Le célèbre quatuor vocal des "Frères Jacques", très connu dans les années 1960, était à moitié breton, puisque deux de ses quatre membres étaient nazairiens : André Bellec était né à Saint-Nazaire le 15 février 1914 et son frère Georges, quatre ans plus tard, le 18 mars 1918.
Leurs deux autres compères étaient originaires, l'un, François Soubeyran (né en 1919), de la Drôme, l'autre, Paul Tourenne (né en 1923), de Paris. François Soubeyran, qui était potier de métier, mais qui était chanteur remplaçant pour des opérettes et qui avait participé à la Résistance, est mort à l'âge de 83 ans en 2002. C'est maintenant le fondateur du groupe et son doyen, André Bellec, qui vient de disparaître vendredi dernier, le 3 octobre, à Senlis.
André Bellec avait été élève au lycée Clemenceau de Nantes, comme son frère Georges un peu plus tard, et il avait fait des études de droit avant d'entrer dans l'armée, puis, après la défaite de 1940, pour échapper à la captivité en Allemagne, il s'était porté candidat comme cadre dans les Chantiers de jeunesse et était devenu instructeur d'art dramatique, domaine auquel il ne connaissait pas grand chose en réalité, en dehors d'une pratique en amateur, mais dans lequel il allait avoir ainsi l'occasion de bien se former, en particulier pour le mime et le chant.
Son frère Georges qui vit toujours, lui, avait fait les beaux arts et s'était lancé dans une carrière d'artiste-peintre qu'il devait d'ailleurs poursuivre activement. Doté d'une voix superbe, il jouait aussi de la trompette.
C'est André qui proposa à son frère et aux deux autres futurs compagnons de créer un groupe à la Libération. Son idée était de réunir en un seul spectacle le chant et la comédie, le mime et la musique, l'ombre et la lumière, le rire et l'émotion. Leur style était volontairement minimaliste : pas de décor, très peu d'accessoires, le seul accompagnement d'un pianiste et des costumes réduits à des justaucorps bicolores, des gants et des chapeaux. Leur premier spectacle, "L'Entrecôte", connut un certain succès en 1946. Puis, en 1948, ils enregistrèrent un premier 78 tours avec quatre titres et, de 1948 à 1952, le groupe se produisit en ouverture au cabaret La Rose Rouge, ce qui lui permit de se perfectionner et de roder sa chorégraphie avant de se lancer dans des tournées à travers la France, puis à l'étranger.
En 35 ans de scène, les Frères Jacques allaient interpréter près de 400 chansons, provenant de répertoires très variés, depuis Jean de La Fontaine jusqu'à Jacques Prévert, Boris Vian et Raymond Queneau. Ils allaient donner quelque 7 500 représentations, se rendre dans 68 pays, toucher plusieurs millions de spectateurs et user 130 paires de gants, 450 collants et 140 paires de chaussures. Leur popularité fut sans doute à son sommet dans les années 1960 et 1970 et il est incontestable que le groupe marqua profondément l'histoire de la chanson française. Les Frères Jacques quittèrent officiellement la scène en janvier 1982, mais revinrent encore pour un ultime concert en 1983.