Aucun appel téléphonique du Préfet, pas même de courtoisie, après la victoire de Gilles Simeoni. La Ministre des Territoires, Jacqueline Gourault, s’est limitée à un coup de fil minimaliste, puis à une réponse évasive éludant l’interpellation de Jean-Félix Acquaviva devant l’Assemblée Nationale. Après la défaite de son candidat, et le large succès de Gilles Simeoni, l’Etat fait la sourde oreille et refuse d’entendre le message adressé par les Corses les 20 et 27 juin derniers.
Le bruit circule même que le silence de l’Etat, au niveau local comme au niveau gouvernemental, résulte d’une consigne expresse qu’aurait exprimée le Préfet Pascal Lelarge. Trois hypothèses : ou bien le Préfet, engagé depuis son arrivée en Corse dans une posture anti-nationaliste, s’entête avec une obstination toute personnelle sans en référer forcément à ses ministres de tutelle ; ou bien il le fait en en ayant référé, mais sans être contredit ; ou bien il agit sur instruction expresse. Mais à l’évidence, chaque semaine qui passe creuse un peu plus le fossé entre la représentation de l’Etat et les autorités élues par la Corse.
Car pendant que l’Etat fait la sourde oreille et refuse d’admettre les résultats démocratiques de la dernière élection, le Préfet, depuis que, l’élection étant passée, il n’est plus tenu par son devoir de réserve, enchaîne une tournée des popotes, à savoir les maires et présidents d’intercommunalité qui se sont notoirement engagés avec Laurent Marcangeli.
Dans la même édition de Corse matin de ce mardi 13 juillet, on le voit ainsi faire un petit tour à Vicu pour signer un « Contrat de Relance et de Transition Ecologique » alimenté par la manne du Plan de Relance financé en grande partie par l’Union Européenne. Cette stratégie de contact direct avec les Communautés de Communes se retrouve dans la même édition du quotidien, à Sartène cette fois, pour « faire un point sur la situation sanitaire ».
Tous ces signaux sont à interpréter, même si l’Etat reste une structure lourde dont les virages sont longs à se dessiner. Les trois semaines qui sont passées depuis la proclamation des résultats définitifs et la large réélection de Gilles Simeoni à la tête de l’Exécutif de la Collectivité de Corse, donnent globalement un message négatif.
Pourtant cette élection corse est forte de plusieurs enseignements. Il y a tout d’abord la participation qui a été, et de très loin, la plus forte de France, presque le double de celle enregistrée dans les autres élections régionales. La Corse a ainsi été à contre-courant du mouvement général d’abstention observé en France.
La désaffection des électeurs français pour des Collectivités régionales hors sol, surtout depuis le redécoupage concocté par François Hollande et Manuel Valls, avec des frontières technocratiques, et des compétences floues parasitées par les départements, contraste avec l’intérêt manifesté ici pour une Collectivité Territoriale bien enracinée et délestée des Conseils Généraux qui en affectaient le fonctionnement.
L’autre différence est celle de l’offre politique au contenu beaucoup plus fort en Corse, grâce à la place prise par le vote nationaliste sur l’île. A part le Rassemblement National, au score très réduit sur l’île, aucun parti national n’a apporté son sigle aux listes présentées, pas même les Républicains pour Laurent Marcangeli ou LREM pour Jean Charles Orsucci. L’intérêt des électeurs s’en est trouvé largement renforcé !
La légitimité de Gilles Simeoni est donc particulièrement forte, et l’Etat refuse d’en tenir compte. Ce qui n’est pas le cas des autres Présidents des Régions de France qui viennent d’adopter une position appelant à aller vers l’autonomie de la Corse, conformément au mandat exprimé par le Peuple Corse.
L’Etat pourra-t-il longtemps continuer à faire la sourde oreille et ignorer la demande des Corses ? Beaucoup souhaitent demander au Préfet Lelarge « quand il va partir », comme cela avait fait scandale quand la même question avait été posée, en son temps, par Paul Quastana à Bernard Bonnet. En fait c’est probablement cette décision de l’Etat qui mettra un terme à l’attitude de déni qui prévaut actuellement.