Lors d’un entretien accordé ce vendredi à l’ABP, Linda Fabiani, ministre des Affaires étrangères, européennes et culturelles d’Écosse, membre du nouveau gouvernement SNP, s’est exprimée sur différents sujets portant sur la culture, la politique ou les relations entre l’Écosse et la Bretagne.
Ravie de l’accueil rencontré à Lorient, Mme Fabiani a souligné l’importance de la présence écossaise cette année au Festival de Lorient : « C’est pour nous un investissement important et très positif ; l’accueil que nous recevons est enthousiasmant et je ne doute pas que cette action apportera beaucoup à l’image de l’Écosse en Bretagne et au-delà ». Cette présence à Lorient s’explique bien entendu par les liens privilégiés entre pays de culture celtique mais aussi par une volonté affirmée de donner une image de l’Écosse très dynamique, ouverte au monde et souhaitant séduire les potentiels visiteurs mais aussi investisseurs « Nous sommes désireux de faire comprendre que nous sommes ouverts à tous ceux qui ont le projet de vivre, travailler ou d’investir en Écosse ; notre richesse et notre dynamisme doivent beaucoup aussi à tous ces « nouveaux Écossais ». Notre présence ici est aussi un premier pas vers une nouvelle politique d’affirmation de notre culture et de son niveau de qualité à l’international ».
Pour Mme Fabiani, la culture écossaise se définit à la fois par une forte tradition marquée par la culture gaélique et l’intégration des influences les plus diverses : « l’une des caractéristiques les plus marquantes de notre culture, c’est sa capacité à embrasser tous les domaines, les influences les plus diverses, la tradition et la modernité : c’est cette combinaison qui fait de la culture écossaise une culture extrêmement dynamique, innovatrice et capable de s’exporter dans le monde entier. Notre volonté, au gouvernement, est justement de renforcer cette dimension internationale : nous avons en Écosse des institutions de niveau mondial que ce soit dans le domaine de l’opéra, de la danse, des musées, du théâtre ou des festivals, le festival d’Edinburgh est sans doute le plus grand festival au monde ; ces différents éléments doivent être encore mieux mis en valeur pour renforcer l’image de l'Écosse au niveau mondial. C’est l’une des tâches qui va m’incomber dans les mois à venir ». « Nous avons aussi pour objectif de créer une véritable saison culturelle en hiver qui commencerait avec la Saint Andrew, la fête nationale écossaise, Hogmanay (fin de l’année), les festivités autour de Robert Burns en janvier et Celtic Connections à Glasgow. La culture dans toutes ses dimensions est une véritable richesse pour Écosse et nous devons la conforter ».
Concernant les relations entre la Bretagne et Écosse, la ministre constate que « la Bretagne est peu connue en Écosse, y compris dans le domaine musical ; un des objectifs est de remettre à plat la politique de relations internationales de Écosse et, dans ce cadre, des relations à différents niveaux entre les 2 pays celtiques pourraient être créées ; mais notre gouvernement n’est mis en place que depuis 2 mois et nous avons beaucoup à faire dans tous les domaines ».
Dans le domaine de la langue gaélique, le nouveau gouvernement souhaite permettre un fort développement de l’enseignement du et en gaélique « Glasgow vient de voir s’ouvrir le premier établissement dont l’enseignement se fait uniquement en gaélique de la maternelle à la terminale ; nous avons aussi prévu le lancement d’une chaîne de télévision en gaélique à partir de mars 2008 qui pourra être reçue gratuitement par satellite, câble et internet ; nous avons déjà budgété 9 millions de livres (13,140 millions d’Euros) pour ce projet ».
La question de l’audiovisuel est un dossier important pour Mme Fabiani « l’audiovisuel reste encore de la compétence de Westminster mais nous avons bon espoir d’obtenir la création d’une chaîne autonome BBC Scotland mais c’est une question de rapport de force politique, comme l’a d’ailleurs été par le passé la question de l’intégration de l’histoire et de la culture écossaises dans l’enseignement primaire et secondaire ».
Sur un plan politique, la victoire des nationalistes du SNP a représenté pour Mme Fabiani « beaucoup d’espoir ; le SNP est devenu aux yeux des Écossais le véritable Parti de Écosse ; cette victoire est un pas important vers l’indépendance ». Dans quelques semaines, le Premier ministre Alex Salmond va présenter une proposition sur l’éventuel referendum sur l’indépendance, le “Independence White Paper”. Ne disposant que de 47 sièges sur 120 au parlement écossais, le SNP aura sans doute du mal à trouver une majorité pour l’organisation de ce referendum. Pour Mme Fabiani, « les partis unionistes se disent démocratiques ; qu’ils nous le prouvent en acceptant l’organisation de ce referendum ! ». Pour la ministre, l’éventuelle indépendance de son pays ne provoque chez elle aucune inquiétude : « regardez l’Irlande, la Finlande, la Norvège, et bien d’autres petits pays d’Europe : pensez-vous que les Écossais soient plus stupides que les autres ? Écosse dispose de formidables atouts pour mettre en place son indépendance ».
Concernant la récente actualité, Mme Fabiani se réjouit de « la présence du Plaid Cymru à la tête de l’Assemblée nationale de Cardiff et de l’évolution positive du gouvernement nord-irlandais ; la participation récente d’Alex Salmond, à Belfast, au Conseil irlando-britannique avec l’ensemble des chefs de gouvernement des îles britanniques marque pour nous une étape importante dans la ré-organisation politique des pouvoirs de nos différentes nations dans une optique plus ouverte et plus transparente ».
Enfin, le récent attentat de Glasgow a, pour Mme Fabiani, « souligné la grande solidarité entre les différentes communautés écossaises qui ont condamné dans leur ensemble (une première au Royaume-Uni) cette action. Plus généralement, nous défendons l’idée d’une nation écossaise où tout un chacun peut célébrer sa propre culture tout en étant pleinement écossais. C’est aussi une clé de notre dynamisme ».
En conclusion, Mme Fabiani s’est félicitée de l’ambiance chaleureuse du festival de Lorient qui permet à des représentants des différentes nations celtiques de se retrouver, d’échanger et de donner le meilleur d’eux-mêmes pour le plaisir de tous.
Propos recueillis par Jacques-Yves Le Touze / ABP