Les récents projets miniers suscitent la polémique comme on peut le voir tous les jours dans la presse et dans les réseaux sociaux, polémique qui éclaire un sujet très peu traité par les historiens. Et pourtant, la Bretagne dispose d’un sous-sol particulièrement riche et cette situation ne date pas d’aujourd’hui.
L’étain, richesse bretonne
Grâce à ses mines d’étain, peut-être moins bien situées que celles de Cornwall, la Bretagne se trouvait au cœur de la production du bronze – sans étain, on ne peut pas faire du bronze – et donc de cet âge dit du bronze qui a succédé au Néolithique à la fin du IIIe millénaire et qui a dominé toute l’Europe pendant tout le IIe millénaire avant JC avant d’être supplanté vers 600 av. JC par le fer fournissant aux outils et aux armes une solidité et donc une efficacité plus grande. Il ne faut pas oublier que c’est en recherchant la route des mines d’étain que le Marseillais grec Pythéas, vers 320 av. JC, décrivit les côtes du Finistère (il accosta à Penmarc’h et sur l’île d’Ouessant) et cita pour la première fois les Ostimioi (en latin les Osismes), peuple alors vivant dans l’Ouest de la Bretagne. Deux mines d’étain, très connues sont donc très anciennes, celle d’Abbaretz, près de Nozay (44), exploitée par les Vénètes, et même jusqu’au IIIe siècle après JC et peut-être plus tardivement encore vers le VIe siècle. On y redécouvre le filon en 1882, filon qui n’est exploité que temporairement de 1920 à 1926 et plus sérieusement en 1952. Jusqu’en 1957, date de sa fermeture, la mine d’Abbaretz emploie 350 mineurs. Et pour la seconde mine, je découvre avec stupéfaction qu’une des capitales européennes de l’étain fut une petite ville à 10 minutes de chez moi, Saint-Renan. Dans la région de l’Aber Ildut, on y exploitait le minerai d’étain, la cassitérite depuis l’âge de Bronze. Les Romains embarquaient le minerai au port du Dellec. C’est en recherchant dans les années 1950 de l’uranium que les prospecteurs s’aperçurent de la richesse du sous-sol. De 1960 à 1975, 6 000 tonnes de minerais correspondant à 4 000 tonnes de métal pur en furent extraites.
Pour le Moyen Age, franchement pas grand-chose à dire. Mais peut-être que des lecteurs pourront me fournir quelques informations. Une légende dit que le château de Lezargant dans la seigneurie de Névet (près de Quimper) a été construit sur un filon d’argent.
La Bretagne, grande région du plomb argentifère : le Poher
Puis on passe directement à l’âge d’or : l’époque moderne et bien sûr on doit parler des mines de plomb-argentifère du Poher. La mine d’Huelgoat était bien sûr connue depuis longtemps. En 1425, Jean de Penhoat, amiral de Bretagne et capitaine de Morlaix, reçut du duc Jean V de Bretagne, le droit d’exploiter les mines d’Huelgoat. Il le fit en faisant venir des mineurs allemands. Le roi de France Louis XIII, concéda au baron de Beausoleil ces mines. Toutefois l’initiative de leur énorme expansion ne provient pas de Bretons mais des exilés jacobites qui appartenaient à la suite du roi Jacques II Stuart, roi d’Angleterre, d’Ecosse et d’Irlande alors en fuite après la « Glorieuse Révolution » de 1688. Ils prospectèrent en Bretagne et en 1708 demandèrent au roi de France l’autorisation de fouiller et de travailler les mines de plomb situées dans la paroisse de Carnotte ou Carnoët, évêché de Cornouailles. En 1732, le sieur Guillotou de Kerever, négociant de Morlaix, prit leur succession et obtint du duc de Bourbon, grand maître des mines de France, le droit d’exploiter les mines de Poullaouën, de Plusquellec et de toute la région environnante. Pour fonder sa compagnie des mines de Basse-Bretagne, il s’aida des banquiers protestants de Genève. En 1741, il y avait 150 employés, en 1751, 850. On trouve parmi eux des Anglais, des Allemands, et même un Hongrois de Transylvanie. A la veille de la Révolution française, 2 000 personnes produisaient 600 tonnes de plomb et 1,5 tonne d’argent faisant de la mine de Poullanouen la première mine métallurgique de France. Les actionnaires étaient si prospères qu’ils achetèrent d’autres mines en Bretagne, celle de plomb, de Pont-Péan, près de Rennes, développée par le richissime négociant malouin, Noël Danycan puis par sa veuve, puis celle de charbon à Montrelais (44) (300 employés au début de l’exploitation en 1757, 600 fin années 1780 ; taux de rentabilité 28 % l’an), et celle de Pont-Péan (22). Ils se permirent aussi des innovations techniques : achats pour Poullaouën et Montrelais de quelques exemplaires des machines à vapeur de Thomas Newcomen (le père de la Révolution industrielle) pour pomper l’eau dans les galeries. Les compagnies minières de Bretagne étaient alors les premières du royaume de France (avec celle d’Anzin).
Après la Révolution
Mais ces actionnaires n’étaient pas Bretons, tels le banquier jacobite Darcy, le marquis d’Herouville ou le duc de Chaulnes. L’exploitation minière consomme tant de bois que les forêts environnantes sont ruinées et c’est sans compter avec la pollution de la rivière d’Aulne. Les Révolutionnaires nationalisent les mines qui ne reprennent vie qu’à la Restauration. Après la Révolution, à proximité de Montrelais, on ouvre vers la mine de Mouzeil vers 1820. On y extrait du charbon jusqu’en 1911. A sa fermeture, 150 mineurs y étaient encore employés. Les accidents n’y étaient pas rares. En un siècle, on compte 79 morts. Une description de 1838 fournit quelques éléments sur les mines de Poullaouen et d’Huelgoat : la première donne 7 500 tonnes de minerai brut par an dont sont extraits 660 tonnes de plomb et emploie 330 ouvriers ; la seconde où travaillent 280 personnes produit 4 600 tonnes de minerai dont on obtenait 370 tonnes de plomb. C’est bien sûr sans compter une centaine d’ouvriers travaillant dans les 4 fourneaux pour la fonte. Les conditions de travail sont, on s’en doute, épouvantables. La mortalité y atteint des records. Les ouvriers sont atteints de saturnisme. Dans son poème « les Bretons », Auguste Brizeux imagine qu’ils cachent sous terre la honte d’une « existence tarée, de crimes impunis ». On visite la mine tel Gustave Flaubert. Il est vrai que le puits de Poullaouen descend alors à 265 mètres de profondeur. Face à la concurrence des mines étrangères, Poullaouen ferme en 1866 suivie en 1866 de Huelgoat. Les mineurs partent en Vendée et dans la région nantaise où ils sont très mal accueillis.
Et le XXe
Les mines de Pont-Péan tentent de reprendre l’exploitation de Poullaouen en 1906, mais en vain. Les mines du Poher ferment alors en 1934. L’exploitation de la mine de plomb-argentifère de Pont-Péan n’avait repris vraiment qu’en 1844. A la fin du siècle, elle était la première de France dans son secteur fournissant les 4/5e de la production nationale. Des problèmes financiers, et surtout la forte inondation des galeries de 1904 provoquent sa fermeture mettant au chômage un millier d’ouvriers.
A cette fermeture répond l’ouverture de la mine de wolfram (minerai de tungstène) et de la cassitérite (étain) de Montbelleux-Luitré (35), près de Fougères. L’exploitation connait des hauts et des bas. En 1918 étaient extraites 41 tonnes de minerai brut par jour. Occupée par les Allemands, en 1944, la mine est sabotée. L’exploitation reprendra et cela jusqu’en 1983. Non loin de là, les mines de Brais-Vieux-Vy-sur-Couesnon, elles aussi mines de plomb argentifère, ouvertes en 1879, prennent de l’ampleur au début du XXe siècle : 350 employés et 12 000 tonnes de minerai extraits par an. En 1952, elles sont fermées à cause de difficultés financières. Plus au Sud, des centaines d’ouvriers à partir de 1912 travaillent dans les mines de fer de Segré et d’Oudon. Après la guerre, bien trop éloignées des centres de consommation, elles périclitent pour finir par fermer leurs portes en 1978. Dans l’entre-deux-guerres une autre mine, toujours de plomb argentifère, connait un vif succès : celle de Trémuson. En 1930, on y comptabilise 800 ouvriers qui viennent aussi de Pologne, de Bulgarie, d’Espagne. Pour les loger, des centaines de pavillons sont construits à Saint-Brieuc (commune des Mines). L’année suivante la mine est fermée. Elle n’a pas pu faire face à la concurrence des mines espagnoles.
Un potentiel important
Après la Seconde guerre mondiale et l’électrification, on recherche de l’uranium. Et on en trouve dans la région de Pontivy. Les avancées techniques relancent des mines comme à Saint-Renan. Dans les années 60, on découvre de l’andalousite. Mais on exploite que très peu ; la France préférant acheter et exploiter ailleurs. Des découvertes fortuites et surtout des nouvelles méthodes (imagerie spatiale) ont enrichi la Bretagne de gîtes de titane, de zircon, de Terres rares, et même d’or (déjà exploité à Elliant, près de Quimper, et à Plougasnou). Récemment une compagnie minière d’origine australienne a obtenu des permis de recherche à Loc-Envel (22, tungstène), Silfiac (56, Zinc), Beaulieu (44, étain) et Dompierre du Chemin (35, l’étain et tungstène).