Garcia Lorca mis en scène par Ton und Kirschen
Ils sont venus cinq fois déjà au festival de théâtre du Pont du Bonhomme invités par la compagnie de Lanester, organisatrice du festival, le Théâtre de l'Embarcadère et dirigée par Alin Kowalkczyk.
Inutile de le dire, mais les deux compagnies nourrissent de nombreuses complicités : exigence, remise en question, mise en scène décoiffante d'auteurs contemporains, ...
Et les embrassades entre Margaret et Alain, la fondatrice de la compagnie en fin de spectacle n'étaient pas feintes. Mouchkine et Michel Rostain de la scène nationale de Quimper il y a quelques années, c'était un peu comme ces deux-là. Indispensables et indissociables. Et c'est fabuleux pour les Bretons : une chance pour la formation des artistes et des spectateurs.
Car le Ton und Kirschen ambulanter Theater,installé près de Berlin, c'est plus que du théâtre : c'est un art complet, avec des comédiens musiciens (violoncelle, piano, guitare, clarinette, percussions, flûte traversière), marionnettistes, danseurs, et multilingues (c'est un théâtre international composé de deux Allemands, trois Anglais e et un Colombien).
Ce qui ne gâche rien à l'affaire : entendre Lorca interprété par un hispanophone, un français teinté d'accent allemand, et par deux voyous américains qui parlent américain parfaitement (voyage de Lorca aux Etats Unis dans les années trente) est un vrai plaisir qui met au rancart tous les esprits chagrins qui ne supportent pas d'autre langue que celle de Molière.
Ils sont iconoclastes et ne suivent pas une pièce particulière, c'est Federico Garcia Lorca qu'ils suivent à la trace. Sa vie en Espagne, la société espagnole (toreador, femmes en noir interprétées par des hommes en jupes et collants noirs, guitare, mariées en blanc, violences des couteaux, des pistolets, trahisons et violences, mort et dictature franquiste) est omniprésente sans tomber dans le cliché.
Un théâtre d'images et d'émotions : le spectateur passe du rire aux larmes. Les artistes se métamorphosent à toute vitesse, le masque de Lorca passe sur les visages des comédiens, on passe du mariage à l'enterrement, de l'Amérique à l'Espagne, de la farce à la tragédie.
Frederico Garcia Lorca apparaît tout au long de la pièce, observateur, sous forme de marionnette ou de personnage masqué. Il passe, s'interroge, écrit. Poète d'abord, il quitta l'Espagne car ses parents le soupçonnaient d'être homosexuel. Il revint en Espagne, dirigea une institution théâtrale et resta alors que Franco était au pouvoir et qu'il risquait sa vie. Il sera assassiné par une milice anti-républicaine. Son corps sera jeté à la fosse commune et encore aujourd'hui, on ne sait où il est enterré. Ses livres seront interdits jusqu'en 1954 en Espagne.
Sur le plateau, quatre portes, des rideaux de bric et de broc. Un théâtre de marionnettes sur une vieille remorque. Un rien les habille, et les deux acteurs les plus âgés du groupe sont incroyables de précision et de décontraction : ils jouent au sens propre du terme, avec le sourire et la force tranquille qui caractérise une compagnie qui s'amuse du monde tel qu'il est tout en n'oubliant pas tous les démons qui hantent la société allemande et européenne : la Shoah, le fascisme, la pollution, le monde qui va si mal ...
Pour en savoir plus sur la troupe qui tourne dans le monde entier : (voir le site)
Et pour les bretonnants qui souhaitent mieux connaître Lorca, la troupe Penn ar Bed interprète Yerma, jamais traduite en français, et qui l'a été, de l'espagnol en breton par Ronan HIrrien et que Rémi Derrien avait mise en chantier avant de disparaître il y a deux ans.