Et si Nantes était bretonne ? La question est volontairement provocatrice. Pour l'historien Philippe Tourault , « Nantes bretonne est une réalité historique. Elle l'a été pendant pratiquement toute la période 851-1941, année où Pétain a placé la Loire Inférieure dans la Région Pays de la Loire. » C'était en 19... 41. Hier. La question maintenant est de savoir si l'on prend en compte plus de 10 siècles d'histoire ou juste les 65 dernières années ?
« Et si Nantes était bretonne ? », s'étonne Paul Loret, le président de Bretagne Réunie. « Si la Loire-Atlantique réintégrait officiellement sa région, on réparerait une erreur historique. » Jean Raynaudon, président de l'Association culturelle bretonne dit ne pas se poser la question. « Nous demandons simplement que la structure administrative soit conforme aux réalités historiques, culturelles et économiques. » Une évidence aussi pour Jean-Louis Jossic quand il s'exprime comme « citoyen breton et chanteur de Tri Yann. Mais la question plus pertinente serait : les Nantais sont-ils Bretons ? » Hubert de Boisredon, Pdg de la société Armor a sa conviction : « Les Nantais, même ceux qui ne veulent pas se reconnaître Bretons, le sont au fond d'eux-mêmes. Moi, je me sens breton. »
Mais redonnons la parole au citoyen Jossic. « Morvan Lebesque disait : “On ne naît pas Breton on le devient.” Nous, Tri Yann, avons un titre où nous disons : “À cette heure, des enfants naissent en Bretagne. À chacun, l'âge venu, la découverte ou l'ignorance.” Le militantisme doit exposer la Bretagne aux yeux et au cœur des Nantais pour les conduire à l'envie de se revendiquer breton. Il faut réclamer cette Bretagne humaine et du cœur et nous, militants, devons convaincre. L'essentiel ne se résume pas en une révision de la limite des frontières : il faut aller plus loin. Bien sûr, je ne perds pas de vue qu'administrativement, aujourd'hui nous ne sommes pas dans la même région. » Jean-Louis Jossic est aussi l'adjoint à la Culture du député maire de Nantes Jean-Marc Ayrault, que l'on sait hostile à la réunification. « Je soutiens à fond la volonté de la municipalité de Jean-Marc Ayrault, à laquelle j'appartiens, d'intensifier les relations entre Nantes et Rennes. C'est une préoccupation politique. Nous travaillons ensemble sur l'opéra, sur une exposition d'artistes nantais à Rennes et rennais à Nantes. D'autres coopérations existent entre le département de Loire-Atlantique et la Région Bretagne. C'est une façon de préparer les choses. Mais dites-moi qui, aujourd'hui, fait le forcing pour organiser un référendum sur la réunification ? » Et le citoyen reprend le dessus. « Je suis né dans un quartier, celui de Sainte-Anne, qui constituait une vraie communauté humaine. Mais j'appartiens aussi à une ville, Nantes, et à une Région, la Bretagne. Toutes ces identités s'ajoutent. »
Marie-Hélène Jouzeau, à la tête de la direction Patrimoine et Archéologie, travaille sur l'identité de la ville. Ou plutôt les identités « parce qu'à Nantes, elles sont fortes et multiples. La ville ne se saisit pas en une photo générale, elle est en petites touches, donc complexe. Une mosaïque de confluences, industrielle, portuaire, maritime, de la Loire, bretonne. Cette dernière composante est primordiale parce qu'il s'agit d'une dimension historique. C'est une ville bretonne de la Loire. »
Philippe Thourault va plus loin : « Que l'on mette Nantes en Bretagne ou en Pays de la Loire, il faut aujourd'hui se placer dans un cadre européen et mondial car pour peser, cinq départements ne suffiront pas. Je prône une ouverture, des échanges économiques et culturels entre la Bretagne et le grand ouest afin de constituer un ensemble interrégional. Une région ne doit pas être repliée sur elle-même mais ouverte et dynamique. Une Bretagne autonome intégrée dans un plus grand ensemble m'irait bien. » Pour Jean Raynaudon, « nous avons trop souffert d'une volonté d'ouverture en oubliant nos racines. Au château des Ducs de Bretagne, on a généralisé des animations tournées vers les cultures du monde, laissant de côté la culture bretonne. Elle y retrouve une place, grâce à Jean-Louis Jossic. Manifestons notre culture et nous serons mieux armés pour nous ouvrir aux autres. Les panneaux bilingues Nantes/Naoned à l'entrée de la ville dépassent le simple symbole. » Dans le même ordre d'idée, Paul Loret rappelle que « les armoiries de Nantes ont toujours eu des hermines : celles-ci ont disparu lorsque les logos sont apparus. Pour certains, c'est du détail : mais très significatif, car lorsque l'on veut conserver une identité, on commence par en garder les identifiants. »
Certains affichent clairement leur position. À la Cigale, célèbre brasserie nantaise, par exemple, la présentation du kouign amann donnée sur sa carte est explicite : « Véritable plaisir préparé dans la plus pure tradition bretonne. Il est servi avec une délicieuse crème de caramel maison au sel de Guérande. Qui osera dire maintenant que Nantes n'est pas en Bretagne ! »
article publié dans armor magazine