Malgré le rétropédalage de l’Élysée sur le sujet, le président Emmanuel Macron a bien évoqué publiquement l’idée qu’il fallait rendre hommage au Maréchal Pétain pour son action pendant la première guerre mondiale, puisqu’il avait été alors « un grand soldat ». Nous avons eu là affaire à des propos honteux et à un grand moment de surréalisme politique, mais cette République déçoit rarement de ce point de vue-là.
Cependant, prétendre, sous le prétexte qu’il faut regarder l’Histoire en face selon le président français (nous sommes demandeurs, ici, en Bretagne !), qu’on peut revisiter la vie d’un complice de génocide pour tenter d’en extraire le bon grain, et rendre hommage à cette part supposée honorable, équivaudrait à voir Madame Merkel rendre hommage au Feld Maréchal Göring. Ni plus ni moins.
En effet, lors de la première guerre mondiale, Hermann Göring a été un grand aviateur, un as même, et on flattait alors son côté chevaleresque puisqu’il n’abattait jamais les adversaires à cours de munitions. Mais Madame Merkel n’évoquera jamais l’idée de rendre hommage à un de ces hommes qui ont commis le pire par la suite, et déshonoré profondément l’Allemagne. Car elle n’en a pas la moindre envie certainement, et parce que le tollé serait cataclysmique, ce qui serait bien naturel.
Quelle mouche a donc bien pu piquer le président français pour qu’il fasse cette annonce hasardeuse ? Et si ce n’était pas si hasardeux ?
Rappelons en effet que les sept autres maréchaux français qui seront bien, eux, honorés le 11 novembre ont été responsables de l’envoi au Casse-Pipe de millions d’hommes, dont des dizaines de milliers de Bretons, qui pour certains ne parlaient pas un mot de français.
Rappelons que ces maréchaux, qui faisaient la guerre en arrière du front en lisant des cartes d’État-Major, sont tous morts dans leur lit, et pas au combat.
Rappelons aussi que le film de Stanley Kubrick, « Les sentiers de la gloire », qui mettait en scène les comportements déloyaux et parfois criminels de cet État-Major français envers ses troupes, a été interdit en France à sa sortie en 1957, et jusqu’en 1975 !
Ainsi la saillie du Président français à propos du Maréchal Pétain ne serait pas une erreur, mais confirmerait que Monsieur Macron est un homme qui aime les traditions, aussi mortifères et désuètes fussent-elles. Alors, pour ce qui est du « nouveau monde » annoncé pendant sa compagne électorale, ce sera à nous de le construire, ici, ailleurs, mais sans lui. Et sans les maréchaux.
Vincent Fraval, secrétaire général de Breizh Europa