Le colonialisme est la doctrine politique qui prône l'exploitation par un État de territoires qu'il prend en charge à son profit. Forme nouvelle du colonialisme, le néocolonialisme consiste en la poursuite, cette fois plus économique, de cette domination des territoires devenus indépendants.
Ces deux doctrines ont des déclinaisons externes et internes : il y a eu des territoires colonisés par la France à l’extérieur de la France, au Maghreb, en Afrique, mais aussi à l’intérieur de la France (Bretagne, Corse,...).
Et il y a des territoires néo-colonisés par la France à l’extérieur de la France et encore aujourd’hui, des formes de néo-colonisations à l’intérieur de la France.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le colonialisme et le néocolonialisme français ont causé la mort de plusieurs centaines de milliers de personnes. A celles-ci, mortes en conséquence directe de guerres déclenchées par la France (Indochine, Algérie…), de coups d’État militaires en Afrique et d’autres conflits (Rwanda), s’ajoutent des millions de victimes indirectes qui ont péri, en silence, de la misère, du sous-développement (Vltchek). Ne sont-ils pas des crimes contre l’humanité ?
- Le colonialisme externe
Point de long discours, relisons Aimé Césaire qui publie, en 1950, un “Discours sur le colonialisme”, qui arrache aux civilisés français leur masque de bienséance, et révèle leur figure de sang et les crimes dont ils sont coupables. “On me lance à la tête des kilométrages de routes, de chemin de fer. Moi, je parle de milliers d’hommes sacrifiés au Congo-Océan". C’est cela l’histoire des colonisations externes. Prendre une terre et en extraire le suc, en exploiter ses hommes et ses femmes, en faire des choses, des outils, des soldats, des coolies, des porteurs, des bâtisseurs de ponts ; en faire, dans le crime, les instruments de la gloire du colonisateur (Askolovitch). Mise en avant comme point positif de la colonisation, la langue française est, avec la religion, le principal outil de colonisation. Comme si avant, les Africains, les Arabes ne savaient qu’aboyer !
Sur ce point, face à la qualification de la colonisation comme crime contre l’humanité, les réactions des candidats à la prochaine élection présidentielle française ou de leurs représentants sont très instructives.
Fillon “La France n’était pas coupable d’avoir voulu faire partager sa culture aux peuples d’Afrique”.
Philippot “Crimes contre l’humanité, les routes, les hôpitaux, la langue française, la culture française ? Stop à cette repentance permanente!”.
Hamon “Je ne suis pas pour caractériser cela comme un crime contre l’humanité”.
Mélenchon, “c’est un fait qui concerne les historiens”. Joli dégagement de celui qui en 2013 qualifiait la guerre d’Algérie de guerre civile et retrouvait ainsi le même registre que les socialistes de la SFIO qui avaient mené la répression en qualifiant ce qui se passait en Algérie, d’événements. Mais pieds-noirs socialistes ayant connu eux-mêmes les “charmes” de la colonisation, ces deux derniers candidats ne font que reprendre cette rhétorique.
Il a fallu attendre le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 pour que la France, mal préparée à la perte de son empire, admette enfin le caractère inéluctable de la décolonisation en Afrique (Droz). Mais, ce même de Gaulle envisageait, sans vergogne, en 1967 un retour du Québec comme département français en y envoyant des contingents de “coopérants effectuer leur service militaire” et en distribuant quelques subsides aux militants du Front de Libération du Québec (FLQ) !
- Le néocolonialisme externe
Par tradition jacobine et par intérêt économique, la France a tenu à conserver des liens avec ses anciennes colonies. Françafrique et francophonie sont alors nées pour créer cette co-opération qui s’apparente plus à du néocolonialisme. Et qui explique les exactions qui ont été commises ces dernières années au Gabon, au Niger, au Mali.
Qui doit-on montrer du doigt ? Les milices. Mais, comme l’affirme Chomsky, derrière les milices se trouvent les multinationales et les gouvernements.
L’enjeu ? Au Gabon, les juteux gisements pétroliers offshore du golfe de Guinée exploités par Elf (aujourd’hui Total). Au Niger, des relations à forte teneur en uranium.
L’intégration de certains de ces territoires (DOM-TOM) dans le territoire national de la “métropole” n’a pas mis fin à leur domination. Ce qui explique l’existence en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie de partis indépendantistes.
- Le colonialisme interne
Il s’agit d’un phénomène d’unification par l’État central.
En Grande-Bretagne, l’une des manifestations de ce phénomène concerne l’intégration des populations d’Irlande et d’Écosse.
En France, Bretagne et Corse sont deux exemples de ce colonialisme de l’intérieur. La réponse à ce colonialisme a été dans ces deux territoires de faire appel, pour obtenir l’indépendance, à la lutte armée : Front de Libération de la Bretagne (FLB) en Bretagne et Front de Libération Nationale Corse (FLNC) en Corse.
En 1972, une brochure intitulée Bretagne=Colonie démontrait avec brio la réalité de ce colonialisme. Avec, par exemple, les mêmes critères ethno-raciaux et le recours aux mêmes stéréotypes coloniaux racistes qu’en Afrique. Comme Bamboula, Bécassine, en France, témoigne d’un racisme anti-breton, paternaliste et colonial.
- Le néocolonialisme interne
Comment poursuivre ces dominations de façon à effacer toute trace de l’existence de peuples considérés désormais comme intégrés et empêcher leur accession à une éventuelle indépendance ?
Il faut effacer leur nom, leur culture. La régionalisation telle qu’elle a été menée récemment en France est l’exemple même de ce néocolonialisme de l’intérieur.
Les Alsaciens ont été ainsi vaporisés dans le "Grand Est". Ils ont disparu de l’histoire et sont devenus des non-personnes (Orwell) : c’est comme s’ils n’étaient jamais nés ni n’avaient jamais existé.
La Bretagne a elle aussi failli disparaître dans un "Grand Ouest". Les habitants d’une de ses composantes historiques, le département de la Loire-Atlantique, terre qui lui a été arrachée, se sont vu dépouillés de leur nom pour se voir imposer une dénomination néocoloniale : de Bretons, ils sont devenus Ligériens.
Comme le signale Bernard Droz dans son ouvrage “La fin des colonies françaises”, la décolonisation, “événement majeur de l'histoire contemporaine, s'est emparée de la France presque par inadvertance. Par tradition jacobine et par attachement sentimental, celle-ci, en effet, était mal préparée à la perte de son empire” et n’est toujours pas préparée à la modification de ses frontières hexagonales.
“Les velléités d'indépendance ont partout été vigoureusement réprimées” entraînant de nombreux crimes. Les velléités d’autonomie régionale sont toujours ignorées. “De cette crispation colonialiste découle le traumatisme d'une séparation encadrée par les guerres d'Indochine et d'Algérie, et ponctuée de multiples épreuves de force” et de nombreux morts.
“Après une longue amnésie, la France a connu, au seuil des années 1980, un retour de mémoire” du colonialisme de l’extérieur, pas encore du colonialisme de l’intérieur. Mais, aujourd'hui, en refusant de qualifier le colonialisme de crime contre l’humanité, certains continuent de se mentir et de mentir sur le passé colonial et sur le présent néocolonial de la République française.