Fin septembre, une délégation coréenne composée de quatre chercheurs (ethnologues, géographe et sociologue des communautés maritimes), d'un photographe et d'une traductrice a passé quatre jours dans le pays de Guérande. Le désir des Coréens de venir à la rencontre des hommes et femmes des marais salants bretons s'inscrit dans un projet de recherches " Le sel du monde " au musée national folklorique de Corée du Sud http://www.nfm.go.kr/language/french/htm/muse0_greeting.htm du musée.
Le sel de Guérande jouit d'un grand prestige au Pays du Matin calme. Pour ce peuple à la civilisation maritime très ancienne, les paludiers bretons sont des sages : ils travaillent de la même manière depuis 1500 ans et, comme le dit la devise de la Maison des Paludiers : " On ne commande à la Nature qu'en lui obéissant ".
Le 27 septembre, la délégation coréenne a rencontré Gildas Buron, conservateur du Musée des Marais salants de Batz. Les Coréens ont été impressionnés par la mise en valeur des collections du musée breton et l'approche scientifique de la muséographie adaptée au grand public. Ils ont manifesté leur grand intérêt pour l'ancienneté et la richesse de la civilisation bretonne comme en témoignent les vêtements de travail et de cérémonies, les meubles et la langue bretonne du pays de Guérande. Dans les années 1950, l'Office du Tourisme du Bourg de Batz n'avait-il pas cette devise " Comme au creux d'une main toute la Bretagne " ?
Le lendemain, les chercheurs coréens ont passé une bonne partie de la journée à la Maison des Paludiers http://www.maisondespaludiers.fr/ . Cette structure associative, créée en 1971 par le Cercle Celtique de Saillé, est habituée à recevoir des délégations du monde entier. Elle est bien connue et appréciée pour son approche pédagogique en direction du grand public et pour sa disponibilité en direction des chercheurs, média internationaux et photographes.
La demande coréenne arrivée début septembre était formulée ainsi : " Nous voudrions visiter votre établissement et avoir un entretien avec un paludier expérimenté pour partager vos expériences et pour faire connaître votre patrimoine matériel et immatériel aux Coréens ".
Après une visite de la Maison des Paludiers, Michel Evain, l'un des fondateurs et animateur des lieux, répondit durant trois heures aux questions des chercheurs aussi bien sur l'histoire des marais, des techniques et traditions du monde paludier.
Plus tôt dans la journée, alors que trois d'entre eux étaient sur les marais salants à faire des prises de vues, un sociologue et une ethnologue découvraient le village paludier de Kervalet.
Ils ont été particulièrement attirés par l'architecture bretonne de ce village de Batz qui a peu changé depuis le XVIIe siècle, à la grande époque de “l'or blanc”. Dans le cadre de la connaissance du patrimoine immatériel breton ils ont été heureux de découvrir la petite place de Kervalet, près de la chapelle Saint-Marc, où a lieu l'été, depuis 1971, le fameux " Fest-Noz des Paludiers ". La tradition des danses paludières, qui était restée encore très vivante dans les années 1960, a naturellement débouché sur ce fest-noz pur " cul salé " (surnom des Guérandais) qui attire les connaisseurs depuis 43 ans.
Pour compléter leur approche du pays du sel breton, la délégation avait rendez-vous le lendemain au Centre de Formation des Paludiers à la Turballe avant d'aller à la rencontre d'un paludier turballais. Pour les Coréens ce séjour doit être l'occasion de tisser des liens entre la Corée et le pays de Guérande qui, avec le sel, a créé une culture et des traditions originales.
Déjà en juin dernier, une autre délégation coréenne était venue à la Maison des Paludiers pour connaître la manière dont a été transmis le métier de paludier. Elle était composée du propriétaire de la saline de Taepyung, de son chef de production et d'une traductrice. Cette vaste saline de l'île de Jeungdo, qui se trouve dans un archipel au sud-ouest de la péninsule coréenne, est née en 1953. C'est la plus grande ferme de sel (1) de Corée, et qui est répertoriée comme l'un des patrimoines culturels du pays. Chaque année 16.000 tonnes de sel de mer y sont produites.
Taepyung Natural Salt Co. fait remarquer sur son site Internet que son sel " a une haute teneur en minéraux et un goût exceptionnel. Il est récolté à la main de façon traditionnelle, qui est la même méthode utilisée par la marque de sel de mer haut de gamme, Guérande ".
Vu de Corée le sel breton de Guérande a une réputation internationale qui en fait le standard de la qualité du sel artisanal. La traductrice fit remarquer que la Corée et la Bretagne sont deux péninsules où la mer a une place essentielle http://sumdleche.en.ec21.com/
Cette ouverture avec la Corée démontre une nouvelle fois la forte notoriété des marais salants de Guérande et de la Bretagne en général à travers le monde. L'Asie de l'Est semble de plus en plus attirée par le pays du sel breton, à l'exemple de la télévision nippone qui consacra en 2013 une émission spéciale Bretagne avec le monde des marais salants comme fil conducteur ( voir notre article ) : La télévision japonaise au pays du sel breton.
Hubert Chémereau