Les jeux olympiques viennent de se terminer et, au-delà des formidables parcours de tel ou tel athlète, on peut regretter que la manifestation quadriennale ait à nouveau été une occasion manquée pour l'Europe de montrer qu'elle pourrait être un peu plus qu'une monnaie unique, un parlement, et une commission chaque jour plus éloignée de l'attention des citoyens européens.
On sait pourtant que l’adhésion à l'idée de nation ou de communauté est souvent la résultante, d’une propagande politico-médiatique savamment distillée. Ainsi on a eu le droit aux éternels tours de pistes, drapeaux nationaux collés sur des dos encore en sueur et aux hymnes la main sur le coeur. Cela fait partie du spectacle bien sûr et cela pourrait être considéré comme tout à fait inoffensif et même touchant parfois si la sphère politico-médiatique ne s'emparait pas de l'occasion pour distiller un chauvinisme suranné et enfourcher les métaphores guerrières les plus étonnantes.
On comprend par exemple en écoutant les commentateurs sportifs français à quel point le décompte frénétique des médailles est devenu quasi obsessionnel, comme autant de nouvelles rassurantes d'un front de guerre imaginaire. Ainsi, certains pays ont désespérément besoin de gagner pour exister un peu mieux, quitte à oublier de citer les autres médailles d'une compétition lorsqu'un compatriote a encore "réalisé un exploit".
Et voici donc la France victorieuse sur tous les fronts, "moissonnant de l'or", glanant des médailles d’argent ou de bronze qui, elles aussi, à bien y penser, "valent de l'or", représentée par des athlètes "qui vont au bout d'eux-mêmes" comme seuls les Français sauraient le faire. Des sportifs "qui font des trucs énormes" et "historiques" quasi quotidiennement et qui perdent parfois parce que les autres sont méchants, envieux, tricheurs ou que les installations brésiliennes ne sont pas à la hauteur...
Il suffit au final de mesurer le bilan très modeste en titres olympiques de la France (10 titres) avec celui de pays de taille et de culture comparables tels l'Allemagne (17 titres) ou la Grande-Bretagne (27 titres) pour comprendre que la délégation arrivée en si grand nombre à Rio n'a pas particulièrement brillé. Ce qui n'enlève rien bien sûr au mérite de tel ou tel champion tricolore mais montre à quel point la propagande patriotico-nationaliste autour des compétitions sportives est incontournable et s’embarrasse peu d'objectivité.
La France n’a bien sûr pas le monopole de ce chauvinisme exacerbé ni de cet azimutage journalistique débridé, même si elle semble bien placée comme le relevait Le Monde du 17 août dernier.
On peut cependant mesurer le chemin qui existe avant d'arriver à une véritable citoyenneté européenne face à des comportements "patriotiques" aussi marqués lors des grandes compétitions sportives et sur les grands média d'une manière générale.
Face à ces coutumes qui ont la vie dure, on se félicitera d'avoir vu, lors de ces JO, Elisa Di Francisca, médaillée d'argent au fleuret, monter sur le podium avec le drapeau européen à la main. L'Italienne en a surpris plus d'un, y compris dans son pays, mais elle a ouvert la voie et La Stampa a justement rapporté que "La nuit de Rio n’a pas la couleur de l’or, mais celle d’un puissant bleu". Ce qui montre que les média pourraient aussi plébisciter ces changements de comportement novateurs.
On se prend alors à rêver qu'en parallèle des squadra nationales, des athlètes européens décident un jour de concourir sous la bannière étoilée, comme d'autres aujourd'hui, encore peu nombreux, ont pu concourir sous le drapeau olympique.
C'est à ce prix que l'Europe pourra un jour exister dans le coeur d'un plus grand nombre d'Européens. Les premières médailles obtenues seront alors vraiment "historiques".
Caroline Ollivro, présidente de Breizh Europa