Il y a 80 ans naissait Seán Ó Riada, il y a 40 ans disparaissait ce grand compositeur et musicologue irlandais.
Durant cette courte vie, Seán Ó Riada va révolutionner la musique irlandaise et permettre une véritable réappropriation de leur propre musique par les Irlandais eux-mêmes.
Né à Cork le 1er août 1931 d'un père membre de la Garda (police irlandaise) mais aussi joueur de fiddle et d'une mère accordéoniste, Seán Ó Riada commença à prendre des leçons de violon à 7 ans et de piano à 8 ans. Après une scolarité au Saint Finbarr's Seminary de Farranferris, il fut reçu à l'University College de Cork en 1948 où il suivit des études en musique, grec, latin et irlandais; il en sortit avec un diplôme de musicologie en 1952.
Marié en 1953, il obtint le poste de directeur musical adjoint à Radio Éireann (la radio publique irlandaise) ; il en démissionna en 1955 pour s'installer à Paris où il rencontra nombre d'artistes et musiciens et où il découvrit sa véritable vocation, la musique. De retour à Dublin, il s'investit entièrement dans un travail de composition et d'arrangements pour le Radio Éireann Singers and Light Orchestra ainsi que pour d'autres orchestres de chambre et symphoniques.
Durant cette période, il fut aussi le directeur musical de l'Abbey Theatre, la célèbre scène dublinoise, et il composa diverses musiques de films dont le désormais classique Mise Éire (1959) qui retraçait la naissance de l’État irlandais.
Sa musique eut un impact phénoménal sur les Irlandais et Seán Ó Riada devint une personnalité musicale de premier plan dans l'Irlande des années 50 et 60. On peut citer 2 autres musiques de films, Saoirse ? (1961) et The Playboy of the Western World (1962). Sa série radiodiffusée Our musical Heritage en 1962 fut aussi un vrai succès populaire.
Une de ses innovations fut de faire travailler ensemble des musiciens traditionnels sur différents sons et thèmes, ce qui aboutit à la création du groupe Ceoltóiri Chualann qu'il décrivait lui-même comme un orchestre de chambre folk. Leur premier concert fut donné en 1961 à Dublin à l'hôtel Shelbourne. Cet ensemble fut, comme nous le verrons plus bas, l'inspirateur direct du célèbre groupe The Chieftains.
Tout au long de cette période, Seán Ó Riada organisa chez lui des sessions rassemblant musiciens traditionnels, diplomates, journalistes, ministres, élus….
En 1962, Seán Ó Riada démissionna de son poste à l'Abbey Theatre et s'installa avec sa famille à partir de 1963 dans le Gaeltacht (région où la langue gaélique est dominante) à Cúil Aodha près de Cork, tout en continuant à écrire pour l'Irish Times et la RTE, le service public irlandais de l'audiovisuel.
Voyageant à travers le monde pour donner des conférences, des concerts, enregistrer des disques, Seán Ó Riada continua à écrire des compositions musicales, à participer à de nombreuses commissions universitaires et musicales et trouva le temps d'étudier la musique orientale et indienne. Il fut aussi à l'origine du chœur Cór Chuil Aodha et écrivit plusieurs messes dont un Requiem, commande du gouvernement irlandais.
Il décéda suite à une maladie fulgurante à Londres le 3 octobre 1971 et il fut enterré à Cork.
Son œuvre est immense non seulement par le nombre de réalisations, compositions mais aussi par l'influence qu'il eut sur l'ensemble de la société irlandaise, à un moment où la culture traditionnelle subissait un fort affaiblissement. Son impact sur les auditeurs et spectateurs a permis un renouvellement de l'intérêt des Irlandais pour leur patrimoine musical. La création de Ceoltóiri Chualann a dynamisé la musique irlandaise sous une forme que l'on connaît toujours actuellement. Enfin, Seán Ó Riada a sorti de l'oubli les créations et compositeurs irlandais des siècles passés, au premier rang desquels Ó Carolan que tous les harpistes d'aujourd'hui connaissent et interprètent.
C'est ce musicien d'exception qui est célébré cette année en Irlande.
Seán Ó Riada a eu une certaine influence sur la Bretagne : directement avec Polig Monjarret, qu'il connaissait depuis le début des années 50 et avec qui il échangea une correspondance au moment où Polig structurait la Bodadeg ar Sonerion ; indirectement à travers le groupe The Chieftains qui popularisa la musique irlandaise en Bretagne ; Paddy Moloney, le leader des Chieftains, fut en effet le joueur de uillean pipe du groupe fondé par Seán Ó Riada, Ceoltóri Chualann ; c'est d'ailleurs en interprétant des œuvres de Seán Ó Riada que les Chieftains ont percé sur la scène internationale ; il est tout à fait frappant de retrouver dans The Chieftains le son de Ceoltóiri Chualann.
Que dire d'autre ? Sans qu'ils le sachent, nombre d'artistes bretons interprètent des airs composés ou arrangés par Seán Ó Riada dont le célèbre Mna na Éireann, par exemple. Il y a sans doute eu d'autres liens entre Seán Ó Riada et la Bretagne et si vous en connaissez, je vous serais très reconnaissant de m'en faire part.
Remerciements à Peadar Ó Riada, Gael-Linn et Nolwenn Monjarret pour les sources et informations.
Rapide discographie
Mise Éire, 1959, Shanachie ;
Ó Riada sa Gaiety, Gael-Linn, 1969. Remasterisé et augmenté en 2005 ;
Seán Ó Riada, Gael-Linn, 1995 ;
The Playboy of the Western World, Gael-Linn ;
Reacaireacht an Riadaigh, Gael-Linn ;
Ceol an Aifreann, Gael-Linn ;
Aifreann 2 ;
The Battle of Aughrim ;
Ó Riada's Farewell, Claddagh, 1972 ;
Seoda an riadaigh, The Essential Collection, Seán Ó Riada 1931-1971, Gael-Linn, 2011