Dans un bref essai politique, la conseillère régionale Union démocratique bretonne, Naig Le Gars, fait à la fois le constat de la décadence de la politique en France et esquisse un bilan de 11 années de mandat régional.
Imaginant Marine Le Pen élue présidente de la République, elle en voit la cause dans une politique hystérisée, réduite aux "écuries présidentielles" et qui est tentée par "l'approche sécuritaire des problèmes sociaux" (enième loi anti-terroriste de septembre 2014 et le texte a été écrit avant les graves inquiétudes générées par la loi sur le renseignement).
Globalement, Naig Le Gars est déçue par l'esprit de renoncement qu'elle perçoit dans la pratique du pouvoir par le PS, de plus en plus géré par des politiciens professionnels n'ayant jamais travaillé dans la vraie vie et elle cite un blogueur de Médiapart qui fustige "des "parasites sociaux (comme Cambadélis ou Valls)", jugés racistes et méprisants pour les petites gens.
La France est déséquilibrée par les privilèges accordés à la région parisienne, mais l'exécutif présidentiel tourne à vide, non par manque de pouvoirs, mais, justement, parce que remonter toutes les décisions vers lui le condamne à l'inefficacité.
La destruction de l'élan décentralisateur, entreprise par Jospin et Sarkozy, est finalisée par l'absurde fusion des régions, qui n'ont plus qu'une faible autonomie fiscale, tandis que l'État cuisine seul des schémas régionaux dans lesquels les élus sont réduits au rôle de tiroir-caisse. La métropolisation, nouvelle tarte à la crème, détruit le pouvoir régional, organise la ségrégation spatiale et vise donc à débarasser les grandes villes du poids des pauvres, incapables de se loger près des lieux de travail.
La participation au pouvoir régional est ainsi résumée : "Malgré ce sentiment du devoir accompli, et d'avoir fait valoir nos idées, pourquoi cette impression de relatif découragement et d'inachevé, au terme de plus dix de mandat ? ". Elle note l'absence d'avancée sur les langues régionales et le vide clinquant du "pacte d'avenir pour la Bretagne".
L'émancipation de la Bretagne, serait "une autonomie dans un cadre fédéral", mais, pour Naig Le Gars, un cadre politique forcément de gauche (ou progressiste) doit être proposé, car, c'est "non-inscription" dans le social qui expliquerait que les nationalistes bretons d'avant-guerre ont échoué à obtenir l'attention du peuple breton. Elle fustige le "ni rouge, ni banc" (na ru, na gwenn) ou "le dépassement de la notion droite-gauche" que le mouvement breton met souvent en avant.
Elle ne croit pas en la pérennisation du "mouvement des Bonnets rouges" qu'elle évite de nommer ainsi, préférant l'expression "manifestations populaires de l'automne 2013". Elle y voit des appels trompeurs pour un "regroupement des forces productives".
Elle ne croit pas, non plus, que le manque d'impact du mouvement breton soit du à l'absence d'un leader, fût-il charismatique (on devine que Christian Troadec est visé).
Il faut lire attentivement le dernier chapitre, Une seule solution : l'émancipation pour saisir où l'auteur place ses espoirs. Anecdotiquement, elle mentionne que l'arrivée au pouvoir de "la peste brune" pourrait créer un choc salutaire, mais elle voit de nouvelles manières de lutter pour l'émancipation créées par "des jeunes nés avec la crise", les mobilisations contre Notre-Dame-des-Landeset les grands projets déclarés inutiles, bref, ce qui fait qu'« un territoire intensément habité finit par devenir en lui-même, une affirmation, une explicitation de ce qui s'y vit ».
On voudrait comprendre comment des luttes parcellaires menées par des gens non-inscrits dans le système politique (beaucoup ne votent pas et ne voient pas pourquoi le faire) arriveraient à mobiliser les gens sur des thématiques quotidiennes. Ce sera, peut-être, pour un prochain essai.
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Christian Rogel
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