C'est "un fameux pavé dans la mare" que vient de jeter Jean Bothorel au début de ce mois de septembre en faisant paraître aux éditions Fayard ce livre de 172 pages (vendu au prix de 15 €) dans lequel il laisse exploser sa colère contre la soi-disant "intelligentsia française", ce microcosme littéraire et médiatique parisien, qu'il connaît particulièrement bien puisqu'il le fréquente depuis près de 40 ans et qu'il en fait partie.
Jean Bothorel est breton et fier de l'être. Il est né en 1940, dans le Léon, à Plouvien, où son père était boulanger, et, après de bonnes études secondaires au Likès à Quimper, il a fait Sciences Po à Paris avant d'entrer en 1965 au cabinet d'Yvon Bourges, alors secrétaire d'État chargé de la recherche scientifique, puis de l'information. Ayant pu apprécier ses talents de journaliste, son patron lui confia en 1966 le poste de rédacteur en chef d'un nouveau mensuel qu'il avait décidé de lancer (non sans arrière-pensées politiques) : "Bretagne Magazine". C'est à ce poste que Jean Bothorel allait prendre conscience de la situation injuste faite à la Bretagne et prendre une décision extrême, celle de rejoindre les rangs d'une organisation clandestine : le Front de Libération de la Bretagne. Son arrestation, lors d'une action menée contre une caserne à Nevers, fit beaucoup de bruit à l'époque. Il devait raconter plus tard cet épisode de sa vie dans un livre : "Un Terroriste breton" (Calmann-Lévy, 2001).
Jean Bothorel allait néanmoins reprendre bientôt sa carrière de journaliste, d'abord à "L'Expansion" en 1968-1969, puis à "La Vie catholique" de 1969 à 1977 et ensuite, de 1977 à 1983, au "Matin de Paris" comme éditorialiste. Il allait ensuite être un éditorialiste, toujours aussi brillant, au "Figaro" pendant dix ans, de 1986 à 1996, tout en dirigeant aussi de 1991 à 1995 la "Revue des Deux Mondes". Il a écrit de nombreux livres, particulièrement ces dernières années, dont les biographies de deux milliardaires bretons : "François Pinault. Une enfance bretonne" (Robert Laffont, 2003) et "Vincent Bolloré. Une histoire de famille" (Picollec, 2007). Jean Bothorel sera d'ailleurs à ce titre le président d'honneur du prochain Festival du livre de Guérande les 22 et 23 novembre prochains...
Avec son dernier livre "Chers imposteurs", Jean Bothorel ne se fera pas que des amis dans le petit monde parisien. Il explique en effet, de manière très convaincante, que la France n'a plus guère d'intellectuels depuis la disparition de Jean-Paul Sartre, François Mauriac, Albert Camus, André Malraux, Raymond Aron et d'autres penseurs, qui ont vraiment été des "consciences" à leur époque… Aujourd'hui, les écrivains ou philosophes autoproclamés se situent plus dans le monde du "show-biz" ou de la "Star Academy" que dans celui d'un débat intellectuel profond et sérieux. Il s'en prend en particulier à trois personnages omniprésents depuis quelques années dans les médias parisiens : Philippe Sollers, BHL et Michel Onfray, expliquant comment chacun d'eux a bâti sa réputation en s'appuyant sur deux fondements sommaires : la posture et l'imposture.
Pour lui, la fin des intellectuels dignes de ce nom est également symptomatique que l'abaissement du niveau culturel de nos dirigeants politiques et il termine son livre par une analyse très sévère, mais très convaincante, du comportement de Nicolas Sarkozy. Il constate : « Nous avons, de ce point de vue, rattrapé notre retard sur les Etats-Unis, Sarkozy est aussi cultivé que George Bush… »
Ce petit livre ne restera sans doute pas comme une œuvre fondamentale et incontournable, comme on le dit aujourd'hui. Il intéressera surtout le monde parisien et tous ceux qui considèrent encore la capitale française comme le centre mondial de l'intelligence et du bon goût - ils sont de moins en moins nombreux dans le monde aujourd'hui et les membres de microcosme parisien n'en ont pas encore pris conscience - mais on le lira avec plaisir. Jean Bothorel ne manque pas de talent.