À quatre jours d'intervalle, les 20 et 24 avril 1808, sont nés en Bretagne, l'un à Saint-Servan, l'autre à Brest, deux hommes qui allaient être les fondateurs de villes qui sont aujourd'hui deux capitales africaines : Libreville (600 000 habitants), capitale du Gabon, et Dakar (1 000 000 habitants, 2 500 000 habitants pour l'agglomération), capitale du Sénégal.
Le fondateur de Libreville
Louis Édouard Bouët naquit à Brest le 24 avril 1808 et il entra au collège de marine d'Angoulême, dont il sortit en 1824 à l'âge de 16 ans, au moment où y entrait un autre jeune Breton de son âge, Auguste-Léopold Protet. Bouët fit une brillante carrière dans la marine, parvenant en 1865 au rang d'amiral. En 1844, alors qu'il avait déjà 36 ans, le vieil amiral Jean-Baptiste Willaumez (1761-1845) qui n'avait pas eu d'enfants, l'adopta et lui légua son titre héréditaire de comte, si bien qu'il prit dès lors le nom de Bouët-Willaumez.
Chargé en 1845 de réprimer la traite négrière qui continuait de sévir sur les côtes occidentales de l'Afrique, Bouët-Willaumez s'empara un jour de 1849 d'un navire chargé de malheureux Africains réduits en esclavage et destinés à être revendus au Brésil. Ne pouvant pas les débarquer n'importe où sur la côte où ils auraient infailliblement étaient capturés par d'autres marchands et revendus à d'autres capitaines négriers, il décida de fonder un village dans l'estuaire du Gabon sous la protection de la France sur un morceau de territoire concédé par un roitelet local, Denis Rapontchombo, et ce village fut dénommé Libreville. Il allait devenir plus tard la capitale d'une des colonies constituant l'Afrique Équatoriale Française (AEF). Devenue république autonome en 1958, le Gabon a accédé à l'indépendance en 1960.
L'avenue Bouët est une des grandes artères de la capitale gabonaise où un quartier populaire porte aussi le nom de Mont-Bouët, en hommage au fondateur de la ville.
Le fondateur de Dakar
Léopold Protet naquit à Saint-Servan le 20 avril 1808. D'abord formé au collège d'hydrographie de Saint-Malo, il entra au collège de marine d'Angoulême en 1824, puis commença à naviguer en 1827 et fit lui aussi une brillante carrière, se trouvant promu en 1860 au grade de contre-amiral. Le 13 octobre 1860, sous les ordres d'un autre Breton, le vice-amiral Charner (de Saint-Brieuc), il participa à la prise de Pékin, puis il reçut le commandement de la division navale des mers de Chine et il entreprit une campagne pour dégager Shanghaï, assiégée par les Taï-Ping. Le 17 mai 1862, il fut blessé à mort en menant l'assaut contre la ville fortifiée de Né-Kiaio.
Après avoir navigué sur les côtes d'Afrique, été gouverneur de la colonie du Sénégal et être revenu en France durant quelques années, Léopold Protet avait à nouveau été nommé dans la région en mars 1856 comme commandant de la division navale des côtes occidentales d'Afrique et commandant supérieure de l'île de Gorée. Cette petite île surpeuplée était démunie de ressources en eau et, avec l'accord du ministre de la Marine et des Colonies, l'amiral Hamelin, Protet prit possession de la péninsule du Cap Vert en créant le 25 mai 1857, près du modeste village de pêcheurs de Dakar, un établissement français à partir duquel allait rapidement se développer une vraie ville, devenue à l'indépendance en 1960 la capitale de la République du Sénégal. En 1863, le nom de Protet avait été donné à la principale place de Dakar, qui a été rebaptisée depuis Place de l'Indépendance.
L'année dernière, la France et le Sénégal ont célébré (plutôt discrètement) le 150e anniversaire de la fondation de Dakar et, à cette occasion, le Rennais Jacques Charpy, qui fut le dernier directeur des archives de l'Afrique Occidentale Française, a fait paraître un livre illustré de 128 pages intitulé "Dakar. Naissance d'une métropole".