Dans un article des Échos en date du 24 avril 2008 (voir le site) , le PDG de Cofiroute Pierre Coppey se déclare prêt à gérer pour le compte de l'État « le réseau autoroutier breton en échange d'un allongement de la durée de concession ou de l'introduction du péage sur ces liaisons actuellement gratuites pour l'usager ». À la question du journaliste soulignant que « les Bretons ont obtenu du général de Gaulle la gratuité du réseau au titre du désenclavement », le PDG donne la réponse suivante : « C'est vrai. Et déjà, Anne de Bretagne avait obtenu la suppression de l'octroi, mais elle est morte en 1514 et n'avait pas obtenu une concession perpétuelle ! Nous vivons dans une autre époque et au demeurant, une des principales conclusions du Grenelle de l'environnement est que pour être durable, la mobilité doit être payante… ».
Les Bretons n'accepteront jamais ce projet surréaliste qui s'attaque directement à leurs intérêts.
D'une part, « payante », la mobilité l'est déjà bel et bien avec le renchérissement énergétique et l'essor du prix à la pompe. Le coût des déplacements en Bretagne est supérieur pour les entreprises en raison d'un éloignement relatif à l'égard des marchés européens de consommation, une taxe autoroutière détruirait l'équilibre économique de nombreuses firmes et supprimerait un nombre considérable d'emplois (dans l'agroalimentaire notamment).
D'autre part, il faut rappeler que les Bretons ont largement contribué financièrement à la construction d'un réseau original de « voies express » opposé au réseau autoroutier et dès l'origine négocié comme tel. En effet, la particularité fondamentale de ce réseau est d'être perméable (1 échangeur tous les 7 kilomètres contre 1 échangeur tous les 23 kilomètres sur autoroutes) : il est ainsi particulièrement adapté à l'originalité du peuplement breton, avec des villes moyennes et petites. Il dessert une large part de la population, évite tout à la fois la concentration urbaine et l'établissement de rubans élitistes reliant les grandes villes et créant des « effets tunnels » dans les territoires intermédiaires (impossibilité d'accès, rallongement des parcours et surcoût pour rejoindre le tronçon).
Statistiquement, le réseau est nettement moins accidentogène en raison de vitesses moins rapides (études DDE 2007). Il limite encore les ralentissements, la saturation du trafic et les bouchons par la présence d'itinéraires alternatifs en cas de problème ou de blocage. Avec des vitesses limitées à 110 km/h et non à 130, il s'agit d'un réseau différent, moins fondé sur des logiques de vitesse que d'accès et qui permet précisément, par des conduites plus économes, de limiter la consommation, la pollution et les émanations de CO2.
Enfin et surtout, ce réseau est un acquis définitivement obtenu et — en opposition à une idée reçue — très largement payé par les Bretons. Contrairement à ce qu'évoque le PDG de Cofiroute, ce droit est moins lié à « Anne de Bretagne » et au traité d'union de la Bretagne à la France qu'au combat du CELIB menant à l'adoption du Plan Routier Breton le 9 octobre 1968. Ce réseau a été obtenu pour limiter les surcoûts issus d'un éloignement relatif aux centres de décision et surtout de consommation : il joue un rôle fondamental pour l'économie bretonne et permet aujourd'hui aux populations de limiter les surcoûts déjà hallucinants liés au prix de l'essence en France (63,6 % de taxe en 2007 sur le litre de SP95 au profit de l'État).
La France est un pays de taxe, de surcoût et les Bretons sont déjà suffisamment ponctionnés en France dès qu'ils se déplacent. Ils n'accepteront jamais qu'on détruise chez eux un réseau original de voies accessibles et gratuites qu'ils ont largement financé et pour lequel ils se sont battus.
Jean Ollivro
Président de Bretagne Prospective