Directeur de l’information du Télégramme, Hubert Coudurier gratifie les lecteurs du quotidien breton de ses éditoriaux souvent décapants. Dans son livre « Requiem pour les années Chirac », paru le 20 mars, ce fin observateur du microcosme politique, la plume toujours acérée, retrouve ses sujets de prédilection et s’attaque à la psychanalyse d’une France plongée dans une « sinistrose ambiante qui persiste sur fond de mal être ».
Sur le divan
La mère patrie s’allonge sur le divan du journaliste. Alors, c’est grave, docteur ? La France est coupable, et souffre d’un complexe de culpabilité. L’ancien grand reporter à France 3 nous dépeint une société en doute, fragmentée, nostalgique, accrochée à des vieilles lunes idéologiques et qui peine à s’adapter au monde nouveau. Il met en exergue la complexité de la démarche d’auto-dénigrement que s’infligent un peuple, qui se complait dans un système maternant, et surtout ses élites politiques. Hubert Coudurier n’épargne ici ni Jospin, « incapable de se définir en dehors de Chirac », ni Rocard « constamment culpabilisé pour ses prises de position, à commencer par son père puis par François Mitterrand », ni - dans une moindre mesure - Sarkozy, « enfant roi de la politique française qui balance les vérités que taisent les adultes ». Ces élus de tout premier plan et bien d’autres forment le chœur du requiem, genre musical joué lors des funérailles du « grand culpabilisateur en chef, celui qui recherche une impossible rédémption » : le Président de la République. Paix à son âme !
L'ombre de Chirac
L’ombre de Chirac ne se contente pas d’orner la couverture, elle plane sur ce pamphlet. L’auteur se montre, désormais, impitoyable pour le vieux lion en fin de règne : « celui qui dénonçait la fracture sociale, et a finalement recueilli les émeutes urbaines, a perdu l’enthousiasme de sa jeunesse ». Cet essai truffé d’anecdotes savoureuses pointe « la difficulté pour notre pays à se voir tel qu’il est ». Hubert Coudurier, procureur implacable ? Pas uniquement. À quelques mois de la présidentielle de 2007, il expose l’ampleur des défis que tacheront de relever les rares hommes politiques en rupture. Car « les moteurs du changement sont à l’œuvre », conclut-il son troisième ouvrage. « Pour prendre le pouvoir, il faut être en paix avec soi-même», tacle-t-il une dernière fois. Les mordus de politique liront avec plaisir cette chronique incorrecte d’une France coupable. Les prétendants au poste suprême feraient bien de les imiter.
Requiem pour les années Chirac, Hubert COUDURIER, éditions Jacob Duvernet, 191 pages, Prix : 19 €
RONAN LE FLÉCHER