Cela fait 5 ans que les entreprises bretonnes, unanimes, mettent en garde les gouvernements de droite et de gauche sur les dangers que présenterait, selon eux, l'instauration de l'écotaxe, car, dès le 4 janvier 2009, les principales fédérations des entrepreneurs de la Région Bretagne (agriculteurs, artisans, constructeurs, industries agroalimentaires, services...) avaient fait part de leur opposition de principe à l'écotaxe. Aujourd'hui, ils représentent 60 organisations, 150 000 entreprises et 900 000 actifs.
Dès le 4 février suivant, des responsables syndicaux, des hommes politiques, (dont Christian Troadec), des transporteurs et diverses professionnels, en tout un millier de personnes, étaient, sous la neige, au péage de l'autoroute A 11, à La Gravelle, pour y distribuer des tracts ( voir notre article ). Personne ne peut donc dire que les Bretons les plus concernés se seraient réveillés tard, comme on a pu le lire parfois.
Comme beaucoup le font remarquer, les acteurs économiques bretons se distinguent, dans l'Hexagone, pour leur capacité à exprimer leurs revendications de manière unitaire et en sachant se mobiliser rapidement. On peut vouloir classer les gens en patrons et salariés, mais, cela ne veut pas dire qu'une telle unanimité ne soit pas sans importance pour l'avenir et pour les élections.
Le 15 juillet 2013, un communiqué précisait que : «Pour toutes ces raisons, le Collectif des acteurs économiques, sans méconnaître les aménagements pour périphéricité accordés à la Bretagne par les deux majorités successives, considère que les conditions de mise en ½uvre de l'écotaxe ne sont pas réunies et qu'il convient de reporter l'entrée en vigueur de l'écotaxe tant que l'économie n'est pas redevenue créatrice nette d'emplois». Il l'avait rappelé par un autre communiqué, le 5 septembre. Le 25 octobre 2013, le Collectif n'était resté que 10 minutes à la préfecture de Rennes, parce qu'il avait appris que le gouvernement maintenait le 1er janvier 2014 comme date de mise en oeuvre (avant de la suspendre sine die).
Il avait précisé qu'il n'appellait pas à manifester, le samedi 2 novembre 2013, à Quimper, et qu'il ne se joindrait pas en tant que tel à l'évènement. Et, en effet, malgré la légende, aucune organisation patronale n'a jamais appelé à participer aux manifestations des Bonnets rouges.
Alors qu'une réunion pour la mise en place d'une «conférence sociale» est prévue à Rennes, début mars, le Collectif vient de rappeler son opposition de principe en appelant à la suppression définitive de l'écotaxe après que le Premier Ministre ait reparlé de celle-ci le 8 février 2014. Rappelant une entrevue avec lui, le 29 octobre 2013, ils rappellent qu'il avait accepté de travailler sur le Pacte d'avenir (pour la Bretagne) à condition « de ne plus entendre parler d'écotaxe». Le Collectif a, donc, publié un communiqué très ferme, le 14 février dernier. «Dans un esprit de responsabilité, les organisations du Collectif ont décidé de participer aux réunions du Pacte d'avenir des 14 et 18 février. Parallèlement, le Collectif a également décidé d'écrire au Premier Ministre pour lui rappeler les termes de leur échange et lui demander de confirmer qu'il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de mettre en ½uvre cette écotaxe.»
Pour compléter la description de la situation, on doit souligner que les transporteurs bretons ont quitté massivement les organisations majoritaires de leur profession (Fédération nationale des transporteurs routiers-FNTR et Unostra) pour adhérer à un plus petit syndicat, l'Organisation des transporteurs routiers européens (OTRE) qui se définit comme l'organisation des TPE et des PME du transport routier.
Cela correspond à la structure du transport routier en Bretagne, qui est aux mains de petites et moyennes entreprises (un effet de la qualité du réseau routier conjugué au manque d'emplois) et qui ne se reconnaît pas dans les grands chargeurs comme Géodis, Norbert Dantressangle, STEF et Mory-Ducros qui, parce qu'ils sont implantés près des autoroutes, payeraient moins d'écotaxe et écrasent les prix en faisant appel à des chauffeurs sous-payés de l'Est de l'Europe.
Les questions de transport ont toujours été d'une importance capitale pour l'économie de la Bretagne et les frictions toujours révélatrices de problèmes importants, nécessitant toujours des réponses autant politiques qu'économiques.
Christian Rogel