Capital sort en décembre-janvier un hors série spécial intitulé « L’État de la France 2012 » qui fait l'état de l'économie et évalue la situation dans les régions, en France et Outremer.
Le tableau est noir selon Capital, la crise va plomber la décennie jusque 2020, les politiques du gouvernement sont inefficaces, le réchauffement climatique turbine comme jamais. Soit. La crise va continuer à dévorer la France, il faut un traitement de choc, sinon « tout va aller très mal, très vite », on y est habitué. Capital exhorte à suivre l'Allemagne et la mondialisation, va bene.
Non, ce qui est intéressant dans le dossier de Capital, c'est le « classement » des régions, et surtout le mot introductif par Bernard MOREL, chef du département de l'action régionale à l'Insee. Ce mot est on ne peut plus français-centralisateur parisianiste : l'Île de France est un « moteur d'entraînement », les façades sud et ouest du pays cartonnent et au milieu il n'y a rien. Perle relevée en cours de route : dans la liste des bassins qui profitent de leur proximité avec une métropole, « le Morbihan près de Rennes » : certes, il y a une 2x2 voies pour rejoindre Rennes depuis Vannes, mais le Morbihan est plus proche et plus lié de Nantes… ah oui, tabou administratif. Au coin avec le bonnet d'âne.
De bon pied, nous atteignons donc la Bretagne… désespérément administrative, sauvée des eaux par l'élevage et les télécoms, dit la page d'analyse. Du côté des Pays de Loire, à part les chiffres du chômage départementalisés du 2e semestre 2011, il est impossible d'avoir des chiffres propres à la Loire-Atlantique. Les deux régions se classent également sixièmes du classement de Capital, en évolution positive par rapport à celui de fin 2009. Nous resterons donc sur notre faim pour une analyse économique de la Bretagne : le point de vue délibérément administratif empêche toute étude pertinente de l'économie bretonne dans son ensemble.
L'économie bretonne, c'est aussi un secteur aéronautique très fort ; c'est la pluralité des moteurs et relais de croissance ; ce sont aussi six pôles de compétitivité et des dynamiques de population et d'économie orientées à la hausse, et ainsi de suite. C'est l'espoir d'allier, sur un territoire assez réduit, un environnement sain, une identité culturelle et historique propre et fondamentalement différente de celle de la France, un modèle économique performant et inscrit dans le système-monde et l'attachement aux valeurs qui ont fait la Bretagne, qui l'empêchent de couler dans les crises et l'asservissement à « l'analyse » jacobine : ( voir notre article )
L'économie bretonne ne s'arrête pas à la Bretagne. Les pages d'analyse laissent transparaître en filigrane l'écartèlement des Normandies entre Paris et la Bretagne. La Manche, l'Orne et l'Eure sont les laissées pour compte de ce que les locaux appellent « 1476 », selon les numéros du Calvados (14) et de la Seine-Maritime (76). Il n'est plus un secret pour personne que le dynamisme de Nantes et de Rennes a aussi avalé la Mayenne et la Sarthe, tout comme l'Anjou, ce qui rendrait plus dramatique encore une éventuelle dislocation des Pays de Loire.
L'exemple à suivre pour Capital est la région Rhône-Alpes, « seule à jouer dans la même cour que le territoire francilien », voyons pourquoi. Un fort réseau de communication, Lyon métropole européenne, dix pôles de compétitivité en région, dont cinq autour de Lyon, une industrie forte et très diversifiée, une agriculture solide et qualitative, un tertiaire en pleine croissance et à forte valeur ajoutée et un secteur touristique reconnu sont les atouts de la région. Et deux métropoles performantes dans la même région. Rien qui ne soit hors de portée de la Bretagne, en somme.