L'unité bretonne, le dernier livre de Jean Ollivro, géographe et universitaire breton, acheté lors de la manifestation pour la réunification, du 19 avril 2014 à Nantes, m'avait un peu déçu car trop grand public et généraliste, pas assez de chiffres et d'arguments économiques. Il répondait sans doute à une urgence.
La Bretagne réunifiée, (Les Portes du large, 2002) de Jean Ollivro écrit avec Joseph Martray, le fondateur du Celib, fait, quant à lui, parler la poudre, les chiffres, je veux dire… Ce livre a 12 ans mais reste tout à fait d'actualité, avec des données remises à jour. Car si l'histoire, la culture, l'identité commune aux cinq départements de la Bretagne historique sont des atouts formidables, il reste que pour convaincre les décisionnaires de la pertinence économique de notre région réunifiée, rien ne vaut d'examiner les chiffres puis de les comparer aux régions ou États de l'Europe.
Il faut cependant garder à l'esprit, comme le rappelle Jean Ollivro, que "ce genre d'État (français) ne redoute rien tant que l'apparition en son sein d'entités territoriales puissantes" ; donc pour quelques tartuffes, l'homogénéité et la puissance de B5 (Bretagne entière) apparaîtra plutôt comme un inconvénient que comme un atout, il fallait y penser ! car "en séparant Nantes de la Bretagne, on a voulu casser une région parfaitement organisée et qui apparaissait trop puissante pour le pouvoir central" (p. 56).
Rappelons que la Bretagne, qui fut aux XVe-XVIe siècles l'une des trois puissances navales d'Europe (note 7), doit se contenter, pour B4, de 2 % du commerce maritime français (p. 72).
B5 a-t-elle une taille européenne ? (p. 22 et suiv.)
Commençons par la population ? Les Bretons de B5 sont près de 4,5 millions. 15 États d'Europe sont autant ou moins peuplés que la Bretagne, soit : Irlande (4,6), Croatie (4,2), Bosnie Herzégovine (3,8), Lituanie (2,9), Albanie (2,8), Slovénie (2), Lettonie (2), Macédoine (2), Kosovo (1,8), Estonie (1,3); Chypre, Luxembourg, Malte, Monténégro et Islande (moins de 1).
On voit donc que la Bretagne B5 est déjà un État par la taille ! et que dire des régions européennes ; B5 écrase la concurrence, devançant le pays de Galles, la Wallonie, la Toscane, la Galice ; elle est à peine dépassée par l'Écosse. En superficie, B5 est 20e sur 206 régions d'Europe (p. 23).
Qu'en est-il du Pib ?, (p. 25) et (note 1 et 2)
Là encore B5 est plus riche qu'au moins dix-neuf États d'Europe ! Au niveau mondial, la Bretagne a un Pib supérieur à celui de 136 États ! Par ailleurs, il n'y a que quatre États africains dont le Pib est supérieur à celui de B5 (pétrole dans 2 cas) : Nigeria, Afrique du Sud, Égypte et Algérie !
En ce qui concerne le Pib par habitant, notre région (future) B5 est bien placée là aussi. En 2002, selon Jean Ollivro, 24 États européens sur 37 étaient moins bien placés que B5. En 2010, le Pib/h de B5 étant approximativement de (120.000 / 4,5) 1,30 = 35.000 dollars par habitant, cela nous place selon le FMI, au dessus de 156 États mondiaux ! (note 3) et approximativement 60e sur 453 régions d'Europe (note 4).
Les Budgets de la Bretagne B4, du pays de Galles et de l'Écosse
Comparer les budgets de la Bretagne et des deux autres nations celtiques de la grande Bretagne est délicat, j'y reviendrai dans un autre article, car leur statut politique diffère. La tutelle de l'État y pèse autrement ainsi que sa contribution au budget local. Néanmoins on remarque une différence considérable dans ces budgets et l'on peut déjà en déduire que B4 agit très faiblement sur sa destinée …
Pour mémoire, voici donc les budgets de ces trois nations :
Nation d'Écosse : 30 milliards de livres soit (taux de change de 1,26) 38 milliards d'euros ;
Principauté du Pays de Galles : 15 milliards de livres soit 19 milliards d'euros ;
Région Bretagne, B4 : 1,4 milliards d'euros (note 8).
D'ores et déjà, les chiffres (Pib) démontrent que B5 sera une région forte en Europe et dans le monde, que par conséquent la Bretagne n'a nul besoin de se fondre dans un Grand Ouest introuvable (p. 45), à l'image poussive et sans identité.
En réalité pour certains, peu importe que la Bretagne soit faible ou forte, en France on ne supporte pas qu'elle soit autre chose qu'une province, et sa culture un folklore.
L'esprit "laïcard" et "républicard", anti-démocratique, poussé à bout, agit comme une sorte de fascisme mou, osons le dire, devant lequel tout doit plier. Cet esprit est d'ailleurs contre-productif, car à force d'amalgamer autonomistes et collabos, de parler de repli sur soi à des gens qui sont les meilleurs citoyens de France (note 5), même l'excellent M. Troadec doit renoncer à employer ce mot (autonomie) qui fait peur aux "braves" lecteurs du Télégramme; à force de se voir refuser peu, de subir "un incroyable contrôle productif, sans doute unique au monde" (p. 67) ; et bien les Bretons aillent quand même finir par demander beaucoup ! par songer à un autre chemin, et prendre goût au terme "indépendance" qui fait flores à l'étranger ! comme le montre un certain sondage (note 6) …
Eh oui !, l'exception culturelle bretonne existe et se maintiendra face à l'exception française !
Qu'on ne s'y trompe pas, la Bretagne d'aujourd'hui agit de manière salutaire (écotaxe) pour précipiter le jacobinisme et le centralisme français dans les poubelles de l'histoire.
Jean Ollivro nous disait déjà en 2002, que la marque "Bretagne" était connue dans le monde entier et d'ailleurs Nantes-Saint-Nazaire commerce avec 380 ports du monde (p. 54), tandis que ces niaises appellations, "l'Ouest", le "Grand Ouest", ne signifient rien d'autre que ceci "nous sommes à l'ouest de Paris". A ce compte, pour quoi ne pas appeler l'Écosse, le Grand Nord, et la couronne parisienne, la Grande C….
Eh bien la Bretagne ne se contentera pas d'être un point cardinal et entend affirmer "sa centralité dans le monde", "car nous ne sommes plus à l'Ouest, à l'écart, à côté, mais bien : au centre du monde nouveau" et globalisé (p. 43).
L'auteur souligne combien B4 et Loire-Atlantique sont orphelines l'une de l'autre. B4 apporte le label "Bretagne", mondialement connu, un niveau d'éducation supérieur, une forte compétence dans les Télécoms, la route maritime la plus fréquentée du monde passe sous ses fenêtres, c'est la première région agricole de France et l'une des premières du monde. De son coté Nantes sera pour B4, "le pôle commercial et de négoce" et "le territoire pivot unissant la Bretagne au monde" (p. 92), car B4 exporte surtout en Europe, là où la concurrence est la plus rude. D'ailleurs, malgré la partition, la Bretagne administrative reste historiquement "le pôle d'échange principal de la région des Pays-de-la-Loire … où la Loire-Atlantique joue le rôle essentiel" (p. 38)
Donnons le mot de la fin à Jean Ollivro. La Bretagne est "en proie à ces problèmes élémentaires de reconnaissance institutionnelle spécifiques à la France et qui constituent son exception, dont elle n'a aucune raison de tirer gloire" (p. 97).
Notes
La plupart des chiffres cités viennent du livre de Jean Ollivro, de Wikipédia, de l'Insee et d'Eurostat
1. Pib en millions de dollars, en 2013
(100 euros font 127 dollars en 2014)
État/région Pib en millions de dollars
Kosovo 7.150
Moldavie 8.932
Malte 9.500
Macédoine 10.650
Albanie 12.800
Islande 14.500
Bosnie Herzég. 18.870
Chypre 22.000
Estonie 24.280
Lettonie 30.380
Serbie 43.000
Loire-Atl. 43.000 (INSEE 2005, 30.300 mi euros)*
Lituanie 46.710
Slovénie 46.820
Bulgarie 53.700
Croatie 59.140
Luxembourg 60.000
Pays de Galles 76.000
Slovaquie 97.000
B4 105.410 (83.000 mi euros)
Ecosse 119.000
Hongrie 130.600
Bretagne B5 148.410 (118.000 mi euros)
* (30.300* 1,27)/0,9 pour actual. 2012
5. Articles Abp : "Il fait bon vivre en Bretagne" et "La Bretagne se distingue selon l'Insee"
6. Sondage du magazine "Bretons" 84, retiré car contraire aux attentes ! il révélait que 18 % des Bretons étaient favorables à l'indépendance. Quand on pense qu'un historien breton bien connu prétendait n'avoir jamais rencontré d'autonomistes bretons !
7. Penmarc'h fut le premier port d'armement d'Europe aux XVe/XVIe siècles, la flotte commerciale bretonne égalait celle de Venise et la Hanse