25 mai 1857 - 25 mai 2007 : 150 e anniversaire de la fondation de Dakar
Extrait du livre de M. Jacques Charpy Dakar, naissance d'une métropole qui va paraître dans quelques jours et qui sera en vente sur le stand des éditions Les Portes du large au Festival Étonnants Voyageurs
Léopold Protet est né le 20 avril 1808 à Saint-Servan (aujourd'hui en Saint-Malo), rue des Bas-Sablons. Son père Alexandre Protet (1769-1847) est né à Saint-Pétersbourg ; ancien officier d'infanterie devenu inspecteur du télégraphe, il exerce alors le métier de négociant et sera considéré par le gouvernement de la Restauration comme un « libéral ». Sa mère Françoise Le Camus (1774-1831), originaire de Saint-Père près de Saint-Malo, a deux frères, l'un avoué et l'autre directeur de l'hôpital de Saint-Malo. Les parents de Léopold Protet donnent naissance à neuf filles et cinq garçons qui feront tous carrière dans la Marine, militaire ou marchande. Formé à l'école d'hydrographie de Saint-Malo, Léopold Protet entre en 1824 au collège de la Marine à Angoulême où il est considéré comme un élève assidu et appliqué, bon en mathématiques, en français et e latin, doué pour la langue anglaise. Jeune officier, il navigue de 1827 à 1837 au Levant, aux Antilles, dans l'Océan indien, en Méditerranée, en Afrique. Promu enseigne de vaisseau le 31 décembre 1831, puis lieutenant de vaisseau le 10 avril 1837, son courage et sa présence d'esprit lors de l'abordage de sa frégate au large d'Hyères lui valent la croix de la Légion d'Honneur le 29 avril 1838. Il participe ensuite dans l'escadre de l'amiral Baudin, sous les ordres du prince de Joinville, à la prise de Vera-Cruz au Mexique le 28 novembre 1838. Aide de camp du gouverneur de l'île Bourbon le 28 octobre 1840, il est chargé de levers hydrographiques aux Comores et participe à la prise de possession de Mayotte le 13 juin 1843.
Après 70 mois de séjour dans l'Océan indien, Léopold Protet épouse le 18 août 1845 à Paris Marie-Anne Bellier de Montrose (1813-1901). Originaire de l'île Bourbon, celle-ci est la fille d'un ancien membre du conseil privé et du conseil général de Bourbon, la petite-fille d'un gouverneur, la sœur d'un conseiller colonial et la belle-sœur du frère cadet de Léopold. Le ménage n'aura pas de descendance. Nommé provisoirement à Paris au dépôt des cartes et plans en 18545, Protet est promu capitaine de frégate en septembre 1846 et affecté en décembre 1847 à la division navale des côtes occidentales d'Afrique, chargée de l'application du traité franco-anglais de 1845, c'est-à-dire de la visite des navires français en vue de la répression de la traite des noirs. Gouverneur du Sénégal du 1er juin 1850 au 1er novembre 1854, il prend un congé en métropole pour raison de santé d'avril 1853 à janvier 1854. Promu successivement officier de la Légion d'Honneur le 14 août 1852, capitaine de vaisseau le 2 décembre 1852, commandeur de la Légion d'Honneur le 8 juillet 1854, il doit quitter le Sénégal à la fin de 1854 pour se soigner. Son ancien directeur du génie, le chef de bataillon Louis Faidherbe, lui succède au poste de gouverneur du Sénégal. D'avril 1855 à mars 1856, Léopold Protet siège au conseil des travaux du Ministère de la Marine. En mars 1856, il est de nouveau en Afrique où lui est confié le commandement de la division navale des côtes occidentales d'Afrique et le commandement supérieur de Gorée. C'est alors qu'il prend possession de Dakar au nom de la France le 25 mai 1857.
Le 14 avril 1859, Protet quitte définitivement la côte occidentale d'Afrique ; il est nommé membre du Conseil d'Amirauté. Mais dès le 28 décembre 1859, sur sa demande, il quitte Marseille pour la Chine ; alors qu'il fait route vers l'Extrême-Orient, il est promu au grade de contre-amiral le 8 janvier 1860. Le 13 octobre, avec l'escadre du vice-amiral Charner, il participe à la prise de Pékin, puis commande la division navale des mers de Chine et entreprend une nouvelle campagne pour dégager Shang-haï assiégé par les forces Taï-Ping de Nankin. Les opérations militaires débutent le 17 avril 1862; le 16 mai la colonne campe sous les murs de Né-Kiaio, « ville fortifiée défendue par une redoute avec des escarpements de 20 mètres de haut, un chemin couvert, des pointes de bambou sur une profondeur de plus de 100 mètres. Le 17 mai 1862 à 5 heures du soir, les plates-formes sont terminées ; le feu s'ouvre à environ 300 mètres de la place ; en une heure un des ouvrages avancés de la place est détruit et une brèche est pratiquée. A l'approche de la nuit, l'amiral Protet donne l'assaut. Les troupes s'avancent au pas de course et l'on arrive sur les escarpements à pic de la redoute. L'amiral, qui s'est arrêté sur une plate-forme à 30 mètres tout au plus de la redoute, indique la direction à donner à l'attaque et fait sonner la charge. Nos soldats sont accueillis par un feu de mousqueterie bien fourni ; l'amiral tombe frappé à mort et expire quelques instants après ». Le Moniteur de l'Armée apporte les précisions suivantes : « Accablé par la fatigue et par la fièvre qui l'agitait depuis quelques jours, il reposait dans la jonque qui lui servait d'habitation… Tout est prêt. Alors c'est une autre fièvre qui s'empare de lui ; il se lève, un élégant burnous de cachemire blanc flotte sur ses épaules… » Des obsèques solennelles sont célébrées à Shang-haï le 26 mai 1862 – cinq ans après la fondation de Dakar.
Dans sa séance du 23 mai 1863, le conseil d'administration du Sénégal attribue le nom de Protet à la place centrale de la ville de Dakar, là où en 1857 un fort fut construit à son initiative, aujourd'hui place de l'Indépendance. De même, le 10 octobre 1863, la municipalité de Saint-Servan baptise du nom de l'amiral Protet une rue de la ville près des bassins. Le 19 janvier 1865, le corps de l'amiral Protet est rapatrié de Shang-haï et transféré au cimetière de Saint-Servan, où son monument funéraire a été récemment restauré. A trois reprises la Marine nationale donna le nom de Protet à ses bâtiments, un croiseur en 1898, un contre-torpilleur en 1914, un escorteur en 1964.