Il y a environ 125 ans, entre 1877 et 1883, un aristocrate breton de Bannalec, Charles-Bonaventure du Breil de Rays (Lorient, 1832 - Melgven, 1893) rêva de devenir le souverain d'une vaste région du monde qui correspond à l'actuelle Papouasie Nouvelle-Guinée (463 000 km2 et 3,4 millions d'habitants), indépendante depuis 1975. Baptisée la Nouvelle-France, cette "colonie libre" devait avoir pour capitale Port-Breton. C'est l'histoire incroyable de cette entreprise que raconte Daniel Raphalen dans son livre L'Odyssée de Port-Breton ou le rêve océanien du marquis de Rays (288 pages), qui vient de paraître aux éditions Les Portes du large, à Rennes. La tentative du marquis de Rays qui s'acheva tragiquement, après avoir entraîné la mort de quelque 150 malheureux (sur un total de plus de 600 colons partis d'Europe), n'est qu'une parmi d'autres entreprises lancées par des aventuriers européens. Ce thème a d'ailleurs inspiré à Rudyard Kipling une de ses plus fameuses nouvelles : L'homme qui voulut être roi, histoire se déroulant aux confins de l'Empire des Indes à la même époque. La plus fameuse de ses tentatives fut sans doute celle d'un petit avoué de Périgueux, Antoine de Tounens (La Chèze, Dordogne, 1825 - Tourtoirac, 1878) qui partit pour le Chili en 1858 et qui se fit proclamer roi de tribus indiennes vivant dans le sud du pays en 1860. Arrêté par l'armée chilienne et considéré comme fou, il fut enfermé dans un asile, puis autorisé à rentrer en France, mais il mena un seconde expédition pour reprendre "son royaume" en 1874, avant d'être à nouveau vaincu et de revenir définitivement en France. Racontée par Saint-Loup en 1950 dans son livre Le roi blanc des Patagons, l'histoire d'Antoine de Tounens a inspiré en 1981 un roman qui a connu un très grand sucès Moi, Antoine de Tounens, roi de Patagonie. Autre contemporain du marquis de Rays, l'aventurier anglais James Brooke (1803-1868) réussit, lui, à devenir le souverain d'un État, inaugurant une dynastie de "rajahs blancs" qui dura un siècle. Récompensé pour ses services par le sultan d'une partie de Bornéo, James Brooke fut nommé en 1841 gouverneur du Sarawak et déclaré rajah en 1842. Sa souveraineté fut reconnu par tous, y compris par la reine Victoria à laquelle il vint officiellement rendre visite en 1847. À sa mort, c'est son neveu Charles Brooke (1829-1917) qui lui succéda comme rajah. La reine Victoria le fit chevalier. Son fils Wyner Brooke (1874- 1963), lui succéda à son tour en 1917 et la découverte de riches gisements de pétrole dans son petit royaume augmenta encore la bienveillance de la couronne britannique à son égard. En décembre 1941, le pays fut occupé par les Japonais, qui ne se rendirent qu'en septembre 1947. Le règne des "rajahs blancs" du Sarawak prit définitivement fin le 1er janvier 1946 avec l'incorporation du pays dans l'empire colonial britannique. Ainsi détrôné, le dernier rajah mourut en Angleterre le 9 mai 1963. L'arrestation du marquis de Rays, puis son procès à Paris en 1884, marqua la fin définitive de son projet colonial. En 1884, le gouvernement de Berlin profita de l'occasion pour s'emparer de cette région d'Océanie qui fut d'abord administrée par une société commerciale, la Compagnie allemande de Nouvelle-Guinée, puis directement par l'administration impériale allemande à partir de 1899. Quand éclata la Première guerre mondiale, des troupes britanniques (australiennes) occupèrent cette colonie allemande qui resta sous administration militaire jusqu'en 1921, année où la Société des Nations donna officiellement mandat à l'Australie d'administrer ce territoire. Le 1er décembre 1973, la Papouasie Nouvelle-Guinée se vit accorder un statut d'autonomie, premier pas vers l'indépendance totale, officiellement proclamée le 16 septembre 1975. La "colonie libre de Port-Breton" y est aujourd'hui bien oubliée...