Retour sur 40 ans de musique traditionnelle en Pays Bigouden.
C'est en 1973 que Bernard Le Floc’h (1) crée les Sonerien an Aod (2) dans la dynamique du renouveau celtique mené alors par le jeune Alan Stivell. Vêtus de leur costume de marins rouge, les Sonerien ne passent pas inaperçus. Ils ont défilé 35 fois à la Fête des Brodeuses à Pont-l'Abbé (3) avec tout particulièrement des affinités avec la Saint Loup de Guingamp, les fêtes d'Arvor de mi-août à Vannes, le Mondial folk de Plozévet, le festival Voile et Folklore de Tréboul...
Tous les jeunes ont été formés au sein du groupe. " À l'époque il n'y avait pas les formateurs salariés, la BAS (Bodadeg ar Sonerion) n'était pas structurée comme aujourd'hui, le bénévolat était roi ! " tient à souligner Bernard Le Floc'h.
" Il nous a fallu acquérir les instruments un à un (cornemuses et bombardes) au fur et à mesure des animations de kermesse qui remplissaient la tirelire de quelques centaines de Francs, alors qu'il fallait approcher les 10.000 Francs pour une cornemuse neuve. C'est Sébastien Jolivet, maire de Pont-l’Abbé, qui décide de voter l'achat d'une grosse caisse à la formation. Progressivement le groupe investit dans deux caisses claires, ce qui lui a permis de devenir un bagad à part entière ".
Les Sonerien an Aod ont débuté les concours de Bodadeg ar Sonerion en 3e catégorie pour accéder à la seconde catégorie en 1982 lors du festival interceltique de Lorient, sous la direction musicale de Denis Daniel de Plomeur. " C'était vraiment une autre époque, tout était différent, il suffisait d'avoir 16 sonneurs, on jouait 5 à 7 minutes à l'unisson sans faire le développement musical qui fait la richesse du travail des bagadoù d'aujourd'hui " se souvient Jean-Michel Loussouarn, alors en charge des bombardes.
Après la scission qui a mené au bagad Cap Caval, les Sonerien an Aod se muent en pipe band. Ils maintiennent le costume d'origine mais se spécialisent dans un répertoire totalement écossais.
Les festivals et les concours se succèdent et le groupe atteint son apogée dans les années 2000 à Alden Bizen en Belgique (4) en grade 4, puis à la foire de Chatsworth, en Angleterre (5) en grade 3. Son effectif jeune et nombreux séduit, sa rigueur lui vaut l'admiration des organisateurs de festivals mais parfois aussi un regard distancié des sonneurs des bagadoù alors en pleine expansion. Mais qu'importent les “on dit”, les Sonerien n'en ont cure. Ils sont invités à l'Hôtel Matignon (Paris, bureaux du Premier ministre) pour la fête de la musique, ils produisent un disque avec l'Ivoirien Julien Goualo, réalisent une création de Suite de la Renaissance avec le quintette de trompettes de Paris…, paradent dans les plus grands festivals de l'Hexagone.
Bernard Le Floc'h, que rien n'arrête, affrète le Rara Avis, un superbe yacht de l'association du Père Jaouen, et les Sonerien an Aod mettent le cap sur Dunoon, en Écosse (6), aux Cowal games, pour le plus grand rassemblement de pipe bands au monde (7). Cette aventure sera une réussite humaine mais laissera une certaine déception musicale. Quelques sonneurs quittent le navire et il faut relancer la formation. On les reverra aux concours des pipe bands de Lorient, de Locoal Mendon et de Menez Meur, souvent lauréats en catégorie B.
Lorsque Bernard Le Floc'h, le président fondateur, décide de passer la main, c'est un séisme qui laisse les sonneurs quelque peu désemparés. Le public les voit de moins en moins, surtout à cause de leur dispersion pour raisons professionnelles. La présidence est reprise par Tugdual Le Rhun, installé à la grosse caisse depuis une quinzaine d'années ; Georges Assaf, formé au sein du groupe, devient pipe-major. Pendant 2 années c'est un service minimum qui s'installe. Les sonneurs, pas très nombreux mais très soudés, travaillent dans l'ombre à repenser les suites et à définir un nouveau cap. Le nouveau président a dû adapter les répétitions à la situation, " le dernier week-end de travail s'est déroulé en mars à Verneuil-sur-Seine en région parisienne et Skype est arrivé à point pour travailler à 2 ou 3 à des centaines de km de distance ", précise t-il.
" Certes on entend moins les Sonerien An Aod à Pont-l'Abbé mais nous travaillons beaucoup ", martèle Tugdual, le président. " Nous organisons régulièrement des week-ends à Ti Skol (8) et espérons relancer la formation pour la rentrée ; nous souhaitons voir de nombreux jeunes venir nous écouter à notre concert anniversaire. De même si des sonneurs isolés veulent nous rejoindre se sera avec plaisir que nous les accueillerons ".
D'origine tchéco-libanaise, la famille de Georges Assaf est arrivée en France lorsqu'il avait 3 ans. Il a fait son apprentissage au sein des Sonerien et a saisi l'opportunité de fréquenter d'autres pipe bands, en Grande-Bretagne et en Belgique. Il s'est mis à la composition ces dernières années et est aussi assidu que possible aux répétitions de l'excellent pipe band d'Anvers qui évolue en grade 2.
La batterie est aujourd'hui sous la direction de Gwénaël Le Rhun qui va de succès en succès lors de ses concours de soliste. Le prochain événement sera consacré à la présentation des suites composées par l'actuel pipe major. Les Sonerien an Aod sont en route pour une nouvelle aventure.
Le samedi 11 mai prochain les Sonerien an Aod réapparaissent au grand jour lors d'un concert anniversaire des 40 ans dont les manifestations vont se dérouler sur 2 saisons. Ils ont invité Hervé Le Floc'h, talentueux sonneur bigouden et responsable des cornemuses au bagad Cap Caval, à venir ouvrir la soirée. Puis le pipe band proposera ses nouvelles suites sous la direction de Georges Aassaf.
Le concert du samedi 11 mai se déroulera à 20 h 30 à la salle municipale de Pont-l'Abbé, rue Jules Ferry. Cette soirée sera l'occasion de parler des souvenirs de rencontrer d'autres anciens et d'envisager de nouvelles recrues.
Entrée 3 euros, gratuit moins de 12 ans.
Renseignements Tugdual Le Rhun : lerhuntug [at] yahoo.fr et 06 71 64 74 76