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Écotaxe : la grande entourloupe. Mise au point
L’art de l’imposition consiste à plumer l’oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris (Colbert).
Par Jakez Bernard pour Produit en Bretagne le 23/10/13 16:11

L'art de l'imposition consiste à plumer l'oie pour obtenir le plus possible de plumes avec le moins possible de cris. (Colbert)

Un flot d'informations réductrices et fallacieuses inonde l'espace public depuis quelques jours, s'agissant de l'écotaxe en Bretagne. Cette vague de désinformation se propage sur trois lignes de front :

1) L'écotaxe ne serait qu'un épiphénomène qui masque les vrais problèmes de fond de l'agro-alimentaire breton

2) L'écotaxe serait quantité négligeable pour le consommateur, c'est à peine s'il s'en rendra compte : un centime sur un camembert !

3) Les Bretons bénéficieraient d'un traitement de faveur vis-à-vis des autres régions et devraient donc au moins se taire, s'ils ne savent pas dire merci !

Cette déferlante appelle une mise au point :

1-L'écotaxe n'est pas un épiphénomène

1-a) L'écotaxe n'est certes pas le seul problème auquel les Bretons doivent faire face. Le carcan administratif en est un autre.

Le blocage administratif des projets d'investissement dans l'élevage porcin, par exemple, explique que très peu de projets de méthanisation aient vu le jour en Bretagne alors qu'ils apportent une réponse environnementale satisfaisante en même temps qu'un revenu complémentaire à l'éleveur. L'Allemagne le démontre chaque jour : 6.000 ateliers de méthanisation sont en place dans leur filière porcine pour moins de 50 en Bretagne, et des centaines de permis sont bloqués à Saint-Brieuc ! Si les abattoirs se vident il faut savoir pourquoi. La concurrence sauvage et inacceptable sur les coûts salariaux explique en partie la non compétitivité bretonne, mais l'administration française double la mise.

1-b) A force de crier haut et fort que la filière agroalimentaire bretonne n'a pas su créer de valeur ajoutée, on finirait par croire que nos productions sont de médiocre qualité.

C'est une vision erronée : notre savoir-faire agroalimentaire est connu et reconnu dans le monde entier : la Chine, le Vietnam, la Malaisie, le Maghreb, reconnaissent notre qualité et nous demandent de les aider chez eux. La demande européenne et mondiale pour des produits de première nécessité, simples, sains, et accessibles à toutes les bourses est considérable. Le marché « premium » existe aussi, et notamment en Bretagne. Mais il n'est pas pourtant épargné par les difficultés. Les démarches exemplaires de sociétés comme Hénaff ou Guyader, qui ont fait de la qualité et de l'innovation leur credo, sont là pour en attester.

1-c) Il est abusif de parler « du modèle breton ». Il y a longtemps que la diversité des approches, tant dans l'agriculture que dans l'industrie a fait émerger une économie que l'on ne peut résumer aux crises de la volaille, du porc ou du lait.

Même dans ces trois filières, une grande variété de marchés est travaillée. Depuis les circuits courts d'hyper-proximité jusqu'au grand export. Certaines démarches industrielles, comme la nouvelle usine de mozzarella d'HCI à Herbignac (240 emplois), se placent résolument et avec succès sur le marché mondial. Ce qui démontre qu'il est possible d'être compétitif en Bretagne sur des produits simples et sains. Dans un tout autre registre, l'entreprise Triballat à Noyal-sur-Vilaine (35), est leader des produits laitiers bio en France avec sa marque Vrai.

2-L'écotaxe n'est pas quantité négligeable

2-a) Pour des entreprises dont les comptes sont serrés, c'est assez pour basculer dans le rouge.

Et c'est potentiellement le cas de nombreuses PME, puisque leurs marges brutes se sont réduites de 25 points depuis les années 90 et sont en chute libre depuis 2009 (source Insee, calcul Ania). L'addition sera salée : 400.000 euros pour une entreprise comme Altho (200 salariés à Saint-Gérand), 1.000.000 euros pour une coopérative comme Savéol (310 salariés à Plougastel-Daoulas). Ces sommes ne viennent pas en déduction du chiffre d'affaires, mais bien du résultat des entreprises. C'est autrement grave !

2-b) Ces sommes seront-elles répercutées aux consommateurs ? Rien n'est moins sûr. Car il faut aussi passer les hausses de coût matières et toutes les autres hausses… Or « le prix compétitif », quoi qu'on en dise, est le critère de choix numéro un du consommateur, dans la vraie vie, devant le made in France. (Source Crédoc-Enquêtes de consommations).

2-c) Quant aux transporteurs, le système de surfacturation forfaitaire dont ils bénéficient ne les dédouane pas d'une rude négociation avec les chargeurs. Beaucoup n'en sortiront pas vivants.

Face à une hausse de 5 % du budget transport des donneurs d'ordre du fait de l'écotaxe, ceux-ci ont tous lancé des appels d'offre. Personne ne veut de cette taxe, personne ne peut économiquement la supporter. Elle va augmenter encore les tensions entre transporteurs et chargeurs et entre distributeurs et fabricants, dans une période ou le dialogue et les relations collaboratives doivent progresser.

Un important grossiste rennais s'en alarmait récemment : « j'ai détruit en un mois la relation que j'avais mis six ans à construire avec mon transporteur ».

3-les Bretons ne sont en rien privilégiés !

Les Bretons ne bénéficient d'aucun régime de faveur. Portons à leur crédit qu'ils ont su conserver une saine capacité d'indignation. Puisse leur combat servir le bien commun de toutes les régions.

Trois chiffres ont circulé récemment. Ils sont exacts et d'autant plus trompeurs ! Seul 1,2 % du réseau breton est taxé, les Bretons bénéficient d'un abattement de 50 % du taux forfaitaire initialement prévu, au lieu de 110 millions, ils ne paieront donc « que » 40 millions.

Le taux de majoration forfaitaire du transport sera de 3,7 %, au lieu de 5,2 % pour le national (et non 4,8 % comme on lit parfois, car au premier janvier, c'est-à-dire le jour de son entrée en vigueur, la taxe augmente de 10 %, sic !)

Pourquoi ces chiffres sont-ils trompeurs ? Parce que ce qui importe ce n'est pas le taux de remise, mais ce qu'il faut réellement payer au bout du compte ! Or 3,7 % de surfacturation en Bretagne, (il avait d'abord été question de 2,9 %) c'est plus que le taux de la région Rhône-Alpes (3,4 %), de la Franche Comté (3,3 %), du Midi-Pyrénées (2,8 %), de la Provence Alpes Côte d'Azur (2,7 %), de l'Aquitaine (2,3 %), du Languedoc Roussillon (2,1 %), ou encore de la Corse (0 %), sachant que les six premières régions citées bénéficient d'un réseau autoroutier, non soumis à écotaxe. (Pourquoi, du reste ? On ne pollue pas quand on prend l'autoroute ?)

Mais aussi parce que l'abattement ne vaut qu'à l'intérieur des limites administratives de la Bretagne. Dès que l'on sort de ces limites, on paye le taux fort (5,2 %). Or la Bretagne est le premier garde-manger de la France : plus de 20 % de l'agro-alimentaire. Elle est structurellement exportatrice hors de ses frontières régionales.

Au passage, le fait que la Loire-Atlantique ne soit pas considérée bretonne par l'administration nous vaut le taux fort dans nos relations commerciales avec la Loire-Atlantique, pourtant une destination naturelle importante pour nombre de nos entreprises. Une marchandise transportée de Brest à Nantes paiera 5,2 %. Même punition pour les Nantais. Les marchandises qu'ils expédieront en Bretagne administrative paieront le prix fort : 5,2 %.

Qu'en est-il de la vocation de l'écotaxe ?

L'écotaxe a-t-elle une chance d'atteindre son but, c'est-à-dire le report de la route vers le rail ou vers d'autres modes de transports moins polluants ? Il est permis d'en douter quand Jean-Marc Ayrault promet d'engager 100 millions « dans l'avenir » (on appréciera la précision) pour achever la quatre voies N164, au motif qu'elle est gratuite… Étrange façon d'encourager les alternatives à la route, on en conviendra. Se souvient-on seulement, dans ce concert de reniements, de l'objectif de réduction de 20 % des émissions de CO2 d'ici à 2020 ?

L'économiste Christian Saint-Étienne ne cache pas son scepticisme, quand il explique dans les colonnes d'Ouest France (20 octobre) que l'Ouest restera très dépendant du camion : « Je ne pense pas que ce soit une politique anti-camion ou anti-voiture qu'il faille mettre en oeuvre, puisque 80 % des déplacements des personnes et des marchandises en Europe sont effectués par ces moyens de transports. Il ne sera jamais économique de traiter de petites quantités de marchandises par des trains ! Ce qu'il faut favoriser, ce sont les moteurs non polluants, électriques et hybrides. Et des innovations pour les camions afin de baisser massivement leur consommation de gazole. L'intérêt de l'écotaxe, c'est qu'elle obligera entreprises et distributeurs à optimiser les transports, ce qui contribuera à réduire la pollution ».

Sur ce dernier point, notre économiste est mal informé. Les distributeurs, les entreprises et les transporteurs n'ont pas attendu l'écotaxe pour optimiser leurs chargements aller et retour. C'est faire injure aux transporteurs que les soupçonner d'ignorer ce qui fait le coeur de leur métier ! Des initiatives remarquables comme le GIE des Chargeurs de la Pointe de Bretagne ou Combiwest en apportent une preuve vivante.

Proposons en lieu et place de l'écotaxe un stage en entreprise à tous ceux qui doutent encore…

Mais Christian Saint-Étienne a probablement raison sur le fond : les camions resteront longtemps. Toutefois, sait-on les extraordinaires progrès accomplis par les véhicules de plus de 3,5 tonnes depuis 10 ans en matière d'environnement ? Sait-on par exemple que sur cette période, ces poids lourds ont réduit de 85 % leurs émissions de particules ? Sait-on que nombre d'entre eux ont signé avec l'ADEME une charte de réduction des émissions de CO2 ? Les camions de plus de 3,5 tonnes, visés aujourd'hui par l'écotaxe ne sont pas aujourd'hui les plus polluants, loin s'en faut !

Écotaxe ou Taxe&Co ?

Aller vers une économie durable et respectueuse des Hommes et de leur environnement est un formidable défi auquel nous souscrivons sans réserve.

Commençons par éviter le gaspillage, et plus encore en période de vaches maigres. Éviter le gaspillage est une saine préoccupation. Que n'est-elle mieux partagée par ceux qui nous gouvernent depuis 30 ans. Vous l'avez bien noté : 300 millions sur les 1,2 milliard prélevés par l'écotaxe seront consommés par son système de recouvrement. Le mode de surfacturation forfaitaire aux donneurs d'ordre, qui a finalement été adopté, permettait pourtant, sans boîtiers ni portiques, de prélever l'écotaxe en pied de facture tout simplement.

300 millions d'économie et un sac de noeuds en moins, vous imaginez, chaque année 20 fois les 15 millions « offerts » par le gouvernement aux Bretons. Qui dit mieux ?

Pourquoi avoir choisi un système aussi dispendieux ? Peut-être pour préparer la suite… Les portiques sont très efficaces, dit-on. Camions légers et automobilistes, prenez date !

Au fait, vous a-t-on dit qu'en vendant les autoroutes, la France a perdu une rente annuelle de 1,2 milliard par an. 1,2 milliard, quelle coïncidence…

Non à la grande entourloupe. Non à l'écotaxe

La Bretagne veut être déclarée zone franche.

L'écotaxe est injuste : plus on est loin plus c'est cher. Est-on d'autant plus coupable que l'on est éloigné de la capitale ? « L'écotaxe est un impôt sur le handicap » écrit René Perez dans Le Télégramme.

L'écotaxe décourage le made in France, car les produits importés payent une fois la taxe alors que les produits qui respectent le made in France du début à la fin peuvent cumuler jusqu'à 6 fois la pénalité.

L'écotaxe renie son objectif : elle aide à financer des routes en Bretagne !

L'écotaxe est un gaspillage qui coûte 300 millions en frais de gestion par an alors que des solutions simples et très peu coûteuses existaient.

L'écotaxe est délétère, car les petits transporteurs et les entreprises les plus éloignées et les plus fragilisées par la crise ne pourront pas s'en remettre.

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Produit en Bretagne est née d’une volonté partagée de quelques décideurs bretons d’agir en faveur de leur environnement économique, culturel, naturel…
C’est aujourd’hui une signature de décideurs engagés dans leur territoire. Cet engagement se traduit par un effet réseau, un progrès continu des entreprises et de l’association.
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Vos 4 commentaires
Yvon Bordiec Le Mercredi 23 octobre 2013 19:32
Bravo pour ces précisions car depuis quelques jours, on nous matraque en effet dans les media nationaux de "il faut pas exagérer; il faut relativiser l'impact de l'écotaxe; les bretons sont déjà favorisés avec leurs 50% d'abattements". José Bové de rajouter "l'écotaxe est une bonne taxe!!!"
Finalement cette taxe n'apportera aucun transports alterenatif en Bretagne; elle est donc inutile et dangereuse pour l'économie bretonne.
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Loïc Le Sellin Le Jeudi 24 octobre 2013 02:36
Le problème c'est la roue, pas la route ! Depuis qu'on l'a inventée il y a eu pas mal de changements. Mais bon, foin de balivernes et faisons un peu de réflexions de comptoir.
La Bretagne est victime de choix passés et présents. Pour vendre sa surproduction, elle doit exporter, et donc passer par le futur système de taxation. Paris ne s'y est pas trompé.
Pour importer ses biens de consommation courante, hors production locale, elle repassera par les portiques. Paris est rusé.
Mais le plus ennuyeux est de considérer qu'à part ne plus faire de commerce avec des compagnies hors Bretagne, le mouvement ne s'arrêtera pas.
Car le principe du fonctionnement d'une économie capitaliste est de faire du bénéfice. Rien de nouveau sous la lune en somme.
Reste que pour gagner des parts de marché, augmenter les profits, toutes les possibilités légales et autres sont utilisées.
Donc on se retrouve avec plein de produits pas chers venant compétionner notre production (qui, elle-même s'emploie à réussir les mêmes objectifs ailleurs, en passant).
De l'ail chinois, du porc allemand, du vin australien... alouette !
Pendant ce temps-là on voit plus de chômage, plus de mobilité des ouvriers, des cerveaux qui s'expatrient pour de meilleurs salaires et des énarques qui naviguent au meilleur de leurs intétêts. Aprés tout, ils seraient bien fous de s'en priver, n'est-ce pas !?
Le Parisien est-il si fourbe alors ?
Pas plus que Jules César en son temps. Et à moins de produire nous-mêmes nos "Game Boy", je vois mal nos chérubins s'en priver maintenant.
Alors à moins d'un miracle, de moins en moins d'investisseurs se décideront à implanter des compagnies dont le premier travail sera de lutter pour absorber le surcoût des transports. Regardez ce qui se passe avec GAD.
En Bretagne la mondialisation remonte au mégalithique. Nous échangions des haches de pierre avec l'Espagne. Bien avant ses articles pas chers, la Chine nous livrait ses porcelaines.
Il est illusoire de penser que nous pourrons rester dans la compétition, y compris avec de trés généreuses aides gouvernementales.
Il faut nous retrousser les neuronnes pour trouver des moyens de sauver notre tissus économique et social, car la misère tant décrite par les nantis des siècles passés est à veille de revenir.
Le nier ne ferait que plonger plus avant la tête dans le sable de nos plages si belles.
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Breizh Erminig Le Vendredi 25 octobre 2013 09:38
Qui exploitera les données ? Quelles garanties a t-on qu'elles ne seront pas revendues à la concurrence ? Quelles garanties que nous ne serons pas encore plus surveillés par tout le monde ? Quand les mettra t-on en radar de tronçon ?
Nous sommes dans une société de surveillance, notre liberté de mouvements est derrière nous.
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Dombzh Le Samedi 26 octobre 2013 23:58
Argumentaire très détaillé à lire et à faire passer.
Il est évident que si ils réussissent à faire payer les transporteurs,les particuliers ainsi que tous les utilisateurs de NOS voies express se verront taxer eux aussi dans très peu de temps.
Péages déguisés !
Rendez-vous aux prochaines manifestations
(0) 
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