Signe des temps : M. Dominique Le Pennec, maire de Telgruc-sur-mer, débretonnise dans sa commune et ne voit pas le problème. La Poste souhaite de nouvelles dénominations de rue, eh bien, il tient à ne le faire qu'en français : « impasse des Pélicans », « rue des Cormorans », là où la toponymie a toujours été bretonne.
À sa décharge, il n’est pas le seul maire à procéder ainsi, ce qui en dit long sur le phénomène d’acculturation que l’on peut considérer achevé lorsque des responsables bretons ne songent pas le moins du monde à nommer en langue bretonne. Et pourtant, M. le maire de Telgruc avait largement été informé par l’association EOST, auteur d’un remarquable travail sur la toponymie des lieux. Il n’a jamais donné suite aux sollicitations de cette association.
M. le maire de Telgruc ne voit pas le problème sur le plan des droits humains et de la protection de la langue bretonne et du patrimoine immatériel. Peut-être ne sait-il pas que la France s’est engagée de manière solennelle à protéger la diversité et le patrimoine culturels dans le cadre des conventions internationales de l’UNESCO ?
Il doit l’ignorer puisque, questionné sur les arguments opposés par l’association EOST, il n’eut d’autre réaction que de traiter son responsable de « nationaliste ». Il est donc possible de traiter publiquement de « nationaliste » quiconque ne fait jamais que tenter de protéger son patrimoine immatériel et la diversité culturelle en application des grandes conventions internationales et ce, avec des moyens dérisoires. Je ne peux manquer de songer aux dirigeants chinois qui évoquent des « signes de terrorisme » à l’égard des Hong-Kongais qui revendiquent pacifiquement la démocratie. Le procédé rhétorique est connu. Il suffit de salir le lanceur d’alerte pour éviter d’affronter le problème justement soulevé par ce dernier.
Comme la plupart des élus, sa principale préoccupation doit être de regarder vers le haut et ses perspectives d’évolution politique personnelle au sein du MODEM et de « la République en marche » plutôt que de regarder vers le bas, ses électeurs de basse Bretagne, leur culture et le lien ancestral qu’ils entretiennent avec leur terre.
Sûr que si Monsieur le maire de Telgruc avait été consulté sur la même atteinte à la toponymie tibétaine, il eût versé des larmes de crocodile. Seulement voilà, il est breton et évolue au sein du système France.
Il y aurait tant de choses à dire sur la débretonnisation. Je ne peux manquer de songer à Victor Segalen qui disait que si les Maoris changent leurs Dieux pour ceux du colon c’est qu’ils sont « plus bêtes que des boucs ou plus stupides que les thons sans odorat ». Il est des peuples qui disparaissent sans crier gare, par manque de volonté d’être, et parce que leurs responsables ne voient pas le problème.
Quel avenir pour nos langues et notre patrimoine culturel breton lorsque nos responsables politiques ne voient pas le problème ou se rejettent opportunément la responsabilité pour se dispenser d’agir ? Il est toujours plus simple de se cacher derrière le droit pour refuser de prendre en charge la question éminemment politique de la sauvegarde de sa langue et de sa culture.
Pour sauver une langue, une culture, il faut juste une volonté politique.
Ce 9 septembre 2019, les artistes et auteurs de Bretagne exigent une réponse politique claire et urgente de la part du Conseil régional de Bretagne afin de prendre à bras le corps ce problème devenu majeur. Les moyens d’action ne manquent pas et peuvent reposer sur la contractualisation avec les communes et certainement l’augmentation des moyens alloués à l’Office de la langue bretonne. Le déclin, la mort de nos langues n’a rien d’inéluctable. Il suffit de vouloir !
La région Bretagne vient de questionner sèchement l’administration postale et exige des explications sur ses pratiques et les rapports qu’elle entretient avec les mairies. C'est une bonne chose !
M. le maire de Telgruc, qui a réussi à faire de sa commune le lieu emblématique de la débretonnisation, s’est finalement décidé à recevoir une délégation du mouvement breton ce 17 septembre. Acceptera-t-il de faire amende honorable devant les « nationalistes » qui se présenteront alors devant lui et reviendra-t-il sur ses pratiques décriées, au moins dans un souci d’apaisement ? On se grandit toujours à reconnaître ses erreurs.
L’avenir de la Bretagne dépend d’une véritable prise de conscience politique. Il en va de la sauvegarde de sa culture mais encore de ses intérêts.
Il n’est pas sûr que la Bretagne présentera les même attraits lorsque ses langues n’existeront plus et que nos touristes auront le sentiment de rejoindre une nouvelle banlieue parisienne, à Telgruc ou à Pleyben « rue des Lilas ». Nos débretonnisateurs sont en train de tuer la poule aux oeufs d’or mais, encore une fois, ils ne voient pas le problème.
Yvon Ollivier
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