et gallèse concourt à leur effacement et, dans ces conditions, l’hypothèse d’une Bretagne trilingue est très hypothétique.
Plus largement, à travers les langues, est mise en jeu la question de l’identité. Hauts-Bretons et bas-Bretons se sentent bien plus Français que Bretons. Et il est légitime de se demander si les deux entités linguistiques bretonne et gallèse souhaitent encore avoir un avenir en commun.
NOTE: Autre multilinguisme d’une autre nature, à l’ordre du jour à l’occasion des prochaines élections européennes, celui de l’Europe. L’Union Européenne considère que « les citoyens multilingues sont plus à même de profiter des opportunités économiques, professionnelles et en matière d’éducation offertes par une Europe intégrée », c’est pourquoi le trilinguisme fait aujourd’hui partie des objectifs premiers de sa politique linguistique. La politique de l’Union Européenne préconise que chacun(e) maîtrise sa langue maternelle, une langue parlée dans un pays voisin ainsi qu’une troisième langue au rayonnement international. Pour la plupart des citoyens européens, cette langue internationale est l’anglais.
Comme le proclame un organisme de formation linguistique, l’avenir appartient à ceux qui parlent trois langues!