Haydée Silva est docteur en littérature et civilisation françaises, professeur en didactique du FLE à l'Universidad Nacional Autónoma de Mexico où elle a accumulé titres et prix. Elle n'hésite pas à jouer et à faire jouer, adore tricher, et porte un regard très éclairé sur les pratiques pédagogiques. Elle théorise, manipule les concepts, emmène le public à une vitesse impressionnante, si vite que parfois l'attention est difficile, ténue.
Elle commence par détailler les 10 commandements du décalogue du jeu :
1- prendre en compte les multilinguismes en classe
2- avoir des objectifs clairs et cohérents pour que le jeu soit pleinement intégré à la séance pédagogique (le jeu n'est là ni pour boucher un trou, ni pour dorer la pilule, ni pour être la cerise sur le gâteau)
3- il faut articuler théorie et pratique, ne pas se satisfaire de manuels et de fiches toutes faites,il faut préciser les trois faisceaux : hypothèses, supports et pratiques
4- ne jamais se reposer sur ses lauriers : "2 et 2 font 4 jusqu'à preuve du contraire",se méfier des approches édulcorées qui gomment les conflits.
5- enrichir et partager les outils ludiques que l'on utilise : l'apprenant est un acteur social, les enseignants aussi. Encore plus pour les langues minoritaires, la valorisation et la diffusion sont importants, il faut mettre en place des modes de partage des savoirs.
6- explorer toute la richesse de l'univers ludique : quelqu'un qui n'aime pas jouer n'aime en fait pas un type de jeu, mais un bon outil ludique peut convenir à tous. Les jeux bretons sont à explorer. Travailler l'univers ludique de la culture d'origine est important. Le jeu, comme la langue, véhicule des contenus culturels.
7- utiliser la totalité des quatre domaines : le matériel (ce avec quoi on joue), les structures (ce à quoi on joue), le contexte (les conditions dans lesquelles on joue), et l'attitude (de qui fait que l'on joue, la pensée du jeu)
8- ne pas jouer au jeu de faire semblant : le contrat ludique est très fragile. Le jeu est "une des rares situations d'immersion totale en classe"
9- ne pas faire des apprenants des jouets, ni des joués.
10- ne pas chercher la panacée ludique : un outil parmi d'autre.
Elle aborde ensuite un certain nombre d'axes de réflexion.
Historique, d'abord. Le tournant conceptuel concernant le jeu a eu lieu dans les années 60/70, en même temps que le regard sur le bilinguisme changeait. Un grand intérêt se porte alors vers le jeu, ses liens avec le plaisir et la créativité. Avant 60, le jeu est marginalisé, le bilinguisme aussi. Dans les années 90, la notion de plurilinguisme remplace celle de bilinguisme.
Elle cite ensuite un certain nombre de jeux : le mistigri (pouilleux), les jeux de mémoire, la révérence, le cui-cui, , les jeux de rôles. La mise en commun de la diversité que chacun porte en soi est l'objet du jeu québécois "Brin de Josette", où il n'y a ni gagnant, ni perdant, mais des questions personnelles.
Elle a ensuite répondu aux questions de la salle et éclairé les enseignants présents lors d'ateliers, sur les pratiques de la classe, l'importance de la prise de décision avec les élèves et le nécessaire travail d'adaptation dans le jeu et les propositions qui leur sont faites.