C'est étrange de dire cela, des propos un peu guerriers, bien militaires, mais oui, la Bretagne a besoin de combattants, de gens qui ont le courage d'agir, de combattre, de bousculer, de construire, d'innover, d'entreprendre, de prendre des risques, de produire du concret et pas uniquement des paroles, qui n'ont pas peur pour leur carrière, pour leur futur, pour l'avenir. Et Dieu sait que la Bretagne en a produit de ces combattants et même beaucoup et depuis longtemps. Les Bretons qui ont fait et gagné la guerre de Cent ans ont enrichi la Bretagne. Ce n'est pas pour rien que la Bretagne compte environ 15 000 manoirs. Les marins bretons sont parmi les plus célèbres du monde. Il paraît qu'il y en avait même sur les caravelles de Christophe Colomb. Et ce n'est pas pour rien que j'ai donné comme sous-titre à mon dernier livre les Bretons, l'âme fière, l'esprit valeureux. Si vous croyez que l'enrichissement actuel des Bretons (et oui, regardez vers le passé des Bretons et des Bretonnes, ce n'était pas franchement la belle vie) provient du Saint Esprit, vous rêvez, il provient du courage, d'une volonté incroyable de centaines de milliers de Bretons qui ont trimé de 1870 à 1970 et bien après, se sacrifiant pour que vivent mieux qu'eux leurs enfants.
On me dira, mais qu'a-t-il cet historien à balancer des propos aussi libéraux, néo-libéraux ou autres ? Je me moque de tous ces gens qui veulent classer les gens qui réfléchissent un tout petit peu dans des cassiers bien fermés. C'est un constat. Ce ne sont pas les combattants qui actuellement dirigent la Bretagne. Il y en a bien sûr quelques-uns. Mais il est clair qu'actuellement ce sont les gestionnaires qui dirigent et qui veulent continuer à diriger pour de multiples raisons : parce que cela rapporte et oui, parce que cela donne le pouvoir ou la sensation du pouvoir, parce qu'ils se croient utiles en toute bonne foi, et c'est vrai pour certains ils le sont, surtout lorsqu'ils ont le courage d'agir. Mais trop peu laissent la porte ouverte aux combattants, au renouvellement. Mais la crise est là, et comme dans toute situation de crise, on ferme les portes, et cela de plus en plus, et on tente de lancer bien loin les clefs.
Bien sûr qu'il faut des gestionnaires, des administratifs, des gens qui savent organiser, surtout de nos jours où règne la complexité. Mais voilà, par un phénomène étrange, ils prennent trop de poids, d'influence ; ils se mettent à diriger les vies économiques, politiques et sociales. Ils sont partout : ce sont les patrons, les syndicalistes, les parlementaires, les élus, les présidents d'associations culturelles et sportives. Ils sont omniprésents et entre eux. Pire ils font croire qu'ils sont les combattants. Ils s'emparent des idées de ceux qui tentent d'entreprendre. Mais il arrive un moment où ces derniers abandonnent et jettent l'éponge pour faire autre chose. Et à ce moment, que vont-ils faire : s'accrocher encore à leurs postes ? Tenter de faire semblant ? Continuer à gérer alors que même la société elle-même se détourne d'eux et vont voir ailleurs, vont voir les autres choses que font ces combattants, du moins le peu qui ont survécu.