Un petit livre de Frédéric Morvan, historien du Moyen-Âge breton, a été présenté ici le mois dernier, Généalogies des ducs de Bretagne ( voir notre article ), mais, il s'agissait du deuxième ouvrage dû à sa plume.
En 2010, il avait publié un ouvrage plus important, extrait de sa thèse d'histoire médiévale soutenue en 2009, en fait, le premier volet de celle-ci, le deuxième devant paraître en 2014.
La Chevalerie bretonne et la formation de l'armée ducale (1260-1341) est le résultat de recherches dans les nombreuses archives de l'Histoire de Bretagne qui se trouvent disséminées un peu partout. Il est préfacé par le grand historien britannique, Michael Jones.
Frédéric Morvan a pu en retrouver beaucoup de documents importants, mais, cela montre qu'il y a beaucoup à découvrir encore.
Ainsi, dans les actes anciens, certaines informations capitales ne sont pas données, car on n'écrivait pas ce que « tout le monde » savait.
Les titres ne sont pas toujours indiqués pour pour les grands seigneurs et il n'est pas facile de savoir dans quels châteaux ou manoirs, les nobles résidaient le plus souvent.
Cela a conduit Frédéric Morvan à faire progresser les connaissances sur les lignées nobles de Bretagne, dont il est aussi devenu un spécialiste.
Le Livre des Osts est un document capital qui donnent la liste des vassaux que le duc de Bretagne, Jean II, a convoqués à Ploërmel, en août 1294. Ost = armée ou, ici, services militaires, en vieux-français.
Chacun reconnaît devoir fournir au moins un combattant au duc, si celui-ci a besoin, d'une aide militaire. Cela peut aller de un quart de chevalier (sic) jusqu'à 6 chevaliers et 12 écuyers, en passant par l'offre de «son corps» ou 12 livres 10 sous pour l'évêque de Saint-Brieuc, et souvent pour un nombre de jours définis (ex. : 15 jours par an, jusqu'à 40).
Les ducs de la maison de Dreux, cousins ou alliés du roi, ont, pourtant, cherché à construire une armée ducale forte.
Soit, ils agrandissent le domaine ducal pour augmenter leur richesse et payer des hommes d'armes, soit, ils affaiblissent indirectement les grands vassaux en ne leur permettant que rarement de construire et d'entretenir leurs châteaux-forts.
Pourtant, ils devront laisser ces grands vassaux se mettre au service direct du roi, tandis qu'eux-mêmes trouvent un appui plus sûr chez les niveaux inférieurs de la noblesse.
Du fait que les grands vassaux avaient des terres hors de Bretagne, comme les ducs avaient eux-mêmes le Perche et le Limousin et des terres en Angleterre, le roi disposait d'un puissant levier pour les attirer à lui.
Le roi et le duc appliquaient une loi du système pyramidal qui peut amener à tenir à distance les inférieurs immédiats pour aller chercher le soutien des moins puissants.
C'est pourquoi, les accusations de traîtrise qui ont pu viser les grands vassaux, comme les Rohan, sont inadéquates., même, si cela pouvait rendre impossible la défense de la frontière.
En fait, cette période de paix en Bretagne a fortement profité aux rois de France qui ont pu disposer de troupes aguerries pour leurs guerres en Flandres, en Aquitaine et, même en Italie. Plus tard, ils gagneront la Guerre de Cent Ans grâce aux chevaliers bretons (Du Guesclin, Gilles de Rais, Arthur de Richemont) et à leurs écuyers.
Les ducs de la lignée capétienne, ont pu avoir des relations alternativement bonnes et mauvaises avec leur royal parent, mais, finalement la puissante armée menée par les ducs de la dynastie suivante (les Montforts) ne put faire le poids face à celle du roi Charles VIII qui avait, de plus, une bien meilleure artillerie et de nombreux combattants bretons de valeur avec lui.
Frédéric Morvan, qui a étudié minutieusement la Bataille d'Auray (1364), nous expliquera, dans son prochain opus, qu'après celle-ci, quelques rois ont du tenir compte de la puissance de l'ost ducal.
Frédéric Morvan, La Chevalerie bretonne et la formation de l'armée ducale de 1260 à 1341, Presses universitaires de Rennes, 22 euros.
Voir sa bibliographie sur Wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Frédéric_Morvan
Christian Rogel