Direction de la séance
Projet de loi constitutionnelle
Charte européenne des langues régionales ou minoritaires
(1ère lecture) n° 662 (2014-2015) , 52 )
21 octobre 2015
AMENDEMENT présenté par M.Claude KERN (UDI, Bas-Rhin, Alsace)
Article unique
Alinéa 2
Objet
Le 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a estimé que la Charte est incompatible avec « les principes constitutionnels d'indivisibilité de la République, d'égalité devant la loi, d'unicité du peuple français et d'usage officiel de la langue française », comme le résume le Conseil d’État dans son avis du 30 juillet 2015 défavorable à la ratification. En particulier le Conseil constitutionnel a considéré que les mesures prévues par la partie II de la Charte visent à conférer des droits collectifs pour des locuteurs de langues régionales.
Cette position du Conseil constitutionnel ne peut que surprendre car 25 États européens pour qui le principe d'égalité a également une valeur constitutionnelle, qui affirment pareillement l'unité de leur peuple et qui ont eux aussi une langue officielle n'ont pas considéré que la Charte mettait en cause ces principes. En réalité, la Charte ne porte pas atteinte à l'égalité des citoyens, à l'unité de l’État ou aux prérogatives de la langue nationale. Le Conseil constitutionnel a développé une conception de la Charte non fidèle à son contenu et procédé à une interprétation extrêmement négative de la Constitution au regard de la diversité linguistique.
Par conséquent, pour ratifier la Charte, une réforme constitutionnelle est devenue nécessaire en France. Cette réforme doit manifester le rejet par le pouvoir constituant de l'analyse et de la position du Conseil constitutionnel. Or, le Gouvernement voudrait ratifier la Charte tout en confirmant l'interprétation de la Constitution donnée par le Conseil Constitutionnel, ce qui est contradictoire.
A cette fin, le projet de loi constitutionnelle tendant à la ratification de la Charte ne se borne pas autoriser cette ratification, mais se réfère à la déclaration de 1999 affirmant notamment que cette ratification ne confère pas de droits collectifs aux locuteurs des langues régionales ou minoritaires, qu'elle ne remet pas en cause le principe selon lequel l'usage du français s'impose aux usagers dans leurs relations avec l'administration et les services publics et qu'elle préserve le caractère facultatif de l'enseignement des langues régionales ou minoritaires. Ces notions font référence à la jurisprudence du Conseil constitutionnel très restrictive au regard des langues régionales, laquelle se trouve ainsi confirmée.
Le Conseil constitutionnel pourra ainsi, après cette modification constitutionnelle, encore davantage s'opposer aux mesures qui seraient nécessaires pour appliquer la Charte et notamment sa partie II, qui s'impose aux États qui l'ont ratifiés. Il pourra à l'avenir s'opposer à ce qu'un statut légal soit attribué à ces langues, à ce que des mesures législatives spécifiques de promotion soient prises en faveur de ces langues ou à ce que l'acquisition d'une langue régionale soit reconnue comme un droit, car de telles mesures seraient analysées comme un droit collectif au bénéfice de locuteurs de langues régionales. De même, il pourra faire obstacle à l'utilisation de langues régionales, même de façon occasionnelle, dans le cadre des autorités publiques.
En d'autres termes, le projet permettra de ratifier la Charte, mais en même temps il empêchera une mise en ½uvre effective de celle-ci. Ceci explique que de nombreuses organisations de promotion des langues régionales sont hostiles à ce projet de loi constitutionnelle s'il conserve une référence à la déclaration interprétative. Cela ne fait sens de ratifier la Charte que si l'on a l'intention de la mettre en ½uvre effectivement. Ceci implique que les autorités françaises mettent en place une véritable politique de soutien efficace aux langues régionales. Cela nécessiterait une loi donnant un vrai statut à ces langues et garantissant un système d'enseignement accessible pour toutes les familles qui le souhaitent. Si l'on considère les langues régionales comme un patrimoine culturel commun menacé, des actions énergiques en faveur de ces langues dans la vie publique et culturelle sont indispensables.
Pour toutes ces raisons, il faut supprimer dans le projet de loi la référence à la déclaration interprétative de 1999.