On a appris ce matin la disparition du professeur Michel Denis, à Rennes, à l'âge de 76 ans, des suites de ce qu'il est convenu d'appeler une longue maladie. Selon sa volonté, ses obsèques ont été célébrées dans la plus stricte intimité. Cette triste nouvelle n'a pas surpris ses nombreux amis qui savaient avec quel courage il se battait depuis de nombreux mois contre la maladie, mais cette mort laisse un grand vide à Rennes et en Bretagne car le professeur Michel Denis aura été une des plus grandes figures intellectuelles de la Bretagne durant la deuxième moitié du XXe siècle et au début de ce XXIe siècle, un grand universitaire, un historien remarquable et un homme rayonnant, engagé dans la cité et présent dans tous les grands débats de son temps.
Fils d'un ouvrier de la SNCF et d'une agent de service, Michel Denis était né à Rennes le 2 février 1931. Son enfance se passa à Saint-Brieuc, Rennes et Saint-Péran. Il fit de solides études au lycée de Rennes, puis à la faculté des Lettres. Agrégé d'histoire, il fut professeur aux lycées de Laval puis de Rennes, de 1955 à 1961, avant d'entrer à l'Université de Rennes comme professeur d'histoire contemporaine. Il devait en être le président de 1976 à 1980.
À partir de 1991, il fut aussi professeur à l'Institut d'études politiques de Rennes qui venait de se créer, jusqu'à son départ en retraite. Michel Denis fut membre du Conseil économique et social régional et président du Conseil culturel de Bretagne. Il fut aussi nommé président de l'éphémère Conseil national des langues et cultures régionales.
Lors de son séjour à Laval, il commença à préparer sa thèse de doctorat sur L'Église et la République en Mayenne de 1896 à 1906, période cruciale s'il en est une, et il se mit à dépouiller les riches archives d'origine préfectorale qui lui permirent de reconstituer avec précision les luttes politico-religieuses qui dominèrent cette époque pleine de haine. Il devint ainsi un grand spécialiste des luttes sociales et idéologiques dans l'ouest de la France aux XIXe et XXe siècles et un excellent connaisseur des milieux aristocratiques et cléricaux.
Sa thèse fut publiée en 1967 chez Klincksieck, mais dès 1964, il avait fait paraître avec l'historien Pierre Goubert 1789, les Français ont la parole, dans la collection Archives de Gallimard à propos des cahiers de doléances rédigés en vue des États Généraux de 1789. En 1970, il donna aux éditions Armand Colin un volume sur Le XVIIIe siècle, réalisé en collaboration avec son collègue Noël Blayau.
En 1977, il fit paraître, dans le prolongement de sa thèse, Les Royalistes de la Mayenne et le monde moderne (XIXe-XXe siècle). En 1989, il publia aux éditions Ouest-France Rennes, berceau de la liberté : Révolution et démocratie, une ville à l'avant-garde. En 1995, il fit paraître avec Michel Lagrée et Jean-Yves Veillard un volume sur L'Affaire Dreyfus et l'opinion publique en France et à l'étranger. En 2003, il donna aux éditions Ouest-France, en collaboration avec Claude Geslin, un volume de leur grande histoire de Bretagne sur La Bretagne des blancs et des bleus, 1815-1880. Michel Denis collabora à de nombreux autres livres, multiplia les conférences, les participations à de nombreux colloques et joua aussi un rôle très actif dans de nombreuses sociétés historiques. Il fut aussi jusqu'à l'année dernière le président de l'Association des écrivains de l'Ouest. Il fut un des auteurs, avec Gauthier Aubert, Alain Croix et Jean-Yves Veillard, de la belle Histoire de Rennes, parue l'an dernier chez Apogée et les Presses Universitaires de Rennes.
Tous ceux qui ont connu Michel Denis, en particulier ses innombrables anciens étudiants, se rappelleront longtemps cet homme généreux et courageux, à la voix chaude et puissante, aux convictions fortes, mais toujours attentif et ouvert, qui a tant apporté à Rennes et à la Bretagne depuis un demi-siècle.
BLN/ABP