Six députés, dont Jean Félix Acquaviva, François Pupponi et Paul Molac, ont écrit au Ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères Jean Yves le Drian pour l’alerter sur « la situation
critique dans laquelle se trouvent plusieurs militants kurdes à Strasbourg suite à la grève de la faim qu’ils ont entamée le 17 décembre 2018 en protestation contre le régime d’isolement imposé
par le pouvoir turc au leader kurde Abdullah Ocalan en violation de toutes les règles internationales ».
Au moment où cette lettre a été envoyée « sept des quatorze grévistes de la faim se trouv(ai)ent déjà en état critique et le co-président des associations kurdes d’Europe a(vait) dû
être hospitalisé d’urgence ».
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Le 12 février, le quotidien Dernières Nouvelles d’Alsace explique : « ils ne se nourrissent pas depuis le 17 décembre mais boivent de l’eau, du thé, de la tisane, prennent du sucre, du
sel et de la vitamine B1, sous le contrôle d’un médecin ».
Leur demande : « qu’Abdullah Ocalan, leader kurde emprisonné depuis le 15 février 1999, il y a tout juste 20 ans, soit sorti non pas de sa prison turque, mais de l’isolement ».
Leur grève de la faim sur le territoire français, à deux pas du Parlement européen, fait écho à celle qui est menée par Leyla Güven, députée HDP élue du Kurdistan, commencée il y a plusieurs mois
alors qu’elle était encore emprisonnée. Elle a été libérée depuis.
Ces grèves de la faim ont été prolongées ce week-end par une grande manifestation à Strasbourg de 15.000 personnes (chiffres de la police), essentiellement des Kurdes vivant en Europe.
Les militants kurdes sont exceptionnels de détermination et d’abnégation. Celle qui les représentait à Strasbourg quand je siégeais au Parlement Européen, Fidan Dogan, a été assassinée à Paris en
2013 par les services secrets turcs. Autour d’elle s’était organisée la manifestation de Strasbourg qui a lieu chaque année depuis 18 ans, toujours aussi nombreuse. Les grèves de la faim sont
régulières. Le peuple kurde mène son combat au Kurdistan comme dans sa très nombreuse diaspora avec une constance qui force l’admiration. Et cela malgré un silence presque total des médias.
Ce silence institutionnel sur l’action des Kurdes en Europe s’étend bien sûr à la situation au Kurdistan-même, où la Turquie fait peser la menace d’une invasion de la Rojava, la région autonome
kurde en Syrie, dès l’instant que les troupes américaines auront laissé définitivement le terrain libre comme l’a annoncé Donald Trump, malgré l’avis contraire de toute la hiérarchie militaire du
Pentagone.
Cette trahison occidentale, après trois années durant lesquelles les Kurdes ont été seuls à résister à la progression de Daech, notamment lors du siège de Kobané, puis à mener l’offensive jusqu’à
éradiquer le califat terroriste dont la capitale syrienne, Raqqa, a été reprise par les fantassins kurdes d’YPG. YPG, « groupe de protection du Peuple Kurde », est assimilé par Ankara
au PKK de Turquie auquel Erdoggan a déclaré la guerre totale.
Face à cette menace majeure, celle de l’une invasion de leur pays par une armée turque d’occupation qui est coutumière des exactions les plus terribles, et l’héritière non repentie du génocide
arménien, les dirigeants kurdes cherchent d’abord à gagner du temps, sachant que la « ligne Trump » est loin de faire l’unanimité à Washington. En effet les militaires américains savent
qu’ils ont besoin d’alliés partout dans le monde et que l’irresponsabilité de Trump au Kurdistan mettra gravement en difficulté leur capacité à négocier demain les engagements dont ils pourraient
avoir besoin sur d’autres théâtres d’opération.
Pour les Kurdes, la première option est de se retrancher derrière le droit international qui protège l’intégrité territoriale de la Syrie pour y négocier une autonomie kurde « à
l’iraquienne ». L’autorité syrienne est toujours incarnée par Bachar El Assad, mais son pouvoir ne vaut que par le soutien de la Russie et de l’Iran qui négocient avec la Turquie pour
définitivement rétablir le pouvoir de Damas dans la zone stratégique d’Idlib. Les Kurdes savent d’avance qu’ils seront les sacrifiés d’un tel accord.
Leur autre option est de chercher un « parapluie aérien » occidental comme en ont bénéficié leurs homologues kurdes d’Irak, grâce aux américains, du temps de Saddam Hussein. Les USA
leur tournant le dos, ils sollicitent les Européens, particulièrement la France qui, même bien timide dans son soutien aux Kurdes, reste la puissance occidentale qui a protesté le plus fermement
contre la décision de Donald Trump, et qui continue son appui aérien sur place dans le cadre de la coalition anti-Daech.
Mais la France n’a manifestement pas la volonté, ni même la possibilité, seule, d’endiguer l’offensive turque annoncée par le « sultan Erdoggan » en pleine dérive autocratique. Nul ne
peut aujourd’hui prévoir les conséquences des dérives annoncées d’un pays aussi puissant économiquement, démographiquement et militairement que la Turquie. Pour les Kurdes, elles seront de toutes
façons catastrophiques, et aussi pour la valeur essentielle que leur combat porte dans le monde musulman à propos de la place des femmes, enjeu stratégique pour la démocratie dans le monde.
Ces questions sont capitales. Elles devront être posées au niveau européen, de façon urgente. Et espérer que Donald Trump soit au plus vite « dégagé » à son tour.
François ALFONSI, chef-de-file de R&PS aux européennes
Ce communiqué est paru sur RPS (voir le site)