Groix. Jo prévoit de profiter d’une joyeuse retraite sur l’île. Mais la deuxième vie qu’il imaginait aux côtés de sa bien-aimée, il devra l’inventer seul. Son épouse est partie avant lui, en lui lançant un ultime défi : celui d’insuffler le bonheur dans le cœur de leurs enfants. Il n’a d’autre choix que d’honorer Lou, sa mémoire et ses vœux. Entre un fils sur la défensive et une fille cabossée par l’amour, la mission s’avère difficile mais réserve son lot d’heureuses surprises – car il n’est jamais trop tard pour renouer. En famille, on rit, on pleure, on s’engueule et, surtout, on s’aime !
Lorraine Fouchet (voir le site) est fille du gaulliste Christian Fouchet, ministre de l'Intérieur sous Pompidou d'avril 1967 au 31 mai 1968 (durant donc les événements de mai 1968). Elle est ancienne médecin urgentiste au SAMU et à SOS médecins.
Elle est également arrière-arrière petite-fille de Eugène Mercier, fondateur de la maison de champagne éponyme. Elle fait d'ailleurs référence d'une façon très prononcée au champagne de son trisaieul.
Dans sa biographie, on trouve entre autres " J'ai rendez-vous avec toi (mon père de l'intérieur) ", " Couleur Champagne ", " De toute urgence ".
Elle vit entre les Yvelines et l-Île de Groix
D'entrée, nous sommes surpris du style, où l'auteur entre tour à tour dans tous ses personnages. Aussi le " Je " est le mot le plus rencontré. Cette méthode, séduisante au début tendrait à agacer ensuite. En effet, les personnages se livrent tous, et nous regrettâmes au début de ne pouvoir imaginer un côté caché derrière chacun. Quels pourraient être leurs ressentis tus ? Peut-on leur prêter des doutes, des sentiments cachés ? Non, on les comprend tous. Du moins, nous croyons. Et la force du roman est là. En effet, une fois l'habitude prise, on accepte le jeu proposé par l'auteure. Et là commence l'envoûtement.
Nous ne lisons plus ce roman, nous lisons une dizaine de journaux intimes rédigés au présent. Puis nous ne les lisons plus, nous les vivons.
Entre petits traits d'humour, de valeur parfois inégale, mais toujours tendres, perce la poésie. Quels jolis moments avec nous quand apparaît pour la première fois le saxo. Combien de moments de pur bonheur vivons-nous, non seulement quand nous sommes Pomme et Charlotte, les deux pré-ado si fraiches, mais aussi quand nous sommes d'autres personnages. Amateurs de saxo, fans de Fellini, vous vous régalerez. La plume de Lorraine Fouchet est fine, mais sait nous entraîner dans cette spirale envoutante. Tout en arrivant à imaginer la suite à venir au fil des pages qui défilent trop vite, on se demande comment on a pu se laisser pénétrer si facilement par l'envoûtement.
Une bouteille de champagne Mercier, aux deux dernières lettres grattées, voila ce que Lou a confié au notaire. Dedans, un message. Que Jo lira si... Il lira ce dernier message si il arrive à insuffler le bonheur dans le coeur de ses enfants et petits-enfants. Si il arrive à reconstruire une famille unie.
Il l'aimait, Jo, sa Lou. Tout le monde aussi. Alors pourquoi est-ce si dur de resserrer une famille ? Comment chacun a-t-il pu, au gré d'égoïsmes et de petits secrets - qui ne nos sont pas tus, rappelons-nous – s''écarter des autres ? La moralité est toute simple, ne nous laissons pas séduire par des chimères, ne nous enfermons pas dans notre passé, nos craintes, nos certitudes ou nos tabous. Pour eux, ne détruisons pas notre famille. Ne détruisons ni ne rejetons l'amour. Le bonheur viendra. Le bonheur est beau.
Néanmoins, le livre n'est pas un recueil de bons sentiments. Surtout pas. Le livre est une sorte de course poursuite. Jo a deux mois. Jo a deux mois pour comprendre, et pour recoller. Le bonheur est beau quand il est ainsi (re-)construit.
Entre ciel et Lou ne serait pas un si beau roman, si l'histoire ne se passait pas à Groix. Groix est récurrente dans les romans de Lorraine Fouchet. Elle y vit une bonne partie de l'année, et on l'imagine bien discuter avec les commerçants. Beaucoup sont cités d'ailleurs rapidement dans le livre. Ils seront heureux de s'y reconnaître, et on devine que eux aussi, ils aiment Lorraine Fouchet en retour. En revanche, le comportement parisien, ça non, ils ne l'aiment pas. L'anecdote du poissonnier le montre bien. La démonstration est simple et efficace.
L'Île est présente au quotidien, ses vents, ses vagues, sont Toul an Ifern, le " courrier ". Et nous nous sentons bien à lire le roman. On pourrait reprocher à l'auteure d'avoir voulu à deux reprises trop en dire, d'être trop wikipédienne. En fait, c'est quand elle n'en parle pas directement qu'on sent le mieux sa présence. Et qu'on l'aime.
Lors de ce voyage en Île de Groix proposé par Lorraine Fouchet, vous apprendrez à connaître l'incontournable tchumpôt, écrit ici comme l'auteure, mais vous aurez reconnu le kouign pod, avec cet accent groisillon très vannetais. Bien entendu, elle vous emmenera aussi à la fête de la soupe, où vous vous abandonnerz aux délices d'une soupe pour le moins surprenante en Bretagne : " la soupe de Mirella ", préparée " Al Cantuccio ". L'auteure a eu la délicatesse de vous en rappeler les recettes en fin d'ouvrage.
Nous recommandons très fortement la lecture de ce roman. Et nous disons à Lorraine Fouchet les cinq premières lettres du champagne créé par son trisaïeul.
- Lorraine FOUCHET, Entre ciel et Lou. Paris,éd.Héloise d'Ormesson, 2016, 426 p. ISBN 978-2-35087-348-O
- Entre ciel et Lou a obtenu le Prix OUEST 2016 du Printemps du Livre de Montaigu