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- Communiqué de presse -
Il est urgent de rendre plus visible la mémoire de l’opération Chariot à Saint-Nazaire
Monsieur Joël Batteux, Notre association, la SPPEF – Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France – ne s'occupe pas seulement de veiller sur les verdoyantes
Par Louis-Benoît Greffe pour SPPEF - délégation Loire-Atlantique le 29/03/13 18:13

Monsieur Joël Batteux,

Notre association, la SPPEF –- Société pour la protection des paysages et de l'esthétique de la France -– ne s'occupe pas seulement de veiller sur les verdoyantes collines, les riches vallées et les landes étendues de notre belle contrée Bretonne. Elle prend aussi en considération le patrimoine dont personne ne s'occupe, soit qu'il ait lui-même une valeur paysagère – ainsi des phares – soit qu'il relève de l'intérêt général, ou qu'il s'ancre par son importance historique dans un paysage, qu'il dépasse le cadre de la bâtisse ou de l'objet pour devenir paysage d'Histoire, patrimoine qui nécessite de la considération, de l'attention et de la mémoire. C'est justement au sujet du respect et de la mise en valeur de cette mémoire que je souhaitais vous interpeller.

Le visiteur qui se promène aujourd'hui dans l'avant-port de Saint-Nazaire sait qu'il y a eu ici des bombardements, des destructions conséquentes. Il sait que Hergé a pris Saint-Nazaire comme cadre, que la porte d'entrée maritime de la Bretagne est une grande cité industrielle, qui a l'honneur de forger les plus Grands -– paquebots -– de ce monde, et d'accueillir leurs confrères ventrus de la marine marchande. Il sait que Saint-Nazaire a été occupée, bétonnée à outrance. La base sous-marine est difficile à manquer, et il y a divers blockhaus qui ouvrent encore leurs embrasures menaçantes à la face de l'Océan.

Mais voilà, à part s'il pousse sa curiosité jusqu'à un curieux menhir sur le front de mer portant une plaque gravée, jamais il ne se doutera qu'en ces lieux héroïques, salés d'embruns, de peine et de sueur a eu lieu une des opérations les plus audacieuses de la seconde guerre mondiale, un raid à la fois efficace et meurtrier où nombreux furent les Celtes – à l'époque ils étaient tous de près ou de loin engagés dans le camp de la Liberté – qui sont morts pour hâter la libération du continent européen. Libération qui -– ironie du sort –- s'est justement achevée à Saint-Nazaire, dernière ville libérée d'Europe le 11 mai 1945.

Chaque année, une commémoration celtique est organisée auprès de ce monument. Mais en-dehors de ce jour, il n'y a pas de mémoire officielle, au contraire. On ne saurait croire cependant que le système mis en place depuis que vous tenez les rênes de la ville repose en partie sur l'oubli d'une certaine Histoire, et indistinctement de ses pages les plus glorieuses et les plus sombres, dès lors qu'elles portent les couleurs éternelles de l'hermine, de la patrie Bretonne.

Dans d'autres pays, il y aurait des panneaux, des circuits, tout serait fait pour que le touriste marche sur les traces des hommes héroïques de l'Opération Chariot. Il y aurait des pupitres explicatifs devant les installations, une table d'orientation sur un point haut du port, un support concret qui permette de cerner les enjeux et les installations à détruire, de retracer minute après minute le raid le plus audacieux de la guerre en Atlantique. D'autres terroirs français n'ont pas oublié, eux, de mettre en place des installations qui permettent -– une fois les derniers vétérans disparus -– que le souvenir ne meure jamais. Les Glières, le Vercors, ou plus modestement le maquis de Saffré au cœur de la Loire-Atlantique. Ou celui de la forêt d'Orléans et de Lorris. Des terroirs qui n'oublient pas leur passé, car il n'y a pas d'avenir serein si la conscience des erreurs terribles et des exemples glorieux du passé nous quitte, ne serait-ce qu'un instant.

Les vétérans sont toujours là, et qui mieux qu'eux-mêmes pourront permettre que le devoir de mémoire prenne enfin place dans le paysage ? Saint-Nazaire est une capitale industrielle, maritime, mais le flot de l'eau et des marchandises n'exclut pas la mémoire. Le travail des ouvriers n'exclut pas le souvenir des événements de la guerre. Il n'y a pas de camp à prendre dans le devoir de mémoire, celui-ci ne se divise pas en faction Bretonne et faction française, ou en toute autre division. Sous son ample manteau, la mémoire veille sur tout. Encore faut-il l'aider à transmettre tant aux enfants qui naîtront demain à Saint-Nazaire qu'aux visiteurs qui l'honoreront de leur présence, la gloire et l'honneur des braves de l'opération Chariot, qui « accomplirent beaucoup en ayant hasardé tout ».

M. Batteux, je vous prie de faire en sorte que leur parcours, leur combat, s'enracine matériellement dans le port et que leur héroïsme ne soit pas qu'une plaque sur un monument, certes vénéré, mais devienne une présence, une flamme qui incite sans cesse à l'exemplarité et au courage. Saint-Nazaire et les nazairiens le méritent.

Je vous prie d'agréer, je vous prie, l'expression de ma considération la plus sincère,

Louis-Benoît GREFFE – Délégué SPPEF en Loire-Atlantique.

Voir aussi :
Délégué départemental de la SPPEF (Société pour la Protection des Paysages et de l'Esthétique de la France), association d'utilité publique qui a pour but de défendre, depuis sa création en 1901, le patrimoine historique, architectural et naturel français.
[ Voir tous les articles de SPPEF - délégation Loire-Atlantique]
Vos 1 commentaires
Raymond coantic Le Vendredi 29 mars 2013 19:23
Magnifique hommage aux petits boys britanniques, qui sont venus nous libérer au péril de leur vie. L’opération Chariot est certainement l’un des faits les plus marquants de la deuxième guerre mondiale. Il est inconcevable que la Ville de St Nazaire puisse montrer aussi peu d’intérêt dans sa commémoration. J’étais à l’Hôtel de Ville, à l’issue de la cérémonie, et ai pu constater l’indigence de la réception à l’égard des nombreux vétérans et invités qui s’étaient déplacés d’Outre-Manche.
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