Suite à l'audition des représentants des minorités de France par l'experte indépendante de l'ONU, Mme Gay Mc Dougall, le 20 septembre 2007, son rapport vient d'être publié le 3 mars.
Publié sur en-tête de l'Assemblée générale de l'ONU, le rapport, de 27 pages, dont la référence est A/HRC/7/23/Add.2 peut être consulté en français dans son entier sur le site des Nations Unies. (voir le site) . Sous-titré “Mission en France” ce rapport fait état d'un déplacement important (19-28 septembre) de cette experte basée à Genève auprès du Conseil des Droits de l'Homme. Bien que l'essentiel de ses auditions ait concerné des minorités issues de l'émigration, elle n'a pas occulté les minorités dites “nationales”. Elle a ainsi rencontré les représentants occitans, basques ou bretons, dont MM Patrick Malrieu, président du Conseril culturel de Bretagne et Yves Lainé, président de la section “Droit et institutions” à l'Institut culturel de Bretagne, qui se sont exprimés et lui ont remis un rapport circonstancié sur la situation en Bretagne.
Nous nous bornons ci-après à en copier fidèlement et sans commentaires les principaux passages qui ont trait à la Bretagne ou à d'autres minorités nationales en France, désignées ci-après comme “communautés minoritaires”..
Items 5 et 6 et 7, p.6/7
5 —L'experte indépendante a également tenu des consultations avec des représentants des communautés tziganes / voyageurs / roms et de minorités linguistiques comme les Bretons, les Basques et les Occitans. Il en sera également question dans le présent rapport.
6 —Pour évaluer la situation des minorités en France, l'experte indépendante s'est fondée sur la Déclaration sur les minorités de 1992 et d'autres normes internationales pertinentes et en a dégagé quatre grands sujets de préoccupation, valables pour toutes les minorités à travers le monde, dont découlent les objectifs ci-après :
———a) protéger l'existence des minorités, en combattant la violence à leur encontre et en empêchant le génocide;
———b) protéger et promouvoir l'identité culturelle des groupes minoritaires et le droit des groupes nationaux, ethniques, religieux ou linguistiques d'affirmer leur identité collective et de refuser l'assimilation forcée;
———c) garantir le droit à la non-discrimination et à l'égalité, y compris en mettant fin à la discrimination structurelle ou systémique et en appuyant les mesures spéciales si nécessaire; et
———d) garantir le droit des membres des minorités de participer effectivement à la vie publique, en particulier à la prise des décisions qui les concernent.
Le présent rapport est fondé sur l'analyse de ces quatre sujets de préoccupation dans le contexte français./..........
I — CONTEXTE JURIDIQUE ET POLITIQUE
Reconnaissance des minorités en France, (page 7) :
7 — La France ne reconnaît pas les notions de droits des minorités et la reconnaissance officielle des groupes minoritaires ou les droits collectifs sont considérés comme étant incompatibles avec la Constitution et les principes de la République, qui donnent la priorité aux droits individuels, à l'égalité, à l'unité et à l'universalité.
Dans le rapport que la France a présenté en 2007 au Comité des droits économiques, sociaux et culturels, le Gouvernement déclare ce qui suit : «La Constitution française définit la nation comme composée de personnes égales en droits: “La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion” (art. 2). La position de la France signifie que les minorités ne sont pas reconnues comme titulaires de droits collectifs mais cette position n'interdit pas qu'il y ait, dans l'espace public, des manifestations ou expressions différenciées.»
8 — Les gouvernements français successifs ont maintenu la position selon laquelle il ne doit pas y avoir de reconnaissance officielle des caractéristiques ethniques, religieuses ou culturelles des citoyens, en dépit des recommandations des organes antidiscrimination de l'Union européenne et des Nations Unies. La France a émis une réserve à l'article 27 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à l'article 30 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, consacrés tous deux aux droits des minorités1. Elle n'a pas ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales du Conseil de l'Europe ni la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. En tant qu'État Membre de l'ONU, la France est tenue de respecter et d'appliquer les dispositions de la Déclaration sur les droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques, qui a été adoptée par consensus en 1992. /.....
II — IDENTITÉ, LANGUE, CULTURE ET RELIGION
Questions d'identité, page 10 :
19 — Les membres des communautés minoritaires témoignent fréquemment de la frustration qu'ils ressentent en constatant qu'il ne suffit pas de devenir citoyen français pour être pleinement accepté par le reste de la société. Ils ont le sentiment que la condition de l'acceptation n'est rien moins que l'assimilation totale. Il leur semble qu'à cause d'une vision rigide de l'identité nationale française, ils ont dû rejeter des aspects essentiels de leur propre identité./....
Langue et droits culturels, pages 11 et 12 :
22 — Des représentants de nombreuses minorités linguistiques et culturelles dans différentes régions de France, notamment des Bretons, des Basques, des Catalans et des Occitans, de même que des intellectuels appartenant à ces minorités, se plaignent vivement de ce que leurs droits linguistiques et culturels ne sont pas pleinement respectés et défendus en France. Ils pensent que certaines langues régionales, d'autres éléments de leur identité et de leur patrimoine culturel risquent de disparaître à moyen ou long terme. Selon les représentants des communautés, depuis que la Constitution française a été modifiée en 1992 pour exprimer l'idée que le français est la langue de la République, les gouvernements ont pour politique de promouvoir le français au détriment des langues régionales. Or, les courants d'immigration ont amené en France un grand nombre de personnes qui parlent des langues non européennes, en particulier l'arabe.
23 — Des représentants de la communauté basque ont indiqué qu'en dépit du désir de la communauté de maintenir et de préserver la langue basque, il y a aujourd'hui 5 000 personnes de moins qu'il y a dix ans qui parlent cette langue et que celle-ci est sérieusement menacée en France par manque de statut officiel. Des représentants des communautés qui parlent le catalan et l'occitan affirment également que la non-reconnaissance ou l'absence de statut officiel aboutit à une diminution constante du nombre de personnes qui parlent le basque, le catalan ou l'occitan, tant en pourcentage qu'en chiffres absolus, à tel point que malgré les recommandations des organes ant-discrimination de l'Union européenne et de l'ONU, ces langues en danger ne sont plus utilisées que dans la sphère privée, ce qui a des incidences à la fois linguistiques et culturelles.
24 — Des représentants de la communauté bretonne ont indiqué à l'experte indépendante que les subventions accordées aux écoles pour l'enseignement de et dans la langue bretonne avaient été supprimées. Il existe des écoles indépendantes d'immersion en langue bretonne (les Diwan), mais elles ne font pas partie du système éducatif public, car le Conseil constitutionnel français s'y est opposé au motif que la langue de la République est le français et qu'aucune autre langue ne peut servir de véhicule à l'enseignement dispensé dans les écoles de l'État. Les représentants de cette communauté constatent que le nombre de personnes parlant le breton est passé de 1,3 million en 1900 à 200 000 aujourd'hui.
25 — Selon le Gouvernement : «Dans le système éducatif, les langues régionales et minoritaires font l'objet d'un enseignement à option et de concours de recrutement spécifiques d'enseignants du premier et du second degré. C'est le cas notamment pour le basque, le breton, le catalan, le corse et l'occitan en métropole et le créole, le tahitien et les langues mélanésiennes d'outre-mer. »
Le Gouvernement souligne que « des musées et des centres culturels dédiés aux cultures régionales ont été créés; des festivals axés sur la valorisation de ces patrimoines sont soutenus par les ministères de la Culture et de la Communication, outre les collectivités locales. Le Conseil et la Mission du patrimoine ethnologique établis dès 1980 sous la tutelle du ministère de la Culture sont chargés d'assurer la conservation des éléments fondateurs de l'identité des cultures locales et de contribuer à la coordination de la politique de recherche ethnologique sur l'ensemble du territoire métropolitain et d'outre-mer. »