Le choc du Brexit va être lourd tant que la mise en route du processus de sortie ne sera pas engagée. Il ouvre une période d’incertitude et donc de non maîtrise de la situation. Il convient que la séparation soit actée le plus rapidement possible. Un document formel n’est pas nécessaire. L’expression du Premier ministre britannique formalisera la volonté du Royaume Uni de quitter l’Union européenne dès le sommet de mardi. Ensuite, le projet européen devrait trouver un nouvel élan, une transformation même, vers une intégration plus poussée.
Beaucoup de choses, que l’on ne voyait plus tellement elles étaient entrées dans la normalité, vont changer. La suppression de la citoyenneté européenne est un exemple important : plus de libre circulation et installation au Royaume Uni pour les Européens, ni dans l’Union européenne pour les ressortissants du pays tiers. D‘où des demandes importantes de naturalisation dans différents pays de l’Union européenne aux fins de conserver les droits associés à la citoyenneté européenne. La citoyenneté européenne est un atout non perçu par les Européens... jusqu'au jour où ils en sont privés. On peut souligner aussi la fin de la PAC. Dans la mesure où Londres ne sera plus la place financière de l’Union européenne. Paris, Francfort ou Amsterdam devraient en tirer profit. Et beaucoup d’autres situations liées au fait que le Royaume Uni devient un pays tiers.
Bien sûr, les situations se normaliseront en fonction du choix que le Royaume Uni va faire dans sa nouvelle relation à l’Union européenne. Un traité nouveau sera négocié entre l’Union européenne et le Royaume Uni. Ce dernier devra choisir entre l’Espace économique européen (EEE) comme la Norvège et devra continuer à participer au budget européen, celui de l’Association européenne de libre échange (AELE), ou encore et, c’est moins probable, des accords de type OMC. Mais dans ces deux derniers cas, c’est la fin de la libre circulation. C’est un mauvais coup pour les ports de Roscoff et Saint-Malo.
Pour les Européens, au-delà des questions économiques qui ne sont pas les seules, il devient plus que nécessaire de rappeler ce qu’est l’Union européenne et sa raison d’être. Il faut réexpliquer encore et encore. C’est le constat qui est le mien et que je développe auprès des Maisons de l’Europe et leurs partenaires. De vrais moyens doivent être mis en oeuvre. Les États membres ont-ils été à la hauteur pour une idée d’Europe claire dans l'esprit des citoyens ? La réponse est explicitement non. D’ailleurs, le test est simple : personne ne connaît le nom du ministre français des Affaires européennes, ni celui des députés européens de sa propre circonscription. C’est un très mauvais signe. Les gens pensent que les décisions se prennent à la Commission européenne alors que ce sont les États qui orientent les politiques européennes. L’Europe n’est même pas enseignée à l’école.
Les pays européens doivent aujourd’hui choisir l’avenir de l’Union européenne. Mais aussi rendre l’Union européenne plus visible dans ses réalités et repenser la gouvernance : d'aujourd’hui intergouvernementale, elle doit se destiner vers une gouvernance de type fédéral pour les compétences déléguées. La négociation permanente entre État-nation donne le résultat que l’on connaît au Royaume Uni. L’ethnocentrisme doit faire place aux relations interculturelles et communautaires.
Il n'était nul besoin d’attendre le Brexit pour savoir que les Européens réclament des protections... qui existent. Il suffit de les mettre en oeuvre et que les États jouent le jeu collectif et non pas le jeu de « nation-centrée ». C’est le cas pour Frontex et les garde-côtes, ou encore d’Europol. Les États doivent accepter l’idée d’une Défense commune et non pas l’appui sur la seule France (désormais puisque les Britanniques ne sont plus dans l’Union européenne) qui ne peut répondre, ou sur l’OTAN. Il convenait de relancer la politique européenne de voisinage.
La zone euro doit bénéficier d’une gouvernance commune clairement identifiée par les citoyens européens avec la perspective d’en faire une puissance économique et, désormais le Royaume Uni exit, en faire un espace social et fiscal harmonisé.
Face à tous ces défis et enjeux, il faut revenir aux sources du projet européen, se reporter sur les fondateurs et leur message. C’est là que se trouve le coeur du projet européen. La justice et la solidarité constituent des valeurs communes à réactiver contre des égoïsmes nationaux (le Brexit en est l’exemple le plus fort à ce jour). Bien sûr, l’ensemble des valeurs qui fondent l’Union européenne et rappelées dans les préambules des traités doivent être remises en avant et réexpliquées à des populations qui n’en ont bien souvent pas connaissance, et donc pas conscience. La démocratie et la Paix en sont les mots premiers.
Enfin, plus tard, un nouveau Traité d’Union européenne de nature constitutionnelle et à vocation fédérale sur les compétences gérées par la communauté sera nécessaire.